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Citations sur Les Névroses (24)

Pas de larmes extérieures !
Sois le martyr mystérieux ;
Cache ton âme aux curieux
Chaque fois que tu les effleures.

Au fond des musiques mineures
Épanche ton rêve anxieux.
Pas de larmes extérieures !
Sois le martyr mystérieux ;

Tais-toi, jusqu'à ce que tu meures !
Le vrai spleen est silencieux
Et la Conscience a des yeux
Pour pleurer à toutes les heures !
Pas de larmes extérieures ! —
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De violette et de cinname,
De corail humide et rosé,
De marbre vif, d'ombre et de flamme
Est suavement composé
Ton joli petit corps de femme.

Pour mon amour qui te réclame
Ton reproche vite apaisé
Est ce qu'est pour la brise un blâme
De violette.

Ton savoir a toute la gamme ;
L'énigme craint ton œil rusé,
Et ton esprit subtilisé
Avec le rêve s'amalgame :
Mais ta modestie est une âme
De violette.
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L'Espérance est un merle blanc
Dont nous sommes la triste haie :
Elle voltige sur la plaie
Et siffle au bord du cœur tremblant.

Mais son vol n'est qu'un faux semblant ;
Sa sérénade n'est pas vraie.
L'Espérance est un merle blanc
Dont nous sommes la triste haie.

Et tandis que, rapide ou lent,
Le Désespoir est une orfraie
Dont le cri certain nous effraie,
Et dont le bec va nous criblant,
L'Espérance est un merle blanc.
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LE PETIT LIÈVRE :

Brusque, avec un frisson
De frayeur et de fièvre,
On voit le petit lièvre
S’échapper du buisson.
Ni mouche ni pinson ;
Ni pâtre avec sa chèvre,
La chanson
Sur la lèvre.

Tremblant au moindre accroc,
La barbe hérissée
Et l’oreille dressée,
Le timide levraut
Part et se risque au trot,
Car l’aube nuancée
N’est pas trop
Avancée.


L’animal anxieux
S’assied sur une fesse ;
Et pendant qu’il paresse,
La brume dans les yeux,
Le grand saule pieux
S’agenouille et s’affaisse
Comme un vieux
À confesse.

N’entend-il pas quelqu’un ?
Non ! ce n’est que la brise
Qui caresse et qui grise
Son petit corps à jeun.
Et dans le taillis brun
Le fou s’aromatise
Au parfum
Du cytise.

Dans le matin pâlot,
Leste et troussant sa queue,
Il fait plus d’une lieue
D’un seul trait, au galop.
Il s’arrête au solo
Du joli hoche-queue,
Près de l’eau
Verte et bleue.


Terrains mous, terrains durs,
En tout lieu son pied trotte :
Et poudreux, plein de crotte,
Ce rôdeur des blés mûrs
Hante les trous obscurs
Où la source chevrote,
Les vieux murs
Et la grotte.

L’aube suspend ses pleurs
Au treillis des barrières,
Et sur l’eau des carrières
Fait flotter ses couleurs.
Et les bois roucouleurs,
L’herbe des fondrières
Et les fleurs
Des clairières,

L’if qui se rabougrit,
Le roc vêtu d’ouate
Où le genêt s’emboîte,
La forêt qui maigrit,
La mare qui tarit,
L’ornière creuse et moite :
Tout sourit
Et miroite.


Et dans le champ vermeil
Où s’épuise la sève,
Le lièvre blotti rêve
D’un laurier sans pareil ;
Et toujours en éveil
Il renifle sans trêve
Au soleil
Qui se lève.
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Le Chat (Les Luxures) :

Je comprends que le chat ait frappé Baudelaire
Par son être magique où s’incarne le sphinx ;
Par le charme câlin de la lueur si claire
Qui s’échappe à longs jets de ses deux yeux de lynx,
Je comprends que le chat ait frappé Baudelaire.

Femme, serpent, colombe et singe par la grâce,
Il ondule, se cambre et regimbe aux doigts lourds ;
Et lorsque sa fourrure abrite une chair grasse,
C’est la beauté plastique en robe de velours :
Femme, serpent, colombe et singe par la grâce,

Vivant dans la pénombre et le silence austère
Où ronfle son ennui comme un poêle enchanté,
Sa compagnie apporte à l’homme solitaire
Le baume consolant de la mysticité
Vivant dans la pénombre et le silence austère.


Tour à tour triste et gai, somnolent et folâtre,
C’est bien l’âme du gîte où je me tiens sous clé ;
De la table à l’armoire et du fauteuil à l’âtre,
Il vague, sans salir l’objet qu’il a frôlé,
Tour à tour triste et gai, somnolent et folâtre.

Sur le bureau couvert de taches d’encre bleue
Où livres et cahiers gisent ouverts ou clos,
Il passe comme un souffle, effleurant de sa queue
La feuille où ma pensée allume ses falots,
Sur le bureau couvert de taches d’encre bleue.

Quand il mouille sa patte avec sa langue rose
Pour lustrer son poitrail et son minois si doux,
Il me cligne de l’œil en faisant une pause,
Et je voudrais toujours l’avoir sur mes genoux
Quand il mouille sa patte avec sa langue rose.

Accroupi chaudement aux temps noirs de décembre
Devant le feu qui flambe, ardent comme un enfer,
Pense-t-il aux souris dont il purge ma chambre
Avec ses crocs de nacre et ses ongles de fer ?
Non ! assis devant l’âtre aux temps noirs de décembre,

Entre les vieux chenets qui figurent deux nonnes
À la face bizarre, aux tétons monstrueux,
Il songe à l’angora, mignonne des mignonnes,
Qu’il voudrait bien avoir, le beau voluptueux,
Entre les vieux chenets qui figurent deux nonnes.


Il se dit que l’été, par les bons clairs de lune,
Il possédait sa chatte aux membres si velus ;
Et qu’aujourd’hui, pendant la saison froide et brune,
Il doit pleurer l’amour qui ne renaîtra plus
Que le prochain été, par les bons clairs de lune.

Sa luxure s’aiguise aux râles de l’alcôve,
Et quand nous en sortons encor pleins de désir,
Il nous jette un regard jaloux et presque fauve,
Car tandis que nos corps s’enivrent de plaisir,
Sa luxure s’aiguise aux râles de l’alcôve.

Quand il bondit enfin sur la couche entr’ouverte,
Comme pour y cueillir un brin de volupté,
La passion reluit dans sa prunelle verte :
Il est beau de mollesse et de lubricité
Quand il bondit enfin sur la couche entr’ouverte.

Pour humer les parfums qu’y laisse mon amante,
Dans le creux où son corps a frémi dans mes bras,
Il se roule en pelote, et sa tête charmante
Tourne de droite à gauche en flairant les deux draps,
Pour humer les parfums qu’y laisse mon amante.

Alors il se pourlèche, il ronronne et miaule,
Et quand il s’est grisé de la senteur d’amour,
Il s’étire en bâillant avec un air si drôle,
Que l’on dirait qu’il va se pâmer à son tour ;
Alors il se pourlèche, il ronronne et miaule.


Son passé ressuscite, il revoit ses gouttières
Où, matou lovelace et toujours triomphant,
Il s’amuse à courir pendant des nuits entières
Les chattes qu’il enjôle avec ses cris d’enfant :
Son passé ressuscite, il revoit ses gouttières.

Panthère du foyer, tigre en miniature,
Tu me plais par ton vague et ton aménité,
Et je suis ton ami, car nulle créature
N’a compris mieux que toi ma sombre étrangeté,
Panthère du foyer, tigre en miniature.
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Tes yeux bleus comme deux bluets
Me suivaient dans l'herbe fanée
Et près du lac aux joncs fluets
Où la brise désordonnée
Venait danser des menuets.

Chère Ange, tu diminuais
Les ombres de ma destinée,
Lorsque vers moi tu remuais
Tes yeux bleus.

Mes spleens, tu les atténuais,
Et ma vie était moins damnée
À cette époque fortunée
Où dans l'âme, à frissons muets,
Tendrement tu m'insinuais
Tes yeux bleus !
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La Sauterelle
À Georges Landry.

Sa tête a l’air d’être en bois peint,
Malgré ses mandibules moites ;
Elle a l’œil gros comme un pépin.
Pareille aux bêtes en sapin,
Mouton, cheval, bœuf et lapin,
Que les enfants ont dans des boîtes,
Sa tête a l’air d’être en bois peint,
Malgré ses mandibules moites.


Quand le soleil a des rayons
Qui sont des rires de lumière,
Elle se mêle aux papillons
Et cliquette avec les grillons ;
Elle abandonne les sillons
Et les abords de la chaumière,
Quand le soleil a des rayons
Qui sont des rires de lumière.


Son chant aigre est délicieux
Pour l’oreille des buissons mornes.
C’est l’acrobate gracieux
Des grands vallons silencieux.
Les liserons sont tout joyeux
En sentant ses petites cornes ;
Son chant aigre est délicieux
Pour l’oreille des buissons mornes.

Cauchemar de l’agriculteur,
Tu plairas toujours au poète,
Au doux poète fureteur,
Mélancolique observateur.
Beau petit insecte sauteur,
Je t’aime des pieds à la tête :
Cauchemar de l’agriculteur,
Tu plairas toujours au poète !

p.152-155
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Aquarelle

Adorablement naturiste,
Ma mignonne peint dans les bois,
Aux sons de harpe et de hautbois
Roucoulés par un ruisseau triste.

Ingénu, curieux, artiste,
Et nuit et jour prompt aux effrois,
Son œil maudit les serpents froids
Et rit aux bluets d’améthyste.

Rougeoiement des feuilles de buis,
Usure verte des vieux puits,
Lueurs d’étoiles presque éteintes,

Lichens gris du ravin profond
Attirent ses regards qui vont
Se pâmer dans les demi-teintes.
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La Pluie

Lorsque la pluie, ainsi qu’un immense écheveau
Brouillant à l’infini ses longs fils d’eau glacée,
Tombe d’un ciel funèbre et noir comme un caveau
Sur Paris, la Babel hurlante et convulsée,

J’abandonne mon gîte, et sur les ponts de fer,
Sur le macadam, sur les pavés, sur l’asphalte,
Laissant mouiller mon crâne où crépite un enfer,
Je marche à pas fiévreux sans jamais faire halte.

La pluie infiltre en moi des rêves obsédants
Qui me font patauger lentement dans les boues,
Et je m’en vais, rôdeur morne, la pipe aux dents,
Sans cesse éclaboussé par des milliers de roues.

Cette pluie est pour moi le spleen de l’inconnu :
Voilà pourquoi j’ai soif de ces larmes fluettes
Qui sur Paris, le monstre au sanglot continu,
Tombent obliquement lugubres, et muettes.

L’éternel coudoiement des piétons effarés
Ne me révolte plus, tant mes pensers fermentent :
À peine si j’entends les amis rencontrés
Bourdonner d’un air vrai leurs paroles qui mentent.

Mes yeux sont si perdus, si morts et si glacés,
Que dans le va-et-vient des ombres libertines,
Je ne regarde pas sous les jupons troussés
Le gai sautillement des fringantes bottines.

En ruminant tout haut des poèmes de fiel,
J’affronte sans les voir la flaque et la gouttière ;
Et mêlant ma tristesse à la douleur du ciel,
Je marche dans Paris comme en un cimetière.

Et parmi la cohue impure des démons,
Dans le grand labyrinthe, au hasard et sans guide,
Je m’enfonce, et j’aspire alors à pleins poumons
L’affreuse humidité de ce brouillard liquide.

Je suis tout à la pluie ! À son charme assassin,
Les vers dans mon cerveau ruissellent comme une onde :
Car pour moi, le sondeur du triste et du malsain,
C’est de la poésie atroce qui m’inonde.
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LE ROSSIGNOL

Quand le soleil rit dans les coins,
Quand le vent joue avec les foins,
À l’époque où l’on a le moins
D’inquiétudes ;
Avec Mai, le mois enchanteur
Qui donne à l’air bonne senteur,
Il nous revient, l’oiseau chanteur
Des solitudes.

Il habite les endroits frais,
Pleins de parfums et de secrets,
Sur les lisières des forêts
Et des prairies ;
Sur les bords d’un lac ombragé,
Auprès d’un manoir très âgé
Ou d’un cimetière chargé
De rêveries.

Le doux ignorant des hivers
Hante les fouillis d’arbres verts,
Et voit le soleil à travers
L’écran des feuilles ;
C’est là que tu passes tes jours,
Roi des oiselets troubadours,
Et que pour chanter tes amours
Tu te recueilles.

Tandis que l’horizon blêmit,
Que la berge se raffermit,
Et que sur les ajoncs frémit
La libellule ;
Tandis qu’avec des vols ronfleurs,
Parfois obliques et frôleurs,
L’abeille rentre ivre de fleurs
Dans sa cellule ;

Lui, le bohème du printemps,
Il chante la couleur du temps ;
Et saules pleureurs des étangs,
Vieilles églises
Ayant du lierre à plus d’un mur,
Toute la plaine et tout l’azur
Écoutent vibrer dans l’air pur
Ses vocalises.

Quand il pousse dans sa langueur
Des soupirs filés en longueur,
C’est qu’il souffre avec tout son cœur,
Toute son âme !
Sa voix pleurant de chers hymens
A des sons tellement humains,
Que l’on dirait par les chemins
Des cris de femme !

Alors elle rend tout pensifs
Les petits chênes, les grands ifs ;
Et mêlée aux ruisseaux furtifs,
Aux bons visages
De la vache et de la jument,
Cette voix est assurément
La plainte et le gémissement
Des paysages.
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