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Critique de berni_29


Je ne sais pas s'il vous est déjà arrivé cette sensation,- elle vaut pour une rencontre, un paysage, un objet, le sentiment que quelque chose qui vous est a priori étranger ne l'est pas totalement, comme si un souvenir lointain remontait à la surface d'une onde trouble. Oui, je vois, cela vous est familier...
Cela m'est arrivé pas plus tard qu'avant-hier... Sur ce site extraordinaire qu'est Babelio, nous avons souvent la chance de faire des rencontres parfois inattendues. Derrière les amitiés qui se forment et qui ne sont pas du tout virtuelles contrairement à ce qu'on laisserait entendre, il y a aussi des rencontres avec des auteurs... Je vous prie de croire tout ce que je vais vous raconter et je vous jure, - Pardon Maman, je sais que tu n'aimais pas que j'emploie ce mot, je vous conjure de me croire : je suis dans mon état normal à l'heure où j'écris cette chronique et au moment où j'ai vécu cette histoire...
Je venais d'entrer en relation avec une énigmatique F. Ropars C., bretonne de surcroît, qui m'avait aimablement proposé de m'adresser son premier roman sous format numérique publié sur Librinova et intitulé L'Ordre de Prométhée. Tout ceci était bien mystérieux, fascinant aussi... L'auteure donna l'impression de se raviser un instant, semblant hésiter, voyant que le thème de son récit, proche de la fantasy, un genre dont je ne sais pas bien définir les contours, n'était pas forcément mon sujet de prédilection. Je la rassurai immédiatement, rappelant que mon profil me présentait comme un lecteur éclectique, l'invitant à cet envoi et que je me faisais fort d'appliquer cette règle d'or de la bienveillance au regard de son texte, tout en étant sincère. Je pense que cela la rassura et à ma grande joie je reçus le texte ce soir-là, ce fameux soir...
Je l'ai lu d'un trait, agrippé par le texte au rythme trépidant, envoûtant et addictif. J'avais presque toute la nuit pour cela.
Le lendemain, je ne travaillais pas... En effet, très vite je me suis aperçu que je n'ai pas forcément l'habitude de lire ce genre de récit, ou plutôt j'en ai perdu l'habitude. Je me suis souvenu qu'il y a très longtemps j'aimais les contes propres à la région où je suis né, la Bretagne. J'aimais aussi les récits de la mythologie gréco-latine, celtique aussi forcément. Les récits des Chevaliers de la Table Ronde... Plus tard, des récits recueillis par Anatole le Braz, dans La légende de la mort.
Celui-ci, je l'ai lu d'un trait sur ma tablette... Je me suis endormi plus tard...
Je me suis réveillé brusquement, j'ai regardé l'heure, ahuri : il était presque midi, j'étais en nage, les draps étaient mouillés. J'avais un mal de crâne terrible et surtout j'avais l'impression de sortir d'un rêve terrifiant qui m'avait sans douté réveillé. J'étais au milieu d'un champ de bataille, il y avait des soldats partout, j'étais parmi eux, habillé comme eux, c'est-à-dire il me semble me rappeler une tenue qui évoquait quelque chose datant du Moyen-Âge, quelqu'un près de moi a crié : « Attention ! Derrière vous ! » Je me suis retourné et j'ai vu un sabre balayer l'air et venir jusqu'à mon visage... C'est alors que je me suis réveillé... Je me revois encore être ployé sur mon buste, presque comme un enfant qui tente de se protéger, mes mains étaient posées sur mon cou qui me faisait horriblement mal...
Je me suis précipité dans la salle de bain, j'ai observé mon visage défait, j'ai eu l'impression d'avoir brusquement vieilli de cent ans ! J'examinai mon cou. Rien, aucune trace... L'air était humide et moite comme si quelqu'un venait de prendre une douche... il y avait un peu de buée sur le miroir qui évoquait une psyché. Au moment où j'effleurais la peau de mon cou, j'ai senti qu'une autre main faisait le même geste que moi en même temps, derrière la buée, effleurant mes doigts... C'était beau, c'était doux, j'ai cru deviner un visage féminin qui m'était certes inconnu, mais pas totalement. J'ai cru entendre une voix douce : « N'aies pas peur, Mathieu ». Je me suis retourné aussitôt, il n'y avait personne d'autre que moi dans la salle de bain... Bizarre, en plus je m'appelle Bernard...
C'est alors qu'on sonna à la porte. J'ouvris, trois personnes aux aspects patibulaires, mais presque, se dressaient devant moi. « Bonjour Monsieur. Police Nationale ! Vous avez dû recevoir tout récemment un texte étrange sur votre tablette d'une certaine F. Ropars C. Ce texte relève d'un danger pour vous et aussi pour la Nation. Nous voudrions pouvoir le consulter. Nous vous remercions par avance de votre collaboration. Pourrions-nous entrer Monsieur, s'il vous plaît ? ». J'étais abasourdi, un peu ahuri, ils sont entrés dans le salon. C'est là qu'un des trois hommes a désigné l'épée que j'avais achetée la veille dans un magasin de brocantes, elle était encore près du canapé. « Regardez ! La preuve, c'est lui ! ». Je ne sais pas pourquoi, j'ai été plus prompt qu'eux, j'ai eu le réflexe de me saisir de cette arme. Alors il s'est passé quelque chose de presque surnaturel, au moment où je m'en saisissais j'ai ressenti une force éblouissante m'envahir. Je pense que les trois protagonistes, qui n'étaient pas plus policiers que je suis chef de gare, l'ont remarqué. Ils ont eu peur et se sont aussitôt enfuis comme une volée de moineaux... J'ai reposé l'épée près du canapé et je suis allé me faire un café. Je trouvai que la journée démarrait un peu trop vite à mon goût.
Plus tard, j'ai regardé de plus près l'épée, sa lame, sur le fourreau il y avait gravée une date : 1214. Et aussi un nom, celui de Pierre de Saintonge...
Dans l'après-midi, je suis retourné à la brocante. J'y étais entré la veille, j'aime farfouiller parmi les vieilles choses, souvent plutôt à la recherche de livres. Je me souviens être resté figé devant cette épée qui semblait interpeller mon regard. Je n'aime pas les armes, mais celle-ci happait mon regard. Elle était enfermée dans une armoire vitrée, j'ai demandé à la propriétaire du lieu si je pouvais la regarder de plus près. Lorsque je l'ai eu en main, j'ai vu des paysages défiler, des ruines d'un château qu'on prétendait hanté où je courais enfant, des marais peuplés de monstres, des forêts habitées par les sortilèges,... Contre toute attente, je l'ai achetée. La dame très âgée m'a offert ce grand sourire que je n'oublierai jamais. « Vous faites une belle affaire, Monsieur.» « Merci Madame ! ». « Appelez-moi Victoire... ».
Je suis retourné aussitôt dans l'après-midi sur le lieu de la brocante. Bizarrement, il m'était impossible de retrouver l'endroit. À la place, il y avait un fast-food. Dans la rue, une femme semblait attendre, elle se retourna et sourit en me voyant. C'était la femme dont j'avais aperçu le visage dans le miroir. Elle m'appela : « Mathieu ? ». « Non, je m'appelle Bernard ». Elle a eu un air étonné, incrédule, se reprit : « Oh, pardon, je vous ai pris pour quelqu'un d'autre ».
« Je pense vous connaître », lui ai-je dit alors. « Moi aussi », me répondit-elle. Puis elle se ravisa comme pour se protéger, remit une mèche de cheveu en arrière d'un geste d'agacement. « Ce n'est qu'une coïncidence ». Alors je lui ai dit d'un coup comme ça, direct : « Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous ». Elle a souri d'une moue presque moque, mais qui en même temps m'a fait plaisir : « C'est de vous ? ». « Non, c'est de Paul Éluard, mais j'ai découvert cette citation sur Babelio, grâce à une amie qui s'appelle Nathalie ».
« Oh, Bernard ? Alors, c'est vous, Bernard de Babelio ? Notre organisation vous observe depuis quelques temps. Je comprends pourquoi vous êtes ici. Je vous prie de m'excuser de cette confusion ». Je me suis approché d'elle. Elle s'est présentée, disant s'appeler Athénaïs. Ô Athénaïs! Ce nom résonnait en moi comme celui que j'avais lu dans le récit la veille, ce personnage principal, contemporain, qui découvre par l'entremise d'un accident qu'elle a eu au moins deux vies ancestrales qui lui reviennent... Ô Athénaïs! Il y avait dans ce nom quelque chose d'à la fois empli d'amour et guerrier... Comme une promesse, comme un désir... Je ne savais pas s'il fallait évoquer le texte que j'avais lu la nuit précédente... Elle me rassura en me disant que oui c'était bien elle et c'était bien parce que j'avais lu le roman en question qu'elle surgissait ainsi à moi... Elle le savait donc.
Je lui ai dit que je cherchais une brocante, elle s'est mise à rire en me disant que ce magasin n'existait plus depuis plus de cinquante ans. Je me suis alors approché d'elle, de son visage, je lui ai demandé si elle connaissait une certaine F. Ropars C., elle a alors posé un doigt léger tendu en travers de mes lèvres comme pour me dire que nous partagions déjà un premier secret. Elle m'a conseillé de rentrer chez moi, de me protéger des mauvaises ondes, celles propagées par les personnes venues ce matin. « Ce ne sont pas des policiers, ils appartiennent à une organisation ennemie, l'Ordre des Ombres. Prenez soin de vous Bernard. »
« Pourrons-nous nous revoir, Athénaïs ? » Je pense que ma voix ressemblait à une supplication et j'en ai eu presque honte. Elle attendit avant de se retourner et eut ce sourire simple et chaleureux avant de dire ces mots : « Oui, bien sûr, ce rendez-vous est déjà prévu, dans huit cents ans précisément. Saurez-vous être patient, cher Bernard ? ». Je n'eus pas le temps de lui répondre, de lui demander qui j'étais, qui était cette fameuse F. Ropars C., elle disparut aussitôt, comme un fantôme.
Je suis revenu chez moi, j'ai relu le texte de bout en bout, j'y ai vu ce que je n'avais pas vu auparavant. On a sonné encore à la porte, j'ai regardé l'heure, il était plus de minuit. C'était elle, transie sous la pluie qui s'abattait sur Brest. Elle semblait pressée : « C'est la dernière fois que je vous importune ».
Nous avons bu plusieurs verres ensemble. Je me souviens qu'elle m'a souhaité le bonjour d'une certaine F. Ropars C. avec laquelle elle s'était promenée durant tout l'après-midi en presqu'île de Crozon. Je me doutais bien qu'elles avaient discuté toutes deux de moi, de ce que je pouvais écrire sur ce récit qui m'avait fasciné...
Elle m'a demandé : « Alors, c'est quoi ton premier ressenti ? ». Je lui ai répondu que j'avais beaucoup aimé... « Mais encore, donne-moi des détails, des preuves... L'amour, ce sont avant tout des preuves d'amour... ».
Je lui ai dit alors dit que j'avais été pris par l'addiction du texte, ses complots, ses secrets, ses masques vénitiens, une qualité narrative, que j'aimais cette idée que nous avions existé avant et que nous existerions après, que j'adorais l'idée de s'appeler d'un rêve à l'autre, que je trouvais cela beau. J'aimais cette idée de voyage intemporel, cette sorte de rêve où nous pouvions tomber comme dans une sorte de trappe. J'aimais beaucoup le rythme addictif construit par l'auteure et l'empathie qui se dégageait des personnages. L'amour aussi...
Je lui ai alors évoqué les châteaux hantés de mon enfance, les ruines où je courais les dimanches avec mon père comme seul ami, les marais d'apparence glauque où je voyais surgir des insectes et des volatiles quasiment inconnus sauf dans les livres. Elle me dit alors « Ne crois pas à tout ce qui est écrit dans les livres. La vie est bien plus riche. Elle est faite de prophéties et de prémonitions. Il suffit d'y croire ».
Elle dit alors une chose étrange que je n'oublierais jamais : « Les rêves sont des trappes qui s'ouvrent sous l'ignorance de nos pas. Pourquoi nos pas sont parfois si hésitants et ont besoin de trappe pour faire surgir l'inattendu ? »
Elle me dit que nous avions plusieurs vies, avant, pendant et après... Nos vies continuaient ainsi dans un ordre qui les distribuait de manière équilibrée entre le bien et le mal. Deux organisations s'en chargeaient dont l'une s'appelait l'Ordre de Prométhée, à laquelle elle appartenait, celle du bien. L'autre s'appelait l'Ordre des Ombres. Oui, tout ceci confortait ce que j'avais découvert dans le texte lu la veille. Je lui demandai alors : « Mais qui est-ce alors cette fameuse F. Ropars C. ? ». Elle s'approcha de mon visage, un instant j'ai pensé qu'elle m'embrasserait, innocemment je lui ai tendu mes lèvres. Mais non, elle posa de nouveau ce doigt que j'ai trouvé encore une fois doux, bienveillant en travers de mes lèvres, comme un geste vertical implacable et en même temps protecteur, qu'on pose sur les lèvres d'un enfant... "Ne soyez pas triste Bernard, il y aura une suite à cette histoire..." Je fermai les yeux, je voulais savourer cet instant et lorsque je les rouvris, elle avait disparu.
Je ne sais pas s'il vous est déjà arrivé cette sensation, elle vaut pour un roman aussi...
Merci F. Ropars C. pour cette rencontre emplie d'enchantements qui m'a entraîné aux portes de l'imaginaire...
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