Comme une inquiétude qui ne dit pas son nom et vous saisit sournoisement par derrière... L'impression que les lieux jaugeaient les visiteurs. Spinoza revit la reproduction d'un dessin de Jérôme Bosch qui ornait un de ses livres de botanique : La forêt qui entend et le champ qui voit. Il en sentit toute la vérité : des yeux dans la terre, des oreilles dans les arbres...
On ne s’allie bien que pour une politique, jamais contre une autre.
On a beau être inspecteur, on n’est pas protégé de la peur, de cette peur irraisonnée qui vous submerge devant l’inconnu. Il voulut appeler mais aucun son ne sortit de sa gorge. Il se sentait infiniment lourd et son corps s’enfonçait dans le sol, doucement mais irrésistiblement, prisonnier de racines qui s’enroulaient à ses jambes.
Elle a une réputation de sorcière. Pas parce qu’elle est moche. Non. Mais elle soigne les gens avec des plantes, elle est un peu rebouteuse. Elle enlève le feu. On dit qu’elle fait des cérémonies dans les bois avec quelques personnes de son genre. Le curé l’aime pas, d’ailleurs elle va jamais à la messe. Tout le monde s’en méfie mais comme elle sait bien soulager les torticolis,les maux de ventre, on la respecte… On la respecte mais on se tient à distance. Y en a qui disent qu’elle peut renverser les chars de foin rien qu’en les regardant !
Les paysans modestes, ceux qui louent les pâtures à de bien plus riches qu’eux, ou qui les leur achètent en se saignant aux quatre veines. On voyait tout de suite qu’il n’avait pas passé sa vie à une table… Plutôt à une étable de travail… Seule concession à la modernité, les sabots s’étaient transformés en solides chaussures de marche : des « Nike » comme il disait.
La révolution était une fête qui faisait l’impasse sur les meurtres, les lynchages et les exactions. On sait bien qu’un beau défilé vaut mieux qu’une grande justice. Pour Spinoza, tous les arbres étaient des arbres de la liberté mais il allait jusqu’à penser que les abattre était un crime contre les Droits de l’Homme… Et justement ce fut un grand cri qui l’éveilla.
À vingt ans, alors qu’il menait de brillantes études de physique, il avait quitté la maison familiale pour s’engager dans l’armée, « pour faire râler le vieux » disait-il. Il y avait acquis une solide connaissance des armes et de la balistique. Il aurait pu continuer mais ce que l’on appelle pudiquement « les évènements de Mai 68 » avait ébranlé ses convictions, déjà fragiles, de chef de guerre.