Et là, tu as Serge, et beaucoup d'autres Serge de son âge. Ils sont venus au monde sans futur, ils n'ont pas entendu autre chose depuis qu'ils eurent l'âge de raison: il n'y a pas de futur. Un monde punk. Ils n'attendent rien, ne demandent rien. Ils ne peuvent se fier dans le système éducatif, le marché du travail, l'effort ou le mérite. Ils savent qu'ils doivent se débrouiller dès la première minute. Sauve qui peut.
Je pensais que c'était une bourge venue fonder une communauté dans le quartier le plus misérable de toute la ville, avec la même mauvaise conscience et faim d'aventure, la même ferveur et la même naïveté que les autres bourges qui partent comme coopérantes dans des pays pauvres, passent un mois de vacances, aident dans une maternité ou une école dans une grange, se font photographier avec des petits Noirs contents, en profitent pour connaître les plages sauvages et baiser avec d'autres coopérants, et par la même occasion grossissent leur curriculum vitae avec des activités sociales toujours bien valorisées par le entreprises.
(traduction libre du contributeur à partir du texte original p. 156)
Ils parlent tant et plus de changer le système économique: travailler, produire et consommer d'une manière différente, alors qu'en réalité le jeu est ailleurs, ça fait longtemps que les règles ont changé, l'échiquier, et même la table: le système n'a déjà plus besoin de produire pour accumuler des richesses, n'a nul besoin de fabriquer ou de vendre quoique ce soit, ni d'augmenter le PIB, les prix ou les salaires (...) Le véritable profit, celui qui fait avancer le monde, ne s'extrait pas des corps, de la sueur, du talent ou de la terre: il sort de l'air, du néant, de produits financiers et marchés à terme, de la spéculation, de la création artificielle d'argent, de la gestion de la dette.