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EAN : 9782267032161
288 pages
Christian Bourgois Editeur (08/09/2016)
4.11/5   9 notes
Résumé :
Directement inspiré par les événements de l'Espagne contemporaine, le roman La Pièce obscure raconte l'histoire d'un groupe d'amis, bien installés dans la démocratie naissante après la mort de Franco et la société de consommation qui la caractérise, qui louent un local dont ils transforment le sous-sol en pièce noire dans laquelle ils se livrent à de nouvelles formes de relations, notamment sexuelles et hédonistes, protégés par l'anonymat que leur offre l'obscurité ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Éteins la musique, éteins la lumière. Montre-moi ton côté sombre. Tout le quartier est dans le noir. Que faire… Une main qui se pose sur ma cuisse, une main qui descend ma fermeture éclair, une main qui prend mon sexe, va-et-vient qui le fait se durcir, une bouche qui englobe mon sexe, totalement dur et dressé dans l'obscurité la plus totale. A qui appartient cette bouche, c'est tout le plaisir d'imaginer le partenaire, de prendre cette inconnue, de la retourner et de la sentir jouir… en silence. le noir et le silence dans « la pièce obscure ».

Cette pièce obscure deviendra un lieu de débauche d'un groupe d'amis. Unis le samedi soir. Des rencontres d'un soir, de plusieurs soirs, des partenaires changeants, des partenaires réguliers. Baiser dans le noir, dans cette pièce calfeutrée et insonorisée, imaginer l'autre, ses formes, son parfum, l'odeur de sa peau, écouter la respiration de l'autre, jouir dans le silence absolu, règle d'or de ce lieu, aucune parole. Chaque samedi soir, puis chaque soir, puis dans la journée aussi. Ce lieu est un cabaret sexuel, échange de liquide séminal, sueur sur la moquette, foutre sur le canapé. La movida, façon Almodovar.

Les années passent, les temps changent, la crise bouscule les habitudes. Ou presque. La pièce obscure reçoit toujours ses fidèles, pas des obsédés, juste des personnes voulant prendre du plaisir et jouir dans le noir et le silence. Déverser ses peurs et ses craintes dans le con de cette inconnue qui a si bien pris ton membre en bouche. Certains prennent du recul (non je ne ferais pas de jeu de mots avec ce verbe, comment veux-tu…), des familles se fondent, des enfants naissent, continuer ses rencontres, s'abstenir de la jouissance extrême, chacun son trip, chacun libre de mener son existence.

Les années défilent, la crise est présente à chaque coin de rue. Ils ont perdu leurs emplois, ils ont perdus leur famille, ils ont tout perdu, même espoirs et rêves. La crise fait peur. Et cette pièce obscure devient alors un refuge, un lieu où l'on vient pour pleurer en silence, pour réfléchir sur sa propre vie, sur son monde. Elle ne sert plus seulement à la luxure et à l'organisation de partouzes entre amis fidèles mais trouve justement une nouvelle fonction, celle de pièce à soi où l'on s'enferme pour écouter maintenant sa propre respiration, pour échapper dans le noir et le silence aux bruits lourds des manifestations, des cris à la révolte, des appels aux secours lancés à chaque coin de rue. La pièce obscure, le nouveau refuge de cette société espagnole devenu triste et apeurée.

Ce roman d'Isaac Rosa, jeune auteur sévillan de 1974, fut une formidable découverte que je dois à Babelio et Christian Bourgois Éditeur. Un choc tout d'abord, cette pièce obscure où les partouzes libres titillent mon esprit, tendance légèrement libidineuse. Puis, je découvre petit à petit, en douceur même, la profondeur de ce roman (non, je ne parle pas que de con et de cul) avec cette véritable radiographie de la société contemporaine espagnole de ces dernières années. Je suis passé des années Movida façon Almodovar dans le foutre des soirées libertines aux années Indignados dans la misère de la rue. Une plume brillante et magistrale qui oscille à merveille entre la légèreté et l'indignation. J'aimerais, moi aussi, avoir cette pièce obscure et m'enfermer à l'intérieur, y noyer mes rêves oubliés, abandonnés même, ma vie, déverser mes larmes, mon sperme, caresser, lécher, baiser aussi et surtout me retrouver avec moi-même. Seul. Dans le noir et le silence. le silence pour écouter les coeurs battre.
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La pièce obscure...
Si je devais définir en un mot ce livre, la première idée qui me vient à l'esprit est le mot « dérangeant » ; mais en même temps, il exprime une profondeur qui dépeint le monde contemporain vu par une génération, avec une grande lucidité et sans complaisance.
L'histoire débute d'une façon impersonnelle, un groupe de personnes indéfinies louent ensemble un local qu'ils utilisent selon leurs besoins (bureau de travail, salle d'études etc). Au sous-sol ils aménagent une pièce avec des matelas, des tapis, ils sont jeunes et prêts à tous les excès (boissons, fumerie). Un jour par accident, une panne d'électricité survient, et ainsi naquit la pièce obscure.
Cette caverne accueille « un mélange de tas de corps en un seul, monstrueux, qui se masturbait avec plusieurs bras, se léchait lui-même, un seul corps tentaculaire qui déplaçait tous ses bras, toutes ses jambes ».
Tout ce qui gravite à l'extérieur de la pièce obscure est pris dans le flot continu de la vie, ressentit comme une roue qui tourne sans cesse à en donner le tournis, alors qu'à l'intérieur, le temps reste figé, consolateur, une fenêtre de repos bienveillante.
Ces personnages indéfinis commencent petit à petit à se définir, se caractériser : »le menteur, la vipère, l'intello, le salaud... » Mais le centre d'intérêt pour chacun reste encore la pièce obscure, où ils ont la possibilité de se chercher, « une caverne où les participants prennent de l'énergie pour affronter l'extérieur ».
C'est le moment de la maturité, chacun est happé par ses obligations, et la pièce obscure s'éloigne peu à peu de nous, les personnages s'identifient, Pablo, Maria, Silvia, Jesus, on découvre leurs liens, leur vie, leurs actions. C'est la période des choix difficiles, la crise économique est arrivée, le chômage de masse, les expulsions, puis viennent les manifestations, les actions de lutte, les événements ne sont pas fictifs mais bien réels, comme la manifestation anti-global qui a eut lieu à Gênes où un jeune étudiant a été tué par la police, et la violence policière contre des jeunes manifestants pacifiques lors de leur sommeil dans une école.
Ce récit est entrecoupé par la description de personnages inconnus qui sont filmés devant leur ordinateur. Je vous laisse la surprise de découvrir qui ils sont et pourquoi ils sont là.
Les personnages toujours reliés à cet espace obscur doivent un jour faire un choix qui déterminera leur avenir.
Une génération, ou certains n'étaient pas préparés au renoncement, et continuent à vivre dans leurs illusions, d'autres qui s'adaptent et anticipent trop vite, et ils sont pris dans les filets de la désobéissance.
Ce n'est pas un livre tendre, l'auteur hache sans complaisance toutes les situations de l'existence avec brio, sa prose devient subtile et élégante quand il nous invite dans cette communion de groupe.
Même si au début, je lisais ce livre comme un spectateur méfiant, un seul oeil dans le trou de la serrure, petit à petit je me suis sentie happée à l'intérieur de la pièce obscure, quelque fois avec dégoût, d'autre fois avec curiosité, mais à la fin, oui j'ai aimé ce livre dérangeant.

Merci à l'équipe de Babélio qui m'a permis de découvrir cet auteur très intéressant.
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Parce qu'ils ont fortuitement expérimenté, à l'occasion de l'obscurité provoquée par une coupure d'électricité dans la salle louée pour leurs réunions amicales, une ébauche d'ébats collectifs, ils ont décidé de créer un lieu où ils pourraient, quand bon leur semblerait, se replonger dans des conditions propices à cette communion des corps.

Ainsi est née la pièce obscure, où le moindre rai de lumière a été occulté, où le silence s'est naturellement imposé, et où durant quinze ans, ces amis se sont retrouvés, au fil de réunions au départ hebdomadaires puis d'allées et venues aléatoires, parfois tous ensemble, parfois à deux, à trois, à quatre, ignorants la plupart du temps de l'identité des autres membres présents, protégés par un anonymat permettant à la fois intimité et désinhibition.

La pièce obscure est peu à peu devenue bien plus que la simple possibilité d'expériences sexuelles. Espace de méditation, refuge, lieu d'isolement, ses diverses fonctions témoignent des évolutions et des bouleversements que la vie, au-dehors, a imposé à ses occupants...

Par l'intermédiaire d'une narration omnisciente, portée par un "nous" qui donne à entendre les voix de toute une génération, le lecteur assiste aux mutations sociétales qui ont, en l'espace d'une quinzaine d'années, modelé l'existence de ces jeunes espagnols qui, après avoir connu la postérité des années post franquistes, ont vu la crise balayer l'insouciante euphorie qui avait présidé à leur élévation sociale. Car en alternance avec la relation des incursions, furtives et occasionnelles, ou collectivement prévues, au sein de la pièce obscure, nous est contée la fuite du temps, et avec elle la perte de la spontanéité, de la folie accompagnant la jeunesse et ses espoirs, que l'on contemple, avec le recul des années, avec un arrière-gout de nostalgie un peu amère...

Mais avant les désillusions, place à l'enthousiasme avec lequel on se lance dans l'existence, prêt à en découdre avec un sentiment d'invincibilité et une énergie qui rendent l'impossible accessible. le combat pour la démocratie étant derrière eux, la liberté devenue un acquis, les locataires de la pièce obscure se consacrent à l'avènement de leur bonheur individuel, la construction d'un foyer, d'une carrière professionnelle, et s'adonnent à ce qu'on leur a vendu comme l'ultime symbole du bien-être, cette consommation effrénée de biens et de plaisirs, cette mécanique collective de la course à la possession et à la jouissance faciles, à la satisfaction de besoins que l'on nous crée.

Pris dans une dynamique ascensionnelle, qui ne laisse place ni au doute ni à l'introspection, ils ignorent les premiers signes du déclin, se croient immortels -le malheur n'arrive qu'aux autres et il ne peut qu'être temporaire-... jusqu'au moment où le danger se rapproche. Survient pour l'un une première rupture, pour un autre la perte de son emploi, puis c'est la maladie qui s'invite et vient fracasser l'existence d'un troisième...

La pièce, quelque peu délaissée au temps de l'illusion du bonheur acquis, voit revenir ses hôtes, en quête d'un exutoire au désespoir ou voulant simplement échapper une heure ou deux à un quotidien dont la routine même est devenue oppressante, à la recherche d'une consolation dans les bras d'un ami anonyme. D'autres, rebelles et toujours combatifs, espèrent y trouver des complices qui les assisteront dans leur lutte contre l'injustice capitaliste...

D'abord désarçonnée par l'entrée dans ce roman insolite, où l'on a l'impression de tâtonner à la recherche de sens, sans vraiment comprendre la direction dans laquelle nous entraîne Isaac Rosa, je me suis ensuite passionnée pour l'histoire collective de ses personnages, dont émergent parfois des bribes de destins individuels. Isaac Rosa module avec justesse son écriture au fil de son récit, la déroulant avec rondeur lors des passages sensuels, lui insufflant un rythme plus frénétique, lorsqu'il évoque par exemple l'urgence avec laquelle ses héros semblent brûler leurs jeunes années d'adultes...

Une expérience à la fois déroutante et émouvante, mêlant les mystères de l'intime au fracas des tragédies collectives ou personnelles.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Un groupe d'amis décident de créer une pièce obscure. Dans celle-ci, ni lumière ni paroles : l'obscurité la plus totale et un silence imposé à tous. Au départ principalement utilisée à des fins charnelles, la pièce va petit à petit prendre le rôle de tanière, de refuge dans un monde en perte de vitesse.

 Écriture particulière, au rythme presque proustien, pour dépeindre la société espagnole depuis les années nonante jusqu'à maintenant. ❤️
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J'ai eu du mal à entrer dans cette obscurité, d'autant qu l'auteur nous prends souvent à parti, pour que l'on soit nous aussi l'une des personnes entrant dans la pièce obscure.
Par des retours en arrière, feed-back, on suit l'histoire d'une bande d'amis qui ont décidé d'obstruer une pièce en sous sol...
Ce qui était au départ un lieu de plaisir va devenir... peu à peu... bien d'autres choses...
Un univers clair-obscur oscillant entre excitation et angoisse...
Peuplé d'interdits et de recherche de soi...
> Je regrette le coté trop descriptif du roman qui fait que j'ai eu du mal à le lire. le style est de qualité pourtant.
Une lecture pas facile du tout, oui c'est une lecture 'dérangeante',
on se retrouve 'voyeur' malgré nous, bien que l'on ressent la honte du narrateur qui spécifie bien (trop) souvent que tout cela n'a été possible que parce qu'ils étaient des personnes différentes à l'époque, que cela n'aurait pas été possible après...
C'est une découverte pour moi, auteur à suivre...
Lien : https://influensmans.com/la-..
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critiques presse (1)
Actualitte
06 avril 2017
Magnifiquement écrit, La Pièce obscure, constat extrêmement lucide de l’état de la société, nous hante bien après en avoir fermé la porte.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
En semaine, en revanche, la pièce obscure était plus que jamais un refuge. Pour certains, plus que cela : un bunker : les murs s’élargirent, le sous-sol devint plus profond, le plafond se voûta et l’obscurité se condense comme un emballage. Elle semblait résistante, à l’abri de l’effondrement général qui s’annonçait, qui menaçait, dont nous parlions encore avec plus d’enthousiasme que de crainte, un futur dont la terrible description nous amusait, parce que ce n’était pas de nous que nous parlions, cela ne nous arriverait pas, ce seraient d’autres que nous qui seraient licenciés, expulsés, jetés dans la misère, poussés à un appauvrissement qui rendrait plus insupportable la vieillesse. Si quelque chose nous effleurait, nous aurions toujours notre refuge. Ce n’était pas pour cela que nous avions construit la pièce obscure, pourtant certains d’entre nous la trouvèrent alors plus solide que leurs propres maisons, où le désarroi devenait grumeleux, se bloquait dans notre gorge. Pour la plupart nous étions encore indemnes, mais il y avait autour de nous des gens qui avaient moins de chance et nous regardions dans leur reflet menaçant : quand nous nous retrouvions le samedi nous faisions le décompte des pertes parmi nos connaissances, qui avait été licencié, qui s’était retrouvé sans emploi pour le prochain exercice, qui devait retourner vivre chez ses parents. Nous étions pour la plupart intacts, mais pas tous : certains furent atteints par ces premiers bombardements, ils devinrent des assidus du bunker.
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Le monde s’écroulait pendant que nous, nous baisions, tout heureux, les gens étaient jetés par le balcon avec tous leurs meubles, tous leurs souvenirs pendant que nous, nous baisions, tout heureux, les malades mouraient dans les couloirs des hôpitaux en attendant un test de diagnostic pendant que nous, nous baisions, tout heureux, les pères de famille faisait la queue avec leurs enfants devant les soupes populaires pendant que nous, nous baisions, tout heureux, les banquiers, leurs politiciens volaient à pleines mains pendant que nous, nous baisions, tout heureux, elle-même ne pouvait pas payer le loyer de sa chambre ce mois-là parce qu’on avait saisi la moitié de son indemnité de chômage pour payer une amende pendant que nous, nous baisions, tout heureux ;
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Cette douleur initiale laissa court à la furie, obéissant à un signal que personne ne donna, que nous entendîmes tous cependant, nous nous jetâmes les uns sur les autres, avec une rapidité qui était un enseignement de la fois précédente, au cas où, à un moment ou à un autre, la lumière reviendrait. Nous nous traînâmes par terre en enfonçant nos os les uns dans les autres, en perdant tout repère du corps le plus proche, nous embrassâmes et fûmes embrassés, nous nous griffâmes en poussant les mains sous les vêtements, nous offrîmes boutons, fermetures Eclair, mordîmes tout ce qui était à notre portée, introduisîmes des doigts, secouâmes, écartâmes les jambes ou poussâmes avec le genou entre d’autres jambes, nous nous retirâmes à temps et cherchâmes un autre corps à renverser, nous nous fîmes mal, nous tachâmes mains et ventres, jusqu’à ce que peu à peu nous abandonnions, nous nous écartions du tumulte, pour rester dos appuyé au mur, en silence, écoutant les respirations comme s’il n’y en avait qu’une, nous reboutonnant, remettant nos chemises et T-shirts.
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Nous avions des partenaires avec qui faire l'amour une fois par semaine, les premiers enfants étaient nés et nous, les mères, perdions notre appétit sexuel tandis que nous, les pères, nous nous masturbions en regardant du porno sur Internet quand tout le monde dormait...
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il nous semblait incroyable d'avoir été un jour les pièces d'un engrenage étonnant qui tournait dans la pièce: nous nous sentions désormais incapables de nous jeter sur ce corps, de le renverser, de mettre nos mains sous son chemisier, le laisser baisser notre pantalon; nous n'étions plus ceux alors qui s'étaient embrassés, masturbés, pénétrés, et qui avaient laissé une odeur âcre dans l'air, ceux que nous fûmes un jour et dont nous nous étions détachés comme des animaux qui en grandissant changent de peau, (....): nos écorces vides étaient restées là, disséminées par terre, abandonnées dans des étreintes et des copulations immobiles comme des cendres pompéiennes.
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