L'émotion d'Alex fait la courte échelle à ses larmes, mais par pudeur ou par orgueil elle les retient. Elle n'est pas venue pour pleurer, mais parce que son cœur est boursouflé, et qu'elle veut enfin le lui dire.
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Silencieux il la regarde droit dans les yeux, regard qu'elle soutient, comme elle s'appuie à l'amertume des plaisirs simples qu'ils ne vivent jamais ensemble. L'armure de son père se lézarde, il a beau garder une distance lucide avec les reproches d'Alex, il savait qu'un jour ou l'autre elle les lui balancerait. Quand on parle la même langue et que l'on est soudés à jamais, que ce soit par les liens du sang ou de l'amitié, de l'amour ou de la parole donnée, les non-dits rampent aussi longtemps que la crainte de décevoir l'emporte sur le besoin de tout lâcher. Là, devant sa fille, Marc Man comprend qu'il est temps de ne plus déambuler à pas feutrés dans les illusions d'une existence sur laquelle il ne reviendra pas.
S'il avait su que ce canapé offert à l'artiste avait été la star de plusieurs films porno, il en aurait fait une crise d'apoplexie.
Loin d’être con, il comprend que les temps changent en prison. Les tapis de prière fleurissent, les barbes poussent et la religion lui révèle que, pour régner sur les pieds nickelés, une foi bien brandie a raison des ardeurs du plus récalcitrant des frères. (Mohamed Aboubakr al-Din)
[…] il ne faut pas croire tout ce que la chance vous promet quand tout baigne.
[…] depuis ma naissance la prison c’est ta résidence principale et le parloir ma cour de récréation. (Alex à son père)
Alex aimerait se réinventer un monde, se le dessiner sans clair-obscur, sans saloperies, un monde sans prothèse, sans sècheresse, sans haine, sans losers, sans vainqueurs. Un monde où les cailleras deviendraient danseurs, où les branleurs ne se laisseraient plus embrigader dans la violence, où les fusils-mitrailleurs seraient recyclés en sculptures éphémères.
Une peur sauvage lui inonde les méninges, il panique, une cascade de toux l'empêche de hurler à pleine voix, sa déculottée est totale, sa baraka s'est transformée en bérézina, comme quoi il ne faut pas croire tout ce que la chance vous promet quand tout baigne.
Là, rien de tel, à peine aspergé Ludo est soulevé par les teigneux et balancé dans le coffre d'une Xantia, qu'un troisième referme sur lui. Le gaz lui envahit les voies respiratoires et des larmes lui submergent les yeux.
Il marche rue du Pas-de-la-Mule, entend crisser des pneus, s'ouvrir des portières, se retourne, deux mecs lui foncent dessus. À leur apparence Ludo comprend que ce ne sont pas des keufs.
Loin de s'inquiéter pour Ludo, qui a l'habitude de s'éclipser, Alex est furieuse qu'il ait pris son appartement pour un antre à recel, car, le connaissant, ce n'est pas en s'échinant qu'il a amassé cet argent. Et quand bien même, pourquoi le dissimuler chez elle ?