Il faut avouer qu’Hydor, dans son entièreté, vous oblige à fondre et à baisser les armes. Déjà quand nous étions gamins, il possédait ce charme amadouant. Probablement dû à ses grands yeux bleu clair qui permettent de lire aussi aisément en lui que dans un livre ouvert.
Petite fille, je passais mon temps seule. Au départ, ce n’était pas vraiment par choix, j’ai toujours eu la sensation que mes camarades avaient peur de moi. Les années ont défilé et j’ai fini par m’approprier ce mode de vie, j’ai appris à le chérir.
J’ai l’impression d’être retournée en enfance alors que je me languissais de savoir si mon père reviendrait. Depuis cette époque, je déteste attendre.
Malgré mes difficultés à intercepter leurs paroles, je suis à peu près certaine qu’ils parlent de moi, que c’est mon matricule qui vient d’être épelé. Inquiète, je me demande ce que le gouvernement peut bien me vouloir et pourquoi il hésiterait à me laisser partir.
Dans notre monde, la discrétion est de rigueur. Quiconque donnerait l’impression de s’intéresser d’un peu trop près au système serait qualifié d’hérétique. Je me concentre sur le sol en carrelage lustré qui reflète nos silhouettes, mais pas le son de nos pas.
Je ne suis qu’un numéro de plus pour elle. Pour tous ces scientifiques. Je ne suis pas considérée comme un être humain, simplement comme un corps capable de se rendre utile pour notre société. C’est ce que nous sommes tous.
Elle s’est adressée à moi d’un ton robotique. J’imagine que c’est ce qu’on devient quand on répète inlassablement les mêmes phrases, les mêmes gestes, chaque jour, depuis plusieurs années.
La maladie l’a rongé jusqu’à ce qu’il ne reste de lui qu’un amas de peau et d’os pourris et friables. Il penche son visage émacié sur le côté pour apercevoir la personne qui lui tient fermement la main. Emma, sa fille.
Elle paraît si proche de lui et si loin à la fois. L’homme se sent déjà fantôme. Il tente d’articuler quelques mots, mais ses premiers essais se soldent par des échecs cuisants.