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Citations sur Vie et mort de Joachim Gottschalk (5)

Berlin - septembre 1938

Mais le succès se paie. Gründgens avait vu juste : le public commence à poser beaucoup de questions sur la vie privée de Joachim. Sa sensibilité inusitée, si rare chez les hommes du cinéma germanique, séduit mais elle interpelle aussi. Les gens s'interrogent. Et la presse s'en fait l'écho.

- Meta se tourmente à nouveau, m'informe Ruth (Hellberg).

Je vais rendre visite à mon amie dans l'appartement de la Seebergsteig :
- Les journalistes vont fouiller dans son passé, s'émeut Meta à voix haute. L'affaire de Francfort va ressortir. On m'a appris que la Chambre du cinéma du Reich est en alerte. Je ne sais pas si elle communique avec la Chambre du Théâtre. J'ai peur, Alois. Je redoute le pire.

Je m'efforce de la réconforter :
- Ils savent ce qu'ils font à Terra Film. Ils gèrent la situation. Ils ont besoin de lui, ils vont le protéger. Je en pense pas que la Chambre du cinéma du Reich s'agite beaucoup, ils ont d'autres chats à fouetter. Et Joachim est trop aimé dans le théâtre pour qu'il risque quoi que ce soit de ce côté.

Je ne suis pas très convaincant. Mes arguments peuvent se révéler aussi vrais que faux. Comment savoir, dans ce pays ? Nous nous accrochons tant bien que mal à l'espoir que la gloire de Joachim sera sa sauvegarde.

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"Rumpelmayer, l'un des lieux les plus à la mode de Francfort" - 1934

Il y a du monde. Des femmes à la dernière mode, leurs cavaliers. Un petit ensemble de musiciens joue des airs populaires. Alors que nous sommes assis et que nous parlons des évènements du moment, une jeune femme, soudain, se matérialise devant notre table. Joachim la connaît. Il se lève. Une comédienne. Il nous présente et nous échangeons quelques mots. Elle est charmante, très blonde, habillée de blanc. Et puis, après une dizaine de minutes, son compagnon, qui devait s'impatienter, vient la chercher. Il porte un uniforme nazi. Et d'un seul coup tout change : l'atmosphère, l'air que nous respirons, le goût des gâteaux, le rythme de nos respirations. Regarde-t-il Meta plus longuement que nécessaire ? Sommes-nous paranoïaques ? Son amie évite adroitement les introductions et ils finissent par s'éloigner mais nous entendons clairement l'homme prononcer le nom Gottschalk. Il a donc reconnu Joachim. Articule-t-il aussi le mot "juive" ? Je sens sous la table les jambes de Meta trembler tout doucement. La main de Joachim se glisse dans la sienne.

page 121
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Joachim s'adressant à Aloïs :

- Grundgens (Gustaf - grand acteur de ces années) a eu une lubie : il s'est mis en tête qu'il devait devenir le prince de Zeesen. Comme il est l'ami du ministre Göring, on ne lui dit pas non. Il est allé voir Rudolph (juif) avec un assesseur en uniforme de la SA et a acheté le domaine pour une bouchée de pain, à peine cinquante-huit mille reichsmarks : moins de la moitié de sa valeur réelle.

Je reste silencieux.

- Rudolph a quitté l'Allemagne peu après précise Joachim. Il a fait ses adieux à Meta au téléphone. C'est à ce moment qu'il lui a tout raconté. Elle a été assez ébranlée , je t'avoue.

page 104
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Printemps 1937 - Berlin studio de la UFA

Alors que nous traversons les plateaux, nous rencontrons une très belle jeune femme. Cheveux noirs, visage félin, des yeux en amande. Beaucoup de gens s'affairent autour d'elle. Elle nous salue d'un sourire, nous faisons de même. Je me tourne vers Wolfgang (Liebeneiner) :

- Lida Baarova ?
- En personne, la nouvelle star du moment.

Joachim la suit du regard.

- Ravissante. Elle est tchèque non ? La nouvelle conquête de Gustav Fröhlich, si je ne me trompe.
Fröhlich est l'un des jeunes premiers les plus populaires du pays. Il a divorcé de sa femme, Gitta Alpar, une star de l'opérette qui avait le tort, impardonnable aux yeux du régime, d'être fille de rabbin. Le couple avait émigré en Autriche, mais l'acteur ne voulait qu'une chose, redevenir une star en Alle magne, alors il a choisi de quitter son épouse et Goebbels l'a accueilli à bras ouverts.

- Fröhlich et Baarov ont fait un film ensemble, je crois dis-je "L'heure de la tentation".

Wolfgang hausse le épaules : Vous êtes en retard mes amis. Fröhlich appartient au passé. Elle est maintenant la maîtresse de Goebbels.

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Aloïs Kirchner, meilleur ami de Gottschalk, raconte leur histoire à une journaliste venue l'interviewer en 2000 :

Saxe, printemps 1934.

L'aventure théâtrale en Saxe s'achève. Nous aurons tout de même tenu encore un an. Mais tout s'effondre en ce printemps. Sierck (Douglas Sirk), de plus en plus acculé par les nazis locaux, a décidé de se consacrer au septième art. C'est d'ailleurs lui qui, après avoir annoncé la nouvelle, m'incite à rejoindre Berlin pour en faire autant : selon lui, les pressions sont moindres dans le cinéma.
Le Vieux Théâtre de Leipzig ne me congédie pas. Mais Joachim et Meta ont pris la décision de quitter la troupe et je ne veux pas continuer l'expérience sans eux. Joachim a décidé qu'il ne pouvait pas refuser l'offre qui lui a été faite en février par le théâtre de Francfort, l'un des plus importants du pays. Une place idéale, loin de Leipzig, trop provincial et où les rumeurs sur lui et son épouse enflent. Francfort, c'est la promesse de l'anonymat de la grande ville, comme une protection "Personne ne saura" espèrent les Gottschalk. C'est aussi, pour Joachim, l'assurance de très grands rôles. Il a le soutien inconditionnel d'un important directeur, Hans Meissner qui mise énormément sur sa nouvelle recrue. Meta, elle aussi, comprend. Depuis que le couperet antisémite s'est abattu sur notre petit monde du théâtre, à l'été 1933, elle n'a plus eu le droit d'apparaître sur aucune scène. Elle est peut-être devenue protestante sur le papier mais cela n'y change rien. Elle ne s'en remet pas. Joachim et moi non plus. Sa brillance, sa verve à jamais effacées ? Impensable.

page 88
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