mais quand j’étais venue te voir cet après-midi-là, tu étais assis à la table ronde de ta salle à manger. Seul, rien d’autre sur la table que ce revolver dont je ne me demandais pas vraiment s’il était chargé, sa présence noire sur cette table suffisait à abréger la maigre conversation que je tentai alors d’entreprendre.
Là encore, j’avais fini par m’enfuir.
clochard discret, cassé,
les mains rougies de bière
et les passants que tu croisais
faisant ce qu’il savent le mieux – passer
Ça y est, je crois qu’ils ont compris, silence, je suis ailleurs, du côté des corps qui se transforment, pourrissent, se dégonflent, qu’on me laisse tranquille. Je veux cuver ta mort.
Il n’y voyait plus guère, mais comment, comment savoir jusqu’où ? Un soir, seule chez nous, je tente de marcher en fermant à plein les yeux pour ne plus qu’entre un halo de lampe, se diriger alors comme on peut, une légère ivresse qui fait à peine tanguer pour retrouver l’origine de son pas incertain, mais jamais il n’avait la plainte du presque aveugle, juste l’équilibre, instable. Son corps ? il chavire.
Les jours entre mon retour à Paris et ton enterrement m’avaient été un soin de coton qu’on étire.
Onze heures, il n’avait même pas pu arriver à celle du déjeuner. Je ne sais plus si on l’avait trouvé dans son lit, ou par terre, ou affalé comme une voile sur une chaise. L’avais-je demandé d’ailleurs ? C’était l’aide ménagère que j’avais envoyée voir ce qui se passait.