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Critique de mumuboc


C'est un conte, une fable ou une dystopie qui évoque un monde situé dans le Grand-Oubli, après une guerre qui a laissé dans la mémoire des survivants des traces, où l'on tente d'oublier, de continuer, où vivent des Miraculés mais également des Invisibles, parce qu'un gaz ocre a tout détruit, ravagé et qu'il reste malgré tout un sentiment de crainte, de peur, personne n'a oublié.

"Pour toutes les vieilles il est douloureux de parler du temps d'avant le Grand-Oubli. La guerre a balayé les mémoires, les bombardements ont soufflé les images du passé et laissé place à l'horreur. Et l'horreur entre dans les têtes pour ne plus en être délogée, s'installe dans les moindres recoins, gâte tous les souvenirs. A la fin il ne reste que des débris. (p95)"

Lorsque la narratrice rencontre Igor, ils se flairent, se sentent, se frôlent en se contentant de suivre leurs instincts. D'elle on ne connaît rien sinon qu'elle vient de perdre sa grand-mère, sa Baba qui l'a recueillie après qu'elle ait perdu Apa et Ama, qu'elle vit dans une région hostile emprisonnée par le froid qui saisit tout à l'image du lac voisin, un pays fait d'immensités et de solitudes. Igor, lui est une force de la nature, un colosse, une force rustre qui cache une générosité qu'il met à la disposition des autres en leur portant du poisson et c'est lors d'une de ses visites qu'elle va faire rencontrer Grisha, une femme-chamane qui possède la connaissance, celle des soins mais également celle du passé, du sien mais également celui d'Igor et lors d' une tempête elle va livrer ses souvenirs, ce qui la lie à Igor et à Tochka, l'ourse, un passé où la différence conduit à la méfiance et parfois au crime.

Venez vous installer au coin du feu, venez écouter une histoire qui vous emmène aux confins d'un monde, le nôtre ou un autre, une histoire d'hommes avec ce qu'ils ont de plus sombre, de plus méfiant, un monde que l'auteure a créée où les noms reviennent à l'essentiel : le Grand-Sommeil, les Invisibles, les Miraculés, les Va-au-diable, la Tige, où il est question d'amour mais également de haine, où les hommes et bêtes peuvent abattre parfois des frontières où d'autres n'y voient que suspicion, incompréhension et peur.

Je dois avouer que je me suis laissée envouter par l'écriture et la voix de la narratrice, ne sachant pas dans un premier temps où cela allait me conduire et puis au fil des pages, je me suis habituée à sa poésie, son décor, à la rudesse de son existence, à la distance qu'elle prend avec ses sentiments en les exprimant simplement comme on pourrait le faire dans un monde post-apocalyptique, où le pire est déjà passé sur les lieux et dans les âmes. Alors certes, elle nous emmène sur le terrain des hommes et de leurs grands travers, où l'autre représente un danger, même s'il peut séduire, une fable où les hommes ne sortent pas toujours grandis mais avec ce qu'il faut de lumière à travers le personnage de Grisha et d'Igor.

J'ai beaucoup aimé surtout pour l'écriture, pour les images qui sont montées en moi, pour avoir réussi à me sortir du moment présent, pour m'emmener dans un ailleurs, parallèle et similaire, où les noms et paysages changent mais où hommes, animaux et nature sont intiment liés, où la beauté de certaines âmes ne tiennent pas à ce qu'elles semblent être. 

"Et l'on voyait dans sa démarche légèrement accablée le commerce de plus en plus intime qu'il avait noué avec la mort. Ce n'était pas de la résignation mais un signe de familiarité. Une sorte de lente préparation. Comme on dit d'un fruit qu'il est mûr lorsqu'il tombe, la vie de Pavel était la maturation de sa propre disparition. (p48)"

Laurine Roux a publié en 2020 le sanctuaire qui entre dans ma liste d'envies.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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