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Citations sur Helgoland (22)

Au lieu de considérer le monde physique comme un ensemble d’objets aux propriétés définies, la théorie quantique nous invite à voir le monde physique comme un réseau de relations dont les objets sont les nœuds.

De là suit qu’attribuer toujours nécessairement des propriétés à une chose, même lorsqu’elle n’interagit pas, est superflu et peut induire en erreur. Cela revient à parler de quelque chose qui n’existe pas : il n’y a pas de propriétés en dehors des interactions 57.

C’est le sens de l’intuition première de Heisenberg : demander quelle est l’orbite de l’électron alors qu’il n’est pas en train d’interagir avec quelque chose est une question vide de sens. L’électron ne suit pas une orbite, car ses propriétés physiques sont uniquement celles qui déterminent comment il agit sur quelque chose d’autre, par exemple la lumière qu’il émet. Si l’électron n’est pas en train d’interagir, il n’a pas de propriétés.

C’est un saut radical, qui revient à affirmer que toute propriété n’est que la façon dont un objet agit sur quelque chose d’autre. Lorsque l’électron n’interagit avec rien, il n’a pas de propriétés physiques. Il n’a pas de position, il n’a pas de vitesse.
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Je vois une pierre qui tombe sur moi. Si je bouge, je survis. Le fait que je bouge n’est pas mystérieux, la théorie de Darwin l’explique : ceux qui ne bougeaient pas sont morts écrasés, je suis un descendant de ceux qui se sont déplacés pour éviter l’impact. Mais, pour pouvoir bouger, mon corps doit savoir d’une façon ou d’une autre qu’une pierre est en train de tomber sur moi. Pour qu’il le sache, il doit y avoir une corrélation physique entre une variable physique en moi et l’état physique de la pierre. Cette corrélation existe, évidemment, parce que le système visuel remplit exactement cette fonction : il met en corrélation notre environnement avec des processus neuronaux dans le cerveau. Il existe toutes sortes de corrélations entre l’extérieur et l’intérieur, mais celle-ci a une caractéristique particulière : si elle n’existait pas, ou si elle ne se produisait pas de façon adéquate, je mourrais écrasé par la pierre. La corrélation entre l’intérieur et l’extérieur, qui relie l’état de la pierre aux neurones de mon cerveau, est directement pertinente au sens darwinien : sa présence ou son absence affecte ma survie.

Une bactérie possède une paroi cellulaire capable de détecter les gradients de glucose dont elle se nourrit, des cils qui lui permettent de nager et un mécanisme biochimique qui lui signale la direction où il y a le plus de glucose. La biochimie de la paroi détermine une corrélation entre la distribution du glucose et l’état biochimique interne, qui détermine à son tour la direction dans laquelle nage la bactérie. La corrélation est pertinente : si elle est interrompue, la possibilité de survie de la bactérie, privée de nourriture, diminue. Il s’agit d’une corrélation physique avec une valeur de survie.

L’existence de ces corrélations pertinentes indique la source physique possible de la notion de signification : l’information relative pertinente. Information relative au sens (physique) de Shannon, pertinente au sens (biologique, donc en définitive physique aussi) de Darwin. C’est dans ce sens précis que nous pouvons dire que l’information sur la concentration de sucre a une signification pour la bactérie. Ou que l’évocation du tigre dans mon cerveau, c’est-à-dire de la configuration neuronale correspondante, signifie effectivement un tigre.

Ainsi définie, la notion d’information pertinente est purement physique, mais elle est aussi intentionnelle au sens de Brentano. C’est une connexion entre quelque chose (d’interne) et quelque chose d’autre (généralement externe). Elle comporte naturellement une notion de « vérité » ou de « justesse » : dans toute situation particulière, l’état interne de la bactérie peut ou non coder correctement le gradient de glucose. On retrouve ainsi plusieurs des ingrédients nécessaires pour caractériser la « signification ».
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Je crois que l'une des grandes erreurs que font les êtres humains lorsqu'ils essayent de comprendre quelque chose est de vouloir des certitudes. La quête de la connaissance ne se nourrit pas de certitudes : au contraire, elle se nourrit d'une absence radicale de certitudes. Grâce à la conscience aiguë de notre ignorance, nous sommes ouverts au doute et pouvons apprendre toujours d'avantage. Cela a toujours été là force de la pensée scientifique, la pensée de la curiosité, de la révolte, du changement. Il n'y a pas de Nord, pas de point fixe final, philosophique ou méthodologique, auquel ancrer l'aventure de la connaissance.
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L'abîme de ce que nous ne savons pas est toujours magnétique et vertigineux. Mais considérer la mécanique quantique sérieusement, réfléchir à ses implications est une expérience quasi psychédélique, qui nous force à renoncer, d'une manière ou d'une autre, à quelque chose qui nous semblait solide et inattaquable dans notre compréhension du monde. Il nous faut accepter que la réalité est profondément différente de ce que nous imaginions. Plonger notre regard dans l'abîme, sans craindre de sombrer dans l'insondable.
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Il n'existe aucune façon de voir la réalité qui ne dépende pas d'une perspective.
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En résumé, les propriétés des objets n'existent qu'au moment des interactions et peuvent être réelles par à rapport à un objet, mais pas par rapport à un autre.
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Il me semble donc que, lorsque nous nous interrogeons sur la relation entre le « moi » et la « matière », nous utilisons deux concepts peu clairs, et c’est là l’origine de la confusion qui entoure les questions sur la nature de la conscience.
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Mais la délicate complexité de la relation émotionnelle qui existe entre nous et l’Univers a autant à voir avec les ondes ψ de la théorie quantique qu’une cantate de Bach avec le carburateur de ma voiture.
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Nous pensons le monde en termes d’objets, de choses, d’entités (dans le jargon scientifique, nous les appelons « systèmes physiques ») : un photon, un chat, une pierre, une horloge, un arbre, un garçon, un village, un arc-en-ciel, une planète, un amas de galaxies, etc. Ces objets ne sont pas murés chacun de leur côté dans une solitude dédaigneuse. Au contraire, ils ne cessent d’agir les uns sur les autres. Ce sont ces interactions que nous devons examiner pour comprendre la nature, et non les objets isolés. Un chat écoute le tic-tac de l’horloge ; un garçon lance une pierre ; la pierre perturbe l’air qu’elle traverse, heurte une autre pierre et la déplace, presse le sol où elle atterrit ; un arbre absorbe l’énergie des rayons du soleil, produit l’oxygène que les habitants du village respirent en regardant les étoiles, et les étoiles courent à travers la galaxie, entraînées par la gravité d’autres étoiles… Le monde que nous observons est continuellement en interaction. C’est un réseau dense d’interactions.
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Les implications conceptuelles de la relation entre ce que nous voyons et le monde sont toutefois considérables. Lorsque nous regardons autour de nous, nous n’« observons » pas vraiment : nous évoquons plutôt une image du monde en nous appuyant sur ce que nous savons (y compris sur nos préjugés erronés). Et, sans en avoir conscience, nous scrutons notre environnement pour relever d’éventuelles divergences et tenter de corriger notre représentation si cela s’avère nécessaire.

Ce que nous voyons, en d’autres termes, n’est pas une reproduction du monde extérieur. C’est ce à quoi nous nous attendons, corrigé par ce que nous réussissons à percevoir. Les données pertinentes ne sont pas celles qui confirment ce que nous savions déjà. Ce sont celles qui contredisent nos attentes.
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