Le musée des avenirs possibles

Evelyn arracha des morceaux de pâte et les lança au colley en se demandant depuis quand sa vie avait pris la forme du manque. Depuis quand se définissait-elle par ces choses qui ne s'y trouvaient plus ?

Les saccades presque incessantes d'une poignée de porte contre ses reins, les bleus qui fleurissaient du jour au lendemain, comme des lys orientaux, sans qu'elle puisse elle-même dire d'où venait la moitié d'entre eux.

Voilà des années maintenant qu'elle se réveille le matin consciente d'une chose : ceci n'est pas ma vie. [...] Rien de tout ça ne lui correspond. Y a eu maldonne. Quelqu'un quelque part est en train de vivre sa vraie vie, de faire tourner les kilomètres au compteur comme on le ferait avec une voiture volée. Mais tôt ou tard, cette personne avouera. Elle y sera obligée, minée par l'inquiétude, la culpabilité. Sa virée ne peut pas durer indéfiniment.

Dans le motel, elle était sur le couvre-lit et ça avait quelque chose de salace, de complaisant, comme s'ils étaient en train d'essayer les vies d'autres gens. Vas-y, mon ange, crie si tu veux, lui avait dit Jack. On les reverra jamais, ces cons.

C'est comme ça que tu nous remercies ? Au début il tonna là-haut, mais s'adoucit bientôt, voyant qu'il n'y avait rien à faire pour la retenir. Nous ne t'avons pas acheté cette voiture pour que tu nous fasses disparaître dans le rétroviseur, ma chérie. Ta mère et moi...

L'air était chaud comme de l'huile de friture

Étrangement, jamais assez d'argent, mais toujours trop de trucs. Et pas les bons trucs.

Elle rit derrière ses lunettes noires à la Audrey Hepburn, ignorant qu'elles lui serviront un jour à camoufler ses ecchymoses et ses nuits sans sommeil.
C'est la première pièce dans le musée des avenirs possibles, la vie qui aurait pu se dérouler aussi mollement qu'un rouleau de satin, si seulement la jeune femme avait fait basculer ses jambes graciles dans cette voiture splendide et foncé au plus vite dans le sens opposé, laissant l'homme qui tenait l'appareil derrière elle.

Ton père. Sa tête est un piège à fantômes. Il a toutes les peines du monde à ouvrir la bouche sans qu'ils s'en échappent en hurlant.

les cigarettes, c'est une sorte de pouvoir. Une sorte de magie toxique capable d'enflammer une dispute comme de l'éteindre. C'est plus important que le lait, que le pain, que les uniformes ou les frais de scolarité.