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Critique de Rodin_Marcel


Marianne Rubinstein intitulé "C'est maintenant du passé", publié par Gallimard sous le couvert des éditions "verticales phase deux" (ISBN 978.2.07.012698.9).

Née en 1966, issue d'un mariage mixte (mère bretonne, père juif d'origine polonaise), l'auteur part à la découverte des vestiges de sa famille paternelle à partir de 2007 environ. Elle cite à plusieurs reprises l'ouvrage de Mendelsohn "les disparus" dont elle s'inspire sans que sa quête ne prenne cependant la même ampleur (environ 160 pages très aérées).

Quelques éléments retiennent mon attention dans sa façon de restituer l'histoire familiale :
- l'auteur ne cherche pas du tout à produire un récit continu, elle reconnaît et assume le fait de ne disposer que de fragments sans continuité possible
- elle mêle étroitement la narration de sa quête à la restitution des maigres données : le récit raconte aussi bien sa relation à son père pour en obtenir des informations que ses réactions à elle et que les histoires familiales ; son père résiste plus ou moins fortement à l'idée de laisser remonter tous ces souvenirs (c'est un mécanisme connu : la génération ayant vécu le désastre ne veut pas en parler, elle veut oublier, à tout le moins ne pas s'en surcharger pour être à même de vivre).

L'ouvrage de Mendelson est centré sur la Shoah, alors qu'ici, l'auteur inclue des drames individuels sans doute provoqués par la situation de guerre, mais sans s'y rattacher directement (voir citation) : ces traumatismes ont été en quelque sorte écrasés, gommés, pour le moins relativisés par le cataclysme collectif que fut la seconde guerre mondiale.

Que l'on permette de citer ici un exemple personnel. En 1942, alors qu'il est enfant et que son père est prisonnier en Stalag, l'un de mes oncles voit sa mère et sa soeur périr dans l'incendie de leur pauvre demeure provoqué par un poêle à charbon défectueux ; sur demande de la Croix-Rouge, les nazis autorisent le père à rentrer chez lui ; il se remarie avec une mégère qui ne trouve rien de mieux que de chasser l'enfant du foyer paternel, sans que le père ne prenne la défense de son fils ! Mon oncle sera recueilli et élevé par ma grand-mère, mais aujourd'hui encore, il n'a rien pardonné à son père décédé…

De nos jours, un tel vécu justifierait l'intervention d'une nuée de psychiatres ou d'assistantes sociales ravies de justifier leurs salaires ; dans les années d'après-guerre, entre 1945-1955, ces malheurs individuels furent engloutis dans la joie d'avoir surmonté le désastre collectif…

Le grand mérite de cet ouvrage réside justement dans le fait de poser cette question : comment s'articulent les malheurs individuels dans une période de grands malheurs collectifs ?
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