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Critique de kuroineko


Après m'avoir enthousiasmée avec son Rouge Brésil, Jean-Christophe Rufin me ramène à nouveau au pays de la samba avec La Salamandre. Ce court roman offre encore une autre facette du romancier qui, décidément, a l'art et la manière de me surprendre. Même si, en l'occurrence, la surprise laisse un goût d'amertume et de malaise. Non à cause d'un manque de qualité ou d'intérêt mais par la nature de son intrigue.

Tout tourne autour de Catherine, secrétaire anonyme dans l'anonymat parisien. Sur la pente descendante de la quarantaine, elle vit seule au milieu de livres précieux et meubles anciens. Elle s'est sortie de la glèbe parentale et s'est efforcée de construire autour d'elle un cocon matériel, sûr et solide. Pourtant, ces murs si protecteurs l'enferment toujours plus dans une solitude absolue où la perspective du dimanche est devenue terrifiante.
Lors d'un sursaut de conscience, Catherine s'envole pour Recife au Brésil, rejoindre une amie de longue date. Là commence une nouvelle vie pour elle. Si tomber amoureux est sans aucun doute une chose merveilleuse, encore faut-il qu'il s'agisse de la bonne personne.

Rufin emporte son héroïne dans un maelström de sensations, de sentiments nouveaux pour elle et dans lesquels elle se plonge corps et âme. Cette longue descente passe de Charybde en Sylla, apportant dans son sillage un malaise croissant au fil des pages. Car il s'agit ici d'un portrait âpre d'une femme qui se perd et s'abaisse volontairement. La carapace de glace de l'Occidentale psychorigide fond sous le chaud soleil équatorial, sous les pulsions d'une terre où la violence sévit sur tous les plans. Brésil, puissance émergente où la misère enjoint de jouer des épaules ou du couteau pour se faire une place.

L'auteur narre ce douloureux récit dans une langue toute en nuance et d'une belle richesse. J'ai fait provende de mots inconnus tels que cabocle ou immarcescible. Certes pas facile à replacer entre le fromage et le dessert mais j'aime ces mots rares et précieux qui ouvrent autant de perspective dans mon univers lexical.
Pour autant, la beauté des mots n'enlèvent rien à la rudesse de l'histoire où chaque page apporte à Catherine un surcroît d'épreuve et d'humiliation. Il est difficile de pleinement appréhender le caractère de l'héroïne. Pourtant, j'ai ressenti son désarroi, sa profonde détresse, son impression de gigantesque néant, et ce besoin de se sentir vivante. Aimée et aimant.

Sa vie brésilienne apportera certes des réponses à ses questions non posées. Comme souvent pour les choses essentielles, le prix à payer pour apprendre est lourd et source de souffrance. Ainsi résonne la destinée de la salamandre qui doit traverser les flammes pour vivre
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