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Critique de Apolline27


Jean-Christophe Rufin
Les Trois Femmes du Consul
Editions Flammarion 2019


Lire un roman de Jean-Christophe Rufin, c'est comme déguster une exquise
pâtisserie ou savourer une pétillante coupe de grand Champagne. C'est une fête de la langue, des idées, des images qui libèrent leurs saveurs page après page avec subtilité, humour et délicatesse, sans tricher, sans jamais esquiver la laideur et la cruauté du monde, ses bassesses et ses artifices qui ne sont pas toujours – pour ne pas dire jamais – là où on croit les trouver.
Et c'est bien là le « miracle » Ruffin : dans ses romans, tout y est infiniment juste mais cette justesse est atteinte grâce à l'art du décalage. Tout y est décalé, décentré jusque dans les moindres détails, jusqu'au titre qui est faux mais qui dit pourtant un élément parfaitement juste de l'intrigue. Il n'y a guère que dans les romans que l'on peut atteindre un aussi haut degré de justesse dans l'examen de l'humain. Dans la vie réelle, c'est impossible : on se trompe toujours sur les autres et sur soi-même, et puis on n'a pas le temps ; même au théâtre, c'est inaccessible parce que le discours théâtral est le miroir du discours réel : il en reproduit tous les faux-semblants, et s'il ne le fait pas, il sonne faux. Mais dans un roman tout est possible à condition, bien sûr, que le narrateur ait la puissance requise pour atteindre la vérité de l'humain, et qu'il en ait la volonté.
Dans le roman de Jean-Christophe Rufin, cet art du décalage est au coeur de l'écriture, il en est le moteur, incarné par le personnage d'Aurel Timescu, un diplomate qui n'en est pas un, un enquêteur qui n'en a pas les attributs, un être falot en surface mais fabuleux en épaisseur, qui ne cesse de surprendre, de faire sourire, d'agacer, confronté à un faux crime passionnel dont il va déjouer les apparences avec l'élégance et la clairvoyance des hommes justes.
Cette deuxième enquête d'Aurel Timescu (cf. le Suspendu de Conakry à lire absolument) est menée, sous les apparences d'une africaine lenteur, tambour battant. Et le personnage devient de plus en plus attachant, de plus en plus prégnant. La seule ombre au tableau, c'est l'aisance de la lecture : on arrive trop vite à la dernière page et l'on est bien amer de refermer le livre. Il faudra laisser un peu de temps avant une relecture afin de faire croître le plaisir de se remémorer quelques détails oubliés ou de découvrir quelques ingénieux décalages passés inaperçus la première fois.
Ce qui est certain, c'est qu'on attend avec impatience le prochain poste d'Aurel en espérant qu'il y trouve à nouveau une énigme que lui seul saura élucider.
Lien : https://vdehaas.com
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