AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de PetiteBichette


Paf ! Ginette, tout sourire, m'a collé une bonne petite baffe, mais en douceur, presque pas mal !
Après, toujours avec le sourire, elle m'a fait signe de la main pour m'inviter à rentrer chez elle.
Alors, un peu gênée, je suis entrée dans son appartement, une petite caverne d'Ali-Baba, débordante de photos, de souvenirs. Ginette a sorti une boite en fer avec dedans des petits gâteaux à grignoter et m'a proposé de boire quelque chose. On s'est installées dans le salon, elle dans son fauteuil en velours et moi sur son canapé. Je me suis détendue, et je me suis laissée porter par la voix de Ginette qui a commencé à me raconter sa vie. Elle m'a fait visiter son appartement, pièce par pièce, et en regardant les lieux, un objet, une photo, elle m'a raconté sa vie, ses souvenirs, comme si j'étais une vieille connaissance.
J'ai écarquillé les yeux, ouvert grand mes oreilles, je ne voulais pas en perdre une miette.
Quand elle a eu fini, elle m'a refait un grand sourire. J'ai compris que c'était l'heure de se quitter, même si je l'aurais bien écoutée encore pendant des heures. Mais Ginette a 98 ans, après avoir remué tous ces souvenirs, il était l'heure pour elle de se reposer.
Alors je l'ai remerciée pour m'avoir accordé si gentiment de son temps, je me suis permis de lui faire une bise sur la joue en en profitant pour la serrer fort dans mes bras. Je lui ai promis que je reviendrai la voir de temps en temps, et je sais que bien sûr je tiendrai ma parole. Alors à très bientôt Ginette, j'ai été sous le charme de cette rencontre inattendue.
Je ressors complètement secouée par cette lecture, pas seulement à cause de la douce baffe, mais par la lumière qui émane de ce livre. J'ai peine à croire que j'écris cette phrase alors que ce récit est celui d'une des rares survivantes encore parmi nous de la Shoah.
Et pourtant, quelle leçon de vie nous donne ce petit bout de femme !
Avec modestie et humilité, elle nous raconte son parcours incroyable. Alors qu'elle n'est qu'une toute jeune fille, sa vie bascule. Elle est déportée avec son père et son frère qui seront gazés dès leur arrivée à Auschwitz. Sans qu'elle ne puisse l'expliquer, elle reste en vie, peut-être grâce aux marchés qu'elle faisait avec ses parents, elle avait l'habitude d'être dehors par tous les temps.
Ginette parvient à survivre, puis à rentrer chez elle à la libération du camp. Alors, elle se réinsère dans la société. Se force à tout oublier, tout effacer… Elle ne parle de rien à sa mère ni ses soeurs, ni plus tard à son mari. Met tout cela derrière elle. À tel point que le jour où elle est contactée par une personne qui travaille pour Spielberg afin de recueillir des témoignages pour la liste de Schindler elle refuse d'abord de parler, prétend ne plus se souvenir de rien. Mais une brèche vient d'être ouverte dans son être, et sans qu'elle le veuille, les souvenirs affleurent, affluent, et elle commence à se livrer au jeune homme qui vient l'interviewer.
Une nouvelle page de sa vie va alors s'écrire, ses témoignages auprès des jeunes deviennent son cheval de bataille pour que personne n'oublie jamais la Shoah.
Petit livre, petit bijou, empreint de sincérité et de dignité. Bravo à Marion Ruggieri qui s'efface et restitue avec justesse les mots de Ginette, tant j'ai eu l'impression que c'était à moi que Ginette s'adressait. Que d'émotions également, lorsque soudain, au détour d'une phrase, les souvenirs du camp reviennent à la charge, bien tapis dans un coin de la mémoire, et que les fêlures, les doutes, les angoisses refont abruptement surface :
« Elle [la concierge] savait, forcément. Peut-être pas qui nous avait dénoncés. Mais qui avait habité chez nous durant ces trois années ? qui avait vidé l'appartement ? Parfois, je me demande pourquoi je n'ai pas posé de questions. J'étais jeune, indifférente à tout ce qui s'était passé avant. Je me contentais du présent. Et c'est toujours le cas. (p.15) »
« La déportation, tout le temps, tu y retournes.
Une pièce invisible. (p .26) »
« Quand tu es allée dans les camps, c'est difficile de croire. (p.31) »

Je vous conseille également le roman graphique sur la vie de Ginette réalisé par Aurore d'Hondt qui restitue en noir et blanc son histoire : Ginette Kolinka : Récit d'une rescapée d'Auschwitz-Birkenau.
Commenter  J’apprécie          6421



Ont apprécié cette critique (64)voir plus




{* *}