Nous, les enfants du Maghreb périphérique, on a bien besoin de revoir les valeurs de base de la psychanalyse. Dans l’œdipe, il faut tuer le père, mais nous, au contraire, il nous faut le déterrer, il nous faut le faire revivre. Il a été tué socialement par le colonialisme, par les guerres, puis par l'immigration. Au lieu de le tuer, il nous appartient à nous, les enfants, de le faire revivre, de lui faire redresser la tête. (p. 209)
"Toi, l'immigré,
Tu as traversé les frontières,
Tu as voulu fuir la misère,
Tu as quitté les champs de soleil,
Tu as quitté tes patents, tes merveilles,
A la chaîne, tu as été le premier servi,
Sur les chantiers, aussi,
On te regarde avec mépris,
Ainsi a commencé ta vie
D'immigré...
Mais la France, ce beau pays,
Elle te renie, aujourd'hui,
Elle n'a plus besoin de ta vie,
Elle te renvoie où elle t'a pris,
Immigré,
Dix mille francs, c'est ton prix,
c'est ce que tu vaux aujourd'hui..."
Brusquement, je réalise que les Noirs américains ont vécu la même histoire. Des hommes comme Mohamed Ali, Chester Himes ou Richard Wright ont voulu venger les humiliations imposées à leurs pères.
Leur Harlem c'est mon Puteaux. On vient des mêmes ghettos.
Et on arrive ici. Il faisait tellement noir dehors que je ne croyais plus revoir un jour le soleil.
Ce que l'on oublie souvent, c'est que jusqu'en 1962 les Algériens qui venaient en France étaient français !
Il faut toujours des boucs émissaires... pour réveiller en nous ce qu'il y a de pire... à cause de notre ignorance.
"Tu verras, la maison est au bout de la rue Voltaire, à Puteaux ! Tu ne peux pas te tromper !", m'avait dit Mounsi, le chanteur-poète d'origine kabyle. La porte d'entrée, à moitié pourrie, s'ouvre sur une cour minuscule, aussi sombre qu'une cave. A l'intérieur, les murs, moisis à mi-hauteur, comme allergiques aux rayons du soleil et à la lumière du jour, et tout au fond un escalier extérieur sur lequel un tapis décoloré semble remplacer les marches manquantes. Il s'en dégage une odeur nauséabonde, un mélange irrespirable de pisse et d'excréments, qui saisit à la gorge.
Pendant dix-huit ans j'ai vécu en transit, et cette permanence du provisoire est restée à jamais gravée dans ma tête, à tel point que je ne sais pas vraiment ce que signifie "s'installer".
J'ai eu beaucoup de mal pour faire apprendre l'arabe aux enfants. Je ne trouvais pas e curé qui connaissait l'arabe !
Je pensais travailler dur, bien dur, et retourner là-bas. Et j'ai tout le contraire. Maintenant, je suis vieux, je suis malade, je souffre, et qu'est-ce que j'attends aujourd'hui de la vie ? J'attends la mort ! Ca, je sais que j'y ai droit, pff... pff...