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Critique de Yokay


Ce roman graphique est issu des témoignages recueillis par Yamina Benguigui à la fin des années 90 auprès de plusieurs personnes issues de l'immigration maghrébine dans les années 50 et 60, au temps de la reconstruction après-guerre et de son grand besoin de main-d'oeuvre.
Le choix graphique est étonnant : des pages épaisses veloutées, un dessin au style naïf, des personnages aux têtes de chats avec des moustaches en queue de poisson, une écriture manuscrite… on pourrait se croire dans un roman pour enfants, ou penser à un ouvrage de débutant, d'amateur. Mais le sujet n'est pas léger, il est grave et parfaitement documenté. de la douceur pour atténuer la dureté de certains propos ? Paradoxalement ce choix de visage animalier fait penser au terrible et magistral Maus d'Art Spiegelman.
D'abord les pères, dont certains ont combattu pour la France lors de la seconde guerre mondiale. Ils sont venus travailler en France en laissant leur famille dans leur terre d'origine, qu'ils ne voient qu'une fois par an lors des vacances d'été. Une vie de travailleur solitaire, entre hommes, loin du rêve de vie meilleure.
Puis les mères, qui après un mariage arrangé finissent par rejoindre leur mari et vivent recluses dans la pièce unique qui leur sert de logement. Certaines nous livrent de beaux récits d'émancipation, tardive car uniquement après que les enfants aient quitté le foyer. Magnifique séquence d'une famille juive qui sauve 2 jeunes filles arabes lors de la traversée en bateau, tandis qu'à la génération précédente le père arabe aidait des juifs à fuir le nazisme.
Enfin les enfants, qui arrivent jeunes avec leur mère lors du regroupement familial, qui pensent atteindre l'El Dorado et qui atterrissent dans un bidonville, qui ne voient leur père que le dimanche, ce dernier restant pour eux un étranger qui cultive l'utopie du retour au pays. Enfants francophones qui sont rapidement chargés des démarches administratives de leurs parents.
Des vies de misère, de soumission, de discrimination. Beaucoup de déceptions et de regrets, mais aussi quelques belles destinées.
Cette parole est rare et précieuse, car les parents interrogés n'ont pas l'habitude de s'exprimer sur ce sujet.
L'auteur Jéröme Ruillier en profite pour questionner ses propres problématiques familiales d'inclusion.
L'oeuvre est réalisée avec beaucoup de sensibilité et est d'un grand intérêt pédagogique.
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