Citations sur Anatomie de l'amant de ma femme (24)
j'avais commencé à me recréer une enfance. Pas vraiment la recréer mais la repenser et jeter tout ce qui était sujet à caution, tout ce qui pouvait être un souvenir réinventé. Et il ne restait plus grand-chose sur quoi m'appuyer. Il me restait les lieux, ceux-là avaient existé [...]. Cela avait existé et existait sûrement encore. Mais les sensations, les images mentales associées, tout cela avait été poli, longtemps après les événements eux-mêmes, comme des galets, pendant des années, pour adhérer à la personne que j'étais devenue.
la fascination d'étrangeté à construire une phrase, chaque mot recelant sa geôle de sens enfouis, lents et âpres.
et juste en mourant, quelle est l'étincelle qui jaillira de l'esprit de ces petites souris ? Cette étincelle, je te le dis, ce sera la honte. Mon Dieu, diront-elles en rendant leur dernier souffle, j'avais une vie et je n'en ai rien fait ! J'étais libre, je l'ai oublié et je me suis enchaîné.
dans ce qui nous entoure, ce qui est difforme est empli de vie.
Dans la sexualité, on ne fait que tomber, marcher à tâtons, croire, reconnaître, sentir, penser comme dans une nuit sans lune. Le corps est une boussole dont on se sert pour aller de point en point. On espère que les points dessineront un chemin, puis une route, et qu'un jour dans la clarté radieuse d'un rayon de soleil, on arrivera à destination.
Mais, comme pour tout, comme pour le bonheur, c'est le chemin qui compte. C'est pourquoi il ne faut rien abandonner du sexe, même ce qui fait mal, ce qui blesse.
Lui ouvrir grand les bras. Dans une franche respiration.
(assis sur un banc et à l'autre bout du banc une vieille dame)
Il va lui lire ce qu'il vient d'écrire (par pure provocation et la faire fuir!)
* Le jardin fait environ cinquante mètres de large sur deux cents mètres de profondeur. Une grille en fer forgé borde la rue. Douze bancs sont disposés autour d'une pelouse au centre de laquelle se dresse une statue représentant un homme sur un cheval. Le cheval a la gaule. On ne sait pas pourquoi il bande comme ça. Sûrement lui-même ne le sait il pas non plus. Il est immobile et il a la gaule. Ou peut-être pas complètement immobile mais très, très, très, très lent comme savent le faire les statues. Contre le mur du fond, il y a quatre rosiers. On dirait qu'ils font le tapin. Ce sont de vieilles putes qui ont sorti leurs fleurs couleur de pommade pour attirer dans leurs replis puants tout ce qui passe en termes d'insecte volant avec un gros dard. Pas loin de moi, il y a un grand arbre. Je pense que c'est un saule pleureur. Il essaie en vain avec ses antiques branches grisâtres et tombantes d'enculer de jeunes moineaux à peine sortis du nid .... *
Je lui proposais de la raccompagner chez elle.
Elle avait l'air de penser que c'était une bonne idée.
Je la trouvais excitante, je lui trouvais un beau cul, de toute façon la nuit est toujours beaucoup moins cruelle que le jour.
Le vent dans les arbres est le langage qui fait naître la pensée, lui donne un mouvement, une logique, une vibration particulière.
L'âme humaine est une forêt qui bruisse de pensées.
Certaines sont petites, infimes, une feuille qui tremble à peine, l'écho d'un souvenir qui affleure à la conscience.
D'autres plus majestueuses, c'est toute une branche qui ploie, comme un désir qui se lève.
Il y a une part en moi qui apprécie plus la vie imaginaire que la vie réelle.
Même si parfois, c'est l'inverse.
Je me retrouvais hébété et saoul, après avoir fini la bouteille, sachant qu'en ouvrir une autre me rendrait malade, le tire-bouchon à la main levé au dessus de mon crâne comme si j'allais me déboucher la tête, riant à cette pensée, et arrêtant de rire, puis de penser.