AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Floyd2408


Idaho est le premier roman de Emily Ruskovich, cette auteure est d'originaire de l'Idaho, où elle a grandi dans les Hoodoo Moutain, elle a reçu un Oliver Henry Award, ce prix prestigieux récompense les meilleures nouvelles américaines et canadiennes, elle enseigne maintenant l'écriture créative à l'Université du Colorado à Denver.
Idaho est la région natale de l'auteure mais aussi le titre de son premier roman, cette région obsède avec beaucoup de nostalgie Emily Ruskovich, cette nature traverse le roman comme une personne vivante, ces champs recouvrant la plaine de l'enfance de Wade, ou son pére atteint d'une maladie sénile mourra une nuit d'hiver, perdue dans l'immensité de sa mémoire en trompe l'oeil, une fin dans ce froid assassin, ce cerveau troublant la réalité, puis cette montagne au noms de fleur Iris, lieu d'habitation de cette famille, esclave de cette météo hivernale, Wade artisan coutelier, orfèvre dans son domaine, sa femme Jenny, vétérinaire à la base, élevant ces deux filles May et June. Idaho, ce nom étrange au cours du roman aura son sens et son explication, Emily Ruskovich chantera avec beaucoup de douceur et de tendresse l'étymologie de cet Idaho, ce mensonge, cette jeune fille puis le romanesque du choix de l'état Idaho.
Ce roman est une maison ouverte, où les portes sont invisibles, nous pouvons aller de pièces en pièces, sans contrainte, la liberté de voguer ci et là, comme l'intrigue de ce roman véhiculant dans le temps, cette danse intemporelle d'aller dans les méandres et les couloirs du temps, les chapitres sont des années et elles s'entremêlent dans une chronologie désordonnée.
Idaho est une sensation diffuse, une atmosphère lente et mélancolique porté par une écriture magnifiquement, cette prose aimante l'histoire dans une suspension continuelle et éternelle, un tourbillon emporte les personnages et le paysage pour s'évaporer dans une émulation immuable, comme l'expansion de l'univers, qui avance, ne s'arrêtant plus comme cette histoire continuant même après le point final. Il est vrai que lorsque le dernier mot du roman habita mon âme, cette histoire continuait, l'intrigue était encore présente dans mon corps, des questions surgissaient au coeur de ma chair, sans réponses, juste une émotion en moi envahissait tout mon espace, ce roman devenait mon jardin, où poussait des réponses sans valeur, car doit-il avoir une réponse, doit-on toujours expliquer l'inexplicable comme Emily Ruskovich nous le suggère subtilement dans ce drame.
Chaque personnage se lie à l'autre par l'intermédiaire du silence prodigieux de la providence, la vulnérabilité de ces êtres en proie à leur propre passé, leur souvenir s'étouffent dans une émotion profonde et se diluent dans la blessure de l'autre.
La violence de la blessure de la mort d'un enfant est vécu de manière différente, l'un par la prison et l'abnégation de ne plus vivre mais survivre dans la monotonie d'une mort vivante, tel un zombi , cette femme meurtrie par ce geste inexplicable d'avoir tué sa fille, une brutalité silencieuse, une musique douce sortant des lèvres de sa fille, une chanson assassine, voire adultère, puis le geste sans fin de cette main, cette main meurtrière, cette femme donneuse de vie, reprenant cette vie. Et cet homme, le pére perdant ces deux enfants, l'un tué par sa femme, l'autre disparu dans cette forêt gargantuesque, le même jour que le drame du meurtre de sa soeur May, June, son ainée au double nom, Lily lors de sa naissance puis Wade décidant de lui donner celui d'une femme ayant le souvenir intact de son père comme un hommage à son géniteur, solitaire de son amnésie, de la perte du souvenir de son fils Wade, de sa femme Sarah, imaginant une fille de 14 ans, June, une amie d'enfance, de son âge, mais le temps s'effondre, et cette lumière éphémère virtuelle, éclaire la fin de vie de cette homme plongeant dans les ténèbres oublies de sa vie. Wade tombe dans l'oubli de son malheur de la perte de sa vie et de celui de ses deux filles, mais reste en lui cette blessure muette, tatouée dans sa chair, une souffrance aveugle, une tragédie inscrite en lui sans pouvoir la définir, Emily Ruskovich dans cette tragédie familiale, parcours à travers ce couple, la souffrance de la mort d'un enfant.
Mais ce roman parle aussi d'amour avec Ann, cette jeune femme, professeur de musique, ce lien unissant le passé, le présent et l'avenir, Ann deviendra la future femme de Wade, puis réveiller en lui sa vie qui s'échappe, comme celle passé de son père et son grand-père atteint de ce même mal, cette sénilité les ayant tués à l'âge de cinquante ans, Ann soutiendra son époux dans la maladie subissant ces accès de violences, ces moments de perte de contrôle ou le corps de Ann se retrouve sous l'emprise de cet homme perdu, sa main la plaquant au sol, contre la télé, sur les lames de couteaux joncés sur le sol, lui entaillant les lèvres. Cette dévotion l'accompagnera jusqu'à sa mort, dans un hôpital, ne pouvant vivre sa maladie dans cette montagne trop hostile, loin de sa nature, de ses chiens, loin de la demeure sans vie de ces oublies. Il y a aussi cette douceur dans l'amour de May pour sa grande soeur, ce sentiment qui l'aspire dans son être, son odeur la pénétrant, cette jalousie aussi de voir son ainée devenir moins enfant et être une jeune demoiselle plus solitaire, ne partageant plus leur jeu de poupée, où s'oppose deux June, l'ancienne et la nouvelle, l'une joueuse , l'autre secrète et plus sereine, mais reste cet amour de soeurs, leur ballade dans les bois, leur jeu, les baignades dans leur bidons respectifs, ce lien brisé lors de la mort de May et cette disparition de Jude, comme si elle pourrait aussi, disparu de toute vie de cette tragédie, aspirée dans le humus de cette terre, le flot de la rivière, les secrets de cette montagne, jadis sans nom.
Il y a aussi, dans le souvenir d'Ann, ceux des autres, de la tragédie, Emily Ruskovich traverse le récit de l'intrigue par le choix des émotions d'Ann, elle s'imagine les scènes, les situations, les émotions, elle est comme une intemporalité, une distorsion du temps, puis Ann devient la guide pour Wade et Jenny, l'un dans sa maladie, l'autre pour sa réinsertion dans le monde actuel . Il y a dans la sensibilité d'Ann une charité coupable, une forme de remords d'avoir charmer Wade, alors qu'il était encore marié, époux de Jenny et père de ses deux filles. La rencontre entre Wade et Ann scellera sans le vouloir le destin de tous ses personnages, une petite musique unissant ces deux êtres, une romance muette débutera, Wade somnambule de cette mélopée fredonnée à tout moment, petit refrain repris par sa fille May, scène imaginée par Ann, remords du coup foudre avec Wade.
Il y a une richesse incroyable dans ce roman, comme un puzzle, les chapitres alimentent le fleuve de la trame, au gré du temps, la soumission de Jenny face à son acte indescriptible, le dureté de sa culpabilité, de son choix de la peine de mort de son isolement durant un temps sans fin, puis de la rédemption grâce à une prisonnière Elizabeth, plus jeune, à perpétuité pouvoir tuer son petit ami et son voisin, cette femme au caractère fluctuant, sera son ange gardien, une amitié nouvelle pour aspirer Jenny vers une liberté.
Ce roman est une belle peinture, les couleurs magnétisent la passion des personnages, pour les faire vivre en dehors du roman comme une continuité sans fin, tel un refrain en écho fredonnant la prose hypnotique de cette magicienne des mots.
Commenter  J’apprécie          201



Ont apprécié cette critique (15)voir plus




{* *}