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Critique de colimasson


Rutebeuf vivait au 13e siècle. C'est loin, oui, mais finalement, on verra que rien ne change vraiment avec les siècles. A cette époque, la société française connaît une mutation lente mais décisive qui se traduit dans les faits par la multiplication des nouveaux ordres religieux et l'identification du nouvel ennemi de l'Eglise : le philosophe. Dans le domaine culturel, la littérature de chevalerie et de croisade est peu à peu délaissée pour la littérature courtoise, qui remue les tripes de l'ami Rutebeuf jusqu'au dégoût.


Pauvre petit Rutebeuf : il déplore l'effondrement des valeurs positives de la société féodale et en bon conservateur, il défend le statut quo universitaire contre les moines mendiants, harangue les foules pour partir à nouveau en croisade, se complait dans les genres de l'hagiographie et du fabliau et et se lamente sur le pourrissement de l'ordre de la chevalerie. du blanc on vire au noir et entre les deux, Rutebeuf décrit la grisaille intermédiaire de son quotidien :


« Dans le monde d'autrefois, on vivait selon la foi chrétienne ; aujourd'hui, le mal a terrassé et vaincu le bien, au point que l'échelle des valeurs est renversée […]. »


Comme d'autres avant lui et comme d'autres après lui, Rutebeuf rêve d'un monde immuable où les choses acquises une fois le sont pour toujours. Rutebeuf est un pauvre petit gars qui n'accepte pas de voir que le monde change autour de lui. En brave pessimiste, il assimile le changement à la ruine, et déplore la voie pervertie sur laquelle s'engage son siècle, hurlant bien sûr que c'était terriblement mieux avant. Ainsi et bien malgré lui, en pleurant sur les ruines d'un ancien monde adoré, exposant son corps torturé à la vue des idoles du nouveau siècle, tristement mortel et répandant les derniers lambeaux épargnés de sa peau, Rutebeuf annonce le tournant matérialiste de l'avenir. Tel est pris qui croyait prendre.
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