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Critique de MarcelineBodier


Coup de poker est le deuxième livre de Leo Rutra que je lis, après Saint Louis de Gonzague, dont j'ai écrit une chronique pour Babelio et qui figure dans ma liste "Suspense à l'envers". Voilà décidément un auteur auto-édité à suivre et qui me paraît promis à un grand avenir... Coup de poker est réellement un livre magistral. Il nous prend insidieusement : il procède par étapes, partant d'une vie de famille tranquille, s'attachant au père qui joue au poker en ligne, puis a l'occasion de se rendre à un tournoi, puis... les étapes sont franchies, on lit de plus en plus vite pour savoir comment le personnage va se tirer d'un premier mauvais pas, puis d'un deuxième, on se remet en tête des histoires d'engrenage déjà croisées dans d'autres livres ou dans des films, et le temps que tout cela s'installe, on ne peut plus se décoller du livre, on est pris dans ses filets et on n'a qu'une envie, dévorer la fin pour savoir. Engrenage pour le personnage, engrenage pour le lecteur : et c'est alors que l'histoire bascule dans le cauchemar... mais c'est trop tard : non seulement on ne lâche pas le livre, mais on finit même par accueillir le cauchemar final avec soulagement. Vous ne me croyez pas ? Je ne l'aurais pas non plus cru avant de le lire ; et c'est pourtant exactement ce qui se produit.

La lecture de ce livre magistral est donc une expérience très dérangeante... et je me doute qu'en écrivant cela, je vais peut-être faire fuir une partie des lecteurs. Et pourquoi pas : aucun livre n'est censé faire envie à tout le monde. Mais je me doute aussi que d'autres vont être puissamment attirés : et ils ne seront pas déçus... Et à tous, j'ajoute que le cauchemar auquel aboutit ce livre est déjà apparu dans un célèbre film américain (je n'en dis pas plus). Mais à l'inverse du film, qui assène fugitivement quelques images et laisse le spectateur (mal) se débrouiller avec le choc qu'elles représentent, le livre, lui, prend le temps d'amener le lecteur à entrer petit à petit dans la peau du personnage. Or, passer nos pires cauchemars dans le filtre des mots, pour qu'ils soient bien identifiés comme un objet littéraire qui ne doit pas se confondre avec la réalité, c'est l'exacte application de ce terme grec si galvaudé : la catharsis. Oui, Coup de poker fait oeuvre de catharsis : nous amener à ressentir l'horreur dans une fiction, mettre des mots dessus, pour que nous en épuisions le pouvoir vénéneux une bonne fois pour toutes et ne la craignions pas dans la réalité. D'après les Grecs anciens, c'était pour cela que les fictions existaient... et d'après la psychanalyse, c'est grâce à la catharsis que l'on peut sublimer ses pulsions. Alors, oserez-vous tenter l'expérience ?
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