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Critique de cprevost


Ernesto Sabato vous prend dans ses rets et bien malin celui qui peut dire de quoi sont faites les mailles du filet. L'envoutante, la mystérieuse, la contradictoire histoire de « Héros et tombes » ne justifie pas à elle seule l'enthousiasme ressenti à la lecture de ce livre. le roman est aussi le syncopé, multiple, poétique dévoilement de la secrète et phobique sensibilité sud-américaine.


La naissance sanglante et fratricide de la jeune nation argentine, la persistance des douleurs et des contractions post accouchement, sous la forme incessante de la domination militaire, constituent les arrière-fonds du roman. le temps historique d'un passé récent a marqué durablement les personnages, ils sont pour la plus part frappés de démesure et de folie. le présent du roman quant à lui est celui du populisme péroniste et des prolégomènes des dictatures sanglantes des années soixante-dix.

Dans ces pages, il est éminemment question de Buenos Aires, la ville fourmillante, multiple qui entoure, qui cerne, qui s'insinue. Les héros vagabondent, se débattent dans un décor proliférant, tentaculaire. Nous sommes aux prises avec leurs passions, leurs envoutements, leurs perversions, leurs fantasmes. le roman est un véritable traité des sentiments. Fernando fou, paranoïaque hait incompréhensivement les aveugles et hante, conscient et inconscient, les sous-sols, les caves. Alejandra, dernier rejeton d'une lignée d'aliénés et de héros, se joue du jeune Martin. Au gré d'errance urbaine, elle retrouve, repousse son improbable amant. L'auteur relie l'inconscient au monde extérieur, les cauchemars à notre réalité, le passé et le présent, la passion, la trahison et l'abjection.


Le roman d'Ernesto Sabato communique une émotion qui n'est pas réductible aux seuls sens ou au message délivré. L'auteur propose dans « Héros et tombes » une véritable poétique de l'art du roman. Paul Eluard écrivait : « le poète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré. » Ce grand livre nous ouvre à la sensibilité argentine, à ses mythes, à ses fascinations, il nous fait entendre les battements de coeur de sa capitale.
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