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Critique de jg69


COUP DE COEUR

"Voilà le plus terrifiant : rencontrer dans l'obscurité ce qui vous constitue."

" Je tenais mon sujet. Un groupe de jeunes gens assassinent un père de famille pour des raisons idéologiques. J'allais écrire un truc facile et spectaculaire, rien n'était plus éloigné de moi que cette histoire-là. Je le croyais vraiment.

Je ne savais pas encore que les années Action directe étaient faites de tout ce qui me constitue : le silence, le secret et l'écho de la violence."

En se lançant dans un roman - enquête sur Action directe, Monica Sabolo n'avait pas prévu que la vie clandestine des membres d'Action directe la renverrait à la vie clandestine de son père et surtout à la sienne. Elle est issue d'une famille compliquée, "je viens d'un lieu de ténèbres." Une mère absente "rongée par un mal sans nom", un père diplomate parisien installé à Genève pour travailler dans une agence des Nations unies. Ce père, Yves S., qui n'est pas son père biologique, évolue dans un milieu bien occulte. Elle ignore dans quelles affaires louches son père, qu'elle nomme la plupart du temps "Yves S." a trempé en particulier en Afrique avant de disparaître du jour au lendemain.

Monica se décrit seule dans un univers parallèle "j'ai passé la majeure partie de ma vie ailleurs, dans un espace blanc reculé."

Le roman est une enquête très fouillée sur Action directe doublée d'une enquête sur sa propre vie. Monica Sabolo lève le voile sur son âme tourmentée, elle qui dit s'être toujours cachée derrière un sourire de façade. " Comment vivre en ayant commis ou subi l'irréparable ? Est-on responsable des fautes qu'on n'a pas commises ?" L'enquête sur les membres d'Action directe, entièrement dévoués à la cause, prêts à tout sacrifier pour le collectif, repose sur une documentation très solide, livres de Jean Marc Rouillan, journaux et documentaires de l'époque, mais aussi sur des rencontres récentes de l'auteure avec des membres du groupe encore en vie, en particulier Hellyette Bess et Claude, anciens d'Action directe et surtout Nathalie Ménigon, condamnée pour le meurtre de Georges Besse en novembre 1986. Monica Sabolo a tenu à s'approcher au plus près d'eux et de leur mystère, elle finit par les voir comme des combattants révolutionnaires et non comme des terroristes, un glissement dans le vocabulaire qui renvoie à de multiples glissements évoqués dans ce roman.
Elle développe une réflexion profonde sur Action directe, s'interroge sur l'absence de remise en question, de regrets, de culpabilité ou même d'émotion des militants. Ce qui la renvoie à sa propre histoire, à ce père dont elle sait si peu de choses, à ce voile qu'elle a jeté sur ses souvenirs, à sa propre vie clandestine quand elle a effacé de sa mémoire les actes que son père a commis, une vie clandestine dans laquelle, bloc de colère, elle serre les poings et sourit. Maintenir les apparences et rester dans le rôle de la personne transparente et agréable.
Ce sujet de roman sur Action directe qu'elle pensait si éloigné d'elle, si peu dangereux pour elle, la confronte à sa propre histoire. Elle se livre alors à une introspection très poussée sur son passé. C'est ce lien et cette démarche qui font toute la particularité et la grandeur de ce roman.
Un roman qui éclaire ses précédents romans, ses obsessions. Un roman intelligent, riche en réflexions philosophiques. Un roman où elle fait preuve de pudeur pour évoquer l'indicible, un roman qui lui permet de passer du chagrin, du secret et de la honte à la possibilité de pardon. Un roman aux grandes qualités littéraires, d'une intensité et d'une ampleur remarquables, d'une émouvante sincérité. Une plume de toute beauté. Un des grands romans de la rentrée !


Lien : https://leslivresdejoelle.bl..
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