Citations sur La Vie clandestine (146)
Jean-Marc Rouillan cite Aragon dans l’un de ses textes :
« Toute mémoire est une eau trouble
Que voulez-vous que l’on y voie.
Si lentement que l’on si noie… »
J’ignore si ces jeunes gens sont romantiques ou dangereux, rêveurs ou fous, à côté de la plaque ou au cœur du réel. Je ne sais d’où provient la violence, d’eux ou du système, je ne sais s’ils sont des résistants, des aventuriers, des Pieds Nickelés, ou des gangsters. Peut-être sont-ils tout cela à la fois, peut-être rien de tout cela. Mais ce qui m’apparaît, et m’est étrangement familier, c’est le glissement. Cette ombre qui se déplace, de manière imperceptible, et les conduit dans un lieu solitaire, de plus en plus loin des autres, et d’eux-mêmes. Un mouvement qui les emporte à travers le temps et l’espace à la façon du courant d’une rivière, tandis que l’ombre les recouvre. Et soudain, ils sont là, plongés dans l’obscurité, et ils s’apprêtent à commettre l’irréparable.
"Mais ces mots aussi sont une valise, une boîte noire, ils sont faits de plastique, compacts et verrouillés. La vérité est à l'intérieur, hors de portée. Mes souvenirs, eux, , sont un château de sable assailli par les vagues d'un océan froid dont la surface change de couleur avec la lumière et les saisons."
"_Comment le saviez-cous ?
_Pardon ?
_Comment sait-on que c'est la vraie vie ?
Il marque un temps. J'entends son souffle, et le mien. Il reprend, en baissant d'un ton, comme si nous partagions un secret. Deux inconnus ayant soudan pris conscience qu'ils ont les mêmes tourments, qu'ils sont habités par les mêmes questions dont ils ne parlent à personne.
_Ah, mais on ne le sait pas. On le comprend ensuite, quand ce n'est plus le cas. Sur le moment, on ne se rend compte de rien."
"Nous nous racontons une histoire, puis nous la réécrivons, au fil du temps. Ce spectre fantasque s'appelle la mémoire. Le souvenir est un organisme vivant, un corps autonome, qui s'auto-génère. Personne ne ment, le spectre a juste pris la main."
"On ne peut pas tout expliquer, non, mais face au désespoir, demeure la possibilité d'une échappée, une vie clandestine, née d'un court-circuit."
"L'histoire s'insinue en nous, et peut-être aussi dans les espaces, surtout ceux qui sont clos : ils conservent la vibration des corps, et la renvoient, légèrement modifiée."
« Toute mémoire est une eau trouble .
que voulez- vous que l’on y voie .
Si lentement que l’on s’y noie….. »
1ères pages d’ INFINITIF PRÉSENT, vers d’ARAGON .
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"La clandestinité n'est pas aussi romantique qu'on pourrait le croire : on imagine une vie trépidante, loin de la cité et des institutions, un lieu sauvage que l'on habiterait tel un bois, comme le font les amants, les druides et les poètes. En réalité, ce n'est pas l'expérience de la liberté mais celle de l'entrave. Elle ne permet pas d'échapper à la légalité, elle condamne à l'illégalité."
"Il arrive que l'univers nous envoie des signes. Nous pressentons que celui-ci veut nous dire quelque chose, mais le message est brouillé. Nous sommes aux aguets, en proie à une culpabilité inquiète, et nous ne comprenons pas l'essentiel : ce n'est pas l'univers qui s'adresse à nous, mais une part mystérieuse de nous-mêmes qui s'adresse à lui. Il ne nous interpelle pas, il nous répond."