L'éclat du soleil est tel que tout paraît flotter dans un halo de poussière étincelant, à croire que cette petite poche de temps qui a l'air de vivre à la cadence du tic-tac de l'horloge a été suspendue plusieurs décennies auparavant et que les aiguilles qui avancent sur le cadran ne sont qu'une illusion, comptant et recomptant toujours les mêmes heures.
Ce n'est pas la neige qui l'aveuglait, en fin de compte, mais le grand âge, le temps étendant son voile sur le monde.
Les secrets ont parfois une telle patience qu'ils attendent un siècle avant d'être révélés, ils semblent assez robustes pour qu'on construise dessus, "ils résisteront", se dit-on. Mais quelque part un instinct animal nous souffle qu'un jour ils se trahiront.
"La manière dont un homme se tient dans une pièce où il se sait seul est révélatrice"
Quand j'étais petite, mon visage était lisse, et les rides étaient réservées aux vieilles personnes. Le maquillage conjuguait le rose vif et un violet vulgaire, et de toute façon il était interdit. "Fard à joues" était un mot qui me faisait rêver. A présent je me donne beaucoup de mal pour obtenir un maquillage dit naturel, alors qu'il n'y a rien de moins naturel et de plus injuste que de vieillir.
Dans cette dimension où tout peut arriver, même les choses les plus improbables et les plus brèves, où le vaste désert de glace produit de fausses montagnes que les hommes relèvent sur des cartes qui tromperont ceux qui viendront après eux, où les soleils et les astres bourgeonnent et transpercent le ciel d'épées de lumière, où des banquets surgissent au milieu de plaines arides interminables, les cauchemars insidieux d'Edward le quittaient rarement, découpant leurs couleurs vives contre la terre vaine et blanche de ses nuits.
La tente était à moitié enfouie sous une congère, incrustée dans le nouveau monde étincelant qui leur était tombé du ciel, tel un blanc paradis au premier jour de la Création, sous un firmament d'un bleu inespéré.
"On n'édifie rien de stable sur la neige."
Non, il ne pensera pas à elle, dans cette maison où la poussière tourbillonne comme des flocons de neige dans les coins jusqu'à l'ensevelir sous le givre comme toutes les autres reliques, vivant souvenir de la première fois qu'il s'est couché auprès d'elle ; cette quête sans fin, cette quête d'elle chaque fois depuis, tandis qu'elle s'éloigne de lui et qu'il la regarde au loin et attend qu'elle se dissipe...
- C'est agréable d'avoir de l'espace. C'est une drôle de maison, je l'avoue. Bourrée de trucs incongrus, pleine de coins et de recoins, d'alcôves, de niches... des coins surtout. Trop de petits espaces exigus et rien que de grands espaces inutiles.