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Critique de takecare


Librement inspiré de faits réels, ce roman aborde la seconde guerre mondiale sous un angle rarement mis en lumière, celui des juifs collaborateurs, des juifs "chasseurs de juifs". Un sujet délicat et douloureux car il fait voler en éclat l'image que nous avons de cette période, l'image d'un peuple juif opprimé mais uni devant la folie nazie.


Vera Kaplan est une jeune fille juive dans le Berlin de 1943. Comme nombre de ses semblables, ses parents et elle seront arrêtés puis emprisonnés dans l'attente de leur déportation. Un officier de la Gestapo va alors lui offrir la possibilité de retarder au maximum leur départ pour les camps. En échange elle devra collaborer: chercher les juifs cachés dans la ville, obtenir leur confiance pour finalement les dénoncer.


Le roman se divise globalement en deux parties. la première est une lettre, écrite cinquante ans plus tard, dans laquelle Vera Kaplan explique entre autre les raisons pour lesquelles elle a collaboré. Malgré quelques longueurs et un léger sentiment de redite, ce chapitre nous imprègne de l'atmosphère du roman. J'ai d'ailleurs ressenti un certain malais à le lire, principalement parce que les arguments de Vera Kaplan sont discutables, décrivant les autres juifs comme étant des lâches responsables de leur mort ("ce furent eux, les véritables complices, ce furent eux qui par leur passivité criminelle collaborèrent avec leurs assassins"). Mais je pense que cette gêne est voulue par l'auteur, pour brusquer le lecteur, l'amener à réfléchir sur ce qu'il aurait fait en pareil cas. Peut-on juger Vera Kaplan comme les tribunaux l'ont fait ? de ce point de vue, c'est une lecture qui fait du bien.


La seconde partie est le journal de Vera Kaplan, constitué au fil de ces terribles journées. On assiste à son arrivée en prison puis à son embrigadement forcé. D'abord répugnée par ses actes et par elle-même, elle reprendra peu à peu le dessus pour faire disparaitre tout sentiment dans le seul but de sauver ses proches. Cette seconde partie est très intéressante et bien construite. On voit bien l'évolution du personnage au fil du temps, sa rage de vivre qui ne faiblit pas, l'espoir toujours vivant malgré l'horreur de la situation.


A travers les écrits du personnage éponyme, l'auteur lui laisse la parole. Il ne prend pas partie, il ne juge pas, il laisse Vera Kaplan se justifier elle-même. Cette objectivité permet d'éviter le jugement ou la compassion et invite le lecteur à la réflexion. Qu'aurions-nous fait à sa place? Peut-on dire avec certitude : « mon honneur serait passé avant ma famille » ? Nous serions-nous sacrifiés pour retarder quelques morts somme toute inéluctables ? Difficile d'en être pleinement certain.


Un livre au sujet fort et bien écrit. Je remercie Babelio et les éditions Buchet-Chastel pour m'avoir permis de le découvrir.
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