AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,04

sur 91 notes
5
14 avis
4
24 avis
3
8 avis
2
0 avis
1
0 avis
Ce court roman sans complaisance conte le témoignage inspiré de l'histoire vraie d'une jeune juive allemande dont le petit - fils , qui vit à Montréal, apprend par courrier le suicide d'une grand- mère dont jusque là il ignorait l'existence .....
Ce courrier est accompagné de l'ultime récit de la défunte et d'un terrifiant manuscrit , son journal de guerre où elle fait l'aveu impensable : la dénonciation d'autres juifs par centaines, aidée par son amant Karl.
Vendre les siens pour se sauver elle , mais surtout ses parents.
L'auteur utilise ce cahier intime pour nous donner à comprendre les choix de Vera Kaplan .
Il interroge avec force sur la Trahison à l'aide d'une écriture dynamique et juste, fluide et sensible, douce et sans pathos.
Le lecteur est emporté, attentif, heurté, questionneur, bousculé et horrifié : compassion, compréhension, dégoût, stupeur, haine ?
Cette Vera est ambivalente et fascinante.
Elle devient la "victime" monstrueuse et cruelle de sa pulsion de vie Inhumaine .....
Trahir et dénoncer les siens ?
Trahir la confiance de ceux dont le seul crime était de lui ressembler ?
Elle est coupable d'avoir voulu vivre, c'est une héroïne malgré elle, marquée du sceau de l'infamie, grâce oú à cause d'un instinct de survie dévorant et féroce.

Vivre , vivre à tout prix quoiqu'il en coûte tout en se rendant compte, dans le catafalque de sa mémoire meurtrie et douloureuse qu'elle allait à l'encontre du sens commun !
La seule question qui vaille : Comment se comporte l'être humain en situation exceptionnelle, désespérée ?
À une époque extraordinaire ?
Difficile de répondre!!!

Comment aurions nous fait ? Nous ?
Un récit particulier, sombre, poignant , déchirant et lumineux (en partie à cause de la réaction mesurée et digne du petit- fils ) car nous ne sommes ni dans le martyr, ni la victimisation, ni la bien pensance .
Commenter  J’apprécie          510
J'aime lire les articles de Laurent Sagalovitsch dans Slate. Il était temps d'ouvrir un de ses romans. Autant commencer par celui qui se déroule durant la seconde guerre mondiale, et qui s'inspire de la vie de Stella Goldschlag, alias « le Grappin », une juive allemande qui collabora avec la Gestapo pour traquer les juifs cachés dans la ville de Berlin. On estime qu'elle provoqua l'arrestation d'environ 600 à 3 000 personnes .Capturée par les Russes en 1945, Stella Goldschlag passa dix années dans les camps soviétiques.

Laurent Sagalovitsch imagine ce que furent ses pensées et ses sentiments à travers des lettres et un journal intime, une sorte de testament qui n'est plus vraiment celui de Stella Goldschlag -ce n'est pas une biographie- mais celui d'un double qui devient Vera Kaplan.
Portrait dérangeant d'une femme dépeinte dans toute son ambivalence, le roman questionne aussi le lecteur. Que sommes-nous prêts à faire pour survivre et sauver les gens que l'on aime? Vera Kaplan n'est pas une femme prête à tout par cupidité, mue par l'appât du gain, comme les membres du Groupe 13 par exemple. Elle accepte de trahir pour éviter la déportation à ses parents, puis pour sauver sa vie. Sagalovitsch illustre bien ses atermoiements, la peur, les scrupules, le cynisme, l'indifférence, les remords et les doutes, qui s'emparent d'elle de manière cyclique. Peu lui importe si elle eut la vie sauve en servant d'appât pour une partie de chasse géante dans les rues de Berlin. Vera Kaplan possèdait une fureur de vivre exacerbée par l'époque, pour laquelle elle paya le prix fort, puisque les siens connurent le même sort que les autres.
Laurent Sagalovitsch montre aussi à quel point elle ne fut pour la Gestapo qu'un instrument destiné à faire grossir les listes de prisonniers lors des grandes déportations de juifs berlinois vers les camps d'extermination. « Les destins extraordinaires sont le fait d'époques extraordinaires. Si celui de ma grand-mère l'a été, c'est qu'elle a vécu à une époque extraordinaire. (…) Née à une autre époque, à une toute autre époque, son existence se serait écoulée dans la banalité d'une vie normale- mais elle est née à Berlin en 1922. »
Commenter  J’apprécie          498
L'avantage des récits sur la Seconde Guerre mondiale est que l'auteur est quasi-sûr de trouver un public. Et d'avoir des tas de trucs à raconter tant la période est riche. L'inconvénient reste que la probabilité de finir noyé dans une masse grouillante de congénères est plus qu'envisageable.
Pour laisser une chance à son récit de garder la tête hors de l'eau, Laurent Sagalovitsch opte donc pour un angle peu exploité. Car l'originalité ça paye parait-il. La trame de fond sera la dénonciation de juifs par d'autres juifs, en la personne de Vera Kaplan (inspirée de Stella Goldschtag. Un petit tour sur la page Wiki permet d'avoir un aperçu de la dame).
Première impression : bouh c'est moche ça. Sauf que t'étais pas là-bas Yass, alors tais toi et lis. Car Vera justifie le pourquoi de ce choix. Ou non-choix. Au choix.

Deux parties permettent de comprendre les motivations de cette jeune femme juive manipulée par ces foutus nazis.
La première moitié du roman, longue lettre d'adieu de Vera Kaplan avant son suicide m'a vite lassée. Trop long pour une mise en bouche, rien d'attrayant et pas mal de redites. Mon coeur est resté aussi froid qu'une pierre tombale, aucune émotion à l'horizon. Mais je suis difficile, c'est maman qui l'a dit. Donc nichts. Et que je te tourne autour du pot sans même filer un croûton à mâchouiller à bibi qui trépigne de fourrer son nez dans le fichu pot justement! Mais quand débute enfin le journal de guerre écrit par la même Vera quelques cinquante ans plus tôt, enfin, on peut s'attacher à ce personnage. Bon, s'attacher j'y vais un peu fort. Mais tenter de comprendre ce qui pousse à collaborer avec l'ennemi abhorré pour éviter de méjuger serait plus juste. Ne surtout pas juger. Ne pas juger car on ignore ce que l'on aurait fait à sa place, nous autres pauvres lecteurs avachis au fond du canap', le gras sur les os, et sans une bombe qui tombe dans le jardin ou sur nos vaches bien grasses, qu'on devrait donc bientôt retrouver entre deux frites chez le bon vieux Ronald. Ne pas juger donc. Même si t'en as un peu envie quand même sur ce coup là... La seule faute aux coucheries de la Vera qui ne me l'ont pas rendue sympathique.

Somme toute, Vera Kaplan reste une histoire de vie hors normes qui mérite d'être lue sans laisser toutefois un souvenir impérissable. Et si la parole est largement dominée par l'intéressée, je retiendrais davantage les quelques trois quatre pages consacrées au regard du petit-fils, sage et recueilli. Notamment le dernier paragraphe. Conclusion imparable et redoutable de vérité.

(Merci à Babelio et aux éditions Buchet-Chastel pour cet envoi)
Commenter  J’apprécie          460
L'histoire de Vera Kaplan, c'est celle véridique de Stella Goldsclag, une jeune juive berlinoise qui, pour sauver ses parents de la mort, collabore avec les nazis en dénonçant d'autres juifs.
Pour raconter cette histoire, l'auteur imagine un journal intime et une lettre que Vera, à la veille de son suicide, à 72 ans, envoie à sa fille en Israël.
Or, sa fille, qui lui fut retirée enfant et qu'elle n'a jamais revue, est aujourd'hui décédée. C'est le petit fils qui reçoit donc toutes ces informations qui vont bouleverser la vision qu'il a de sa famille dont il ne savait rien.
Elle est très ambivalente, Vera, fascinante aussi. Sa pulsion de vie qui aurait pu être un atout en temps de paix devient vite monstrueuse en temps de guerre.
On la comprend sans l'excuser.
Comment se comporte l'être humain en situation désespérée ? Comment aurions-nous fait ? C'est toute la question que pose ce livre.
Laurent Sagalovitsch a bien su mettre en scène la vie de Vera, en utilisant cette lettre et ce journal intime. Seule semble romancée l'intervention du petit fils.
Un extrait qui résume bien sa vie :
« Née à Berlin en 1922.
Dès le départ elle n'avait aucune chance pour que son histoire finisse bien »
Commenter  J’apprécie          272
1998. Quatre ans après la mort de sa mère, une femme, seule, solitaire et malheureuse, un homme apprend la mort de sa grand-mère, Vera Kaplan, dont il ignorait tout. Sa mère, née en 1945 à Berlin, juive, ne l'avait pas revue depuis 1946...Il reçoit un héritage, une longue lettre, un journal intime datant de la seconde guerre mondiale. Dans la lettre et le journal, des réponses à la vie ratée de sa mère, à sa douleur et à sa solitude. La grand-mère, pendant la seconde guerre mondiale, a été une chasseuse de Juifs, une Juive dénonciatrice de Juifs. Elle l'a fait pour sauver la vie de ses parents, puis la sienne. A la fin de la guerre, elle a été jugée et condamnée à 10 ans de prison, et séparée pour toujours de sa petite fille, qui fut adoptée en Israël. (Jugée et condamnée par une cour allemande, avec des magistrats allemands, en 1946, ça vaut son pesant de cacahuètes, quand même...Que faisaient-ils deux ans plus tôt, ces gentils messieurs ? )
Je ne me sens pas du tout à l'aise avec ce roman, inspirée de la vie d'une certaine Stella Goldschlag. Cependant je pense que c'est parfaitement normal, et que c'est l'ambition de l'auteur. La jeune fille se trouve poussée, par la perversité extrême du système, à détruire de ses propres mains son humanité et son respect d'autrui et d'elle-même. C'est le même principe que les sonderkommandos dans les camps d'extermination, ces prisonniers juifs chargés de pousser les leurs dans les chambres à gaz, puis dans les crématoires, en échange de la vie sauve et d'un traitement correct pendant trois mois...Il n'y a pas à juger (même si on peut quand même féliciter la nature humaine que très peu de gens aient fait le choix de cette Vera hum hum hum), juste à observer le mal et ses rouages monstrueux, et comment, finalement, il a tout détruit autour de lui.
Les trois étoiles, c'est parce que l'auteur met du temps à entrer dans le vif du sujet (qui doit être dur à traiter). La première partie est composée de la lettre d'adieu de Vera à sa fille, cinquante ans après les faits, juste avant son suicide. Elle est longue et répétitive, car l'épistolière tente de se justifier mais ne raconte rien, les faits étant dans le journal, qui constitue la seconde partie du roman, vraiment plus intéressante.
Bref, une observation du mal à l'oeil nu, qui pousse le vice jusqu'à faire de ses victimes des bourreaux. Et un sentiment d'inachevé. L'auteur aurait pu aller plus loin, notamment avec les deux personnages du narrateur et de sa mère, dont on ne sait finalement que beaucoup trop peu de choses.
Commenter  J’apprécie          262
On connait la plume de Laurent Sagalovitsch, notamment parce qu'il a été critique littéraire à Libération, aux Inrockuptibles, à L'Évènement du jeudi. et anime depuis juillet 2011 un blog mordant et percutant sur l'actualité, plutôt politique et qu'on peut trouver sur slate.fr : You will never hate alone.

Mais Sagalovitsch est aussi un romancier réputé, dont les romans sont souvent traversés par la question de la judaicité, ce que son dernier roman, Vera Kaplan, paru dans le cadre de la rentrée littéraire de 2016 illustre de façon édifiante.

En effet, dans ce récit inspiré du destin de Stella Goldschlag, Laurent Sagalovitsch s'empare sans complaisance du destin d'une réprouvée pour faire le portrait d'une victime devenue monstre, chez qui la pulsion de vie s'est montrée plus forte que la conscience.

Un roman dur et terrible qui décortique comment on peu devenir un monstre..en 150 pages. et un éclairage sur une partie de l'histoire assez peu connue avec ces juifs qui ont collaboré avec les nazis pendant la 2ème guerre. mondiale pour sauver leurs peaux..

Une lecture assez éprouvant qui fait un peu penser au dilemme “du choix de Sophie” même si le destin est différente.

L'histoire : elle est simple et cruelle en même temps :un jeune homme de trente ans, dont la mère est morte depuis peu, reçoit un colis en provenance d'Allemagne. Des cahiers d'écolier remplis d'une écriture fines et la lettre d'un notaire. .Il est l'héritier de sa grand-mère dont il n'a jamais connu l'existence. le jeune homme va se plonger dans son histoire familiale et rentrer dans la peau d'un monstre.

Un livre coup de poing, un témoignage terrible sur la condition des juifs qui se terrent à Berlin pendant la deuxième guerre mondiale. Toute l'horreur des hommes et des femmes devenus bourreaux et victimes dans ce journal écrit à la première personne. Un témoignage librement inspiré par le destin véritable de Stella Goldschlag qui pour sauver ses parents et sa propre vie dénonça d'autres Juifs par centaines.

Vera Kaplan a eu un destin extraordinaire parce qu'elle a traversé une époque extraordinaire, l'auteur explique mais n'excuse pas.

La plume de Laurent Sagalovisch est sèche et terriblement efficace, impossible de lâcher ce court récit.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          180
Je remercie tout d'abord Babelio et la maison d'éditions Buchet Chastel de m'avoir donné l'occasion de lire en avant-première ce roman avant sa sortie, sur le destin particulier d'une femme pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Le 2 mai 1998, une vieille dame se suicide après une existence tumultueuse dont sa famille n'a rien su. Elle écrit une lettre à sa fille décédée depuis quelques années, mais c'est son petit-fils qui va lire sa confession. Durant la Seconde Guerre Mondiale, la grand-mère Vera Kaplan a aidé la Gestapo en livrant des juifs pour sauver sa vie et celle de ses parents. Prête à tout pour sa survie et prouver qu'elle était plus forte que les Nazis, elle ne comprenait pas la soumission que les Juifs affichaient devant le sort que leur faisaient subir les nazis. Comment peut-on vivre le reste de sa vie avec ce sentiment de honte pour avoir livré des semblables ? La guerre finie, pourra t'elle retrouver son existence d'avant ?
J'ai été assez décontenancée par ce roman de 150 pages, mes ressentis ont été variés pendant ma lecture. J'ai trouvé la première partie, celle où le personnage principal féminin nous parle de son intention d'en finir avec la vie, longue et assez floue, mon attention commençait à faiblir petit à petit. Ensuite, nous avons une deuxième courte partie où le narrateur raconte l'arrivée de la lettre, puis enfin, à la moitié du livre, nous avons la confession de Vera, le coeur du récit. C'est vraiment LA partie intéressante du livre. Ce roman pose la question de la collaboration : doit-on condamner quelqu'un qui a aidé l'ennemi pour sauver sa vie ? Qu'aurions-nous fait à sa place ? Par contre, j'ai été très dérangée par les prises de position adoptées par Vera qui justifie le massacre de son peuple car pour elle, ils se sont laissés faire, ont été soumis, de même que par toutes les allusions au sexe dont le personnage principal est friand durant cette période de sa vie et dont elle parle crûment alors qu'autour d'elle, la mort est partout.
Je ne connaissais pas Stella Goldschlag qui a inspiré ce livre. Cet aspect de la Seconde Guerre Mondiale sur les "chasseurs de Juifs" est peu abordé en littérature, cette originalité est intéressante et aborde une autre facette du nazisme.
Commenter  J’apprécie          140
Merci aux éditions Buchet-Chastel de m'avoir adressé le roman de Laurent Sagalovitsch, Vera Kaplan, dans le cadre d'une opération masse critique, Babelio.

Vera Kaplan, comme le lui a affirmé son avocat la veille de son procès, n'était-elle «...qu'une enfant, une malheureuse enfant prise au piège de l'Histoire.» ?
C'est la question à laquelle le livre de Laurent Sagalovitsch essaye de répondre.
Le narrateur est le petit fils de Vera Kaplan. Il apprend l'existence de cette grand-mère qu'on lui avait caché, en décembre 1998. Sa mère, Paula, la fille de Vera, est décédée depuis trois ans.
Il se retrouve seul avec la lettre de von Herr Kraus, notaire à Wiesbaden qui lui adresse le cahier et les carnets rédigés par Vera Kaplan et l'informe à la fois de l'existence et du suicide de la vieille dame.
Héritage insoutenable. Héritage inavouable. Héritage quand même.
Vera Kaplan était juive à Berlin aux pires heures de l'Allemagne nazie. Elle était une victime désignée. Mais, contrairement à d'autres, elle a « cru que sa destinée était de vivre.»
Elle a refusé le rôle de victime et, ce faisant, a endossé l'habit du bourreau.
Laurent Sagalovitsch s'est inspiré de la véritable histoire de Stella Golschlag pour écrire Vera Kaplan.
Il a eu la riche idée de faire parler le petit fils de Vera Kaplan. Un personnage à la fois proche et lointain. Proche par sa propre mère, Paula, dont il comprend mieux, en découvrant l'existence et le passé de Vera, l'origine du «...mal qui la rongeait et l'amenait à se conduire comme une clandestine de sa propre vie.». Lointain parce qu'il a vécu, comme sa mère l'a voulu, en dehors de son histoire.
Fiction réaliste, fiction destinée à nous interroger sur « la qualité de notre nature profonde lorsque « nous nous retrouvons confronté de plain pied à une situation à laquelle nous n'avons jamais été préparés.»
Sans emphase, sans pathos, sans prétendre donner de leçons, la force de ce livre est de nous transformer en spectateur actif. Comme le petit fils. Nous apprenons l'existence d'un fait. Nous l'analysons avec les yeux de Vera Kaplan en lisant son cahier, dont elle dit, s'adressant à sa fille, qu'elle l'a écrit parce qu'elle a éprouvé le besoin, après la prison, «...de me raccrocher à cette idée que tôt ou tard ce cahier se retrouvera entre tes mains à toi, puisque au bout du compte, j'en ai bien conscience, c'est à toi, et à toi seulement qu'il est destiné...»

Le regard de Vera sur son passé est double.
Le cahier fut écrit en 1998. Après qu'elle ait purgé une peine de dix ans de prison ; après qu'elle se soit engloutie dans la société allemande des années 1950-1960 - «Je n'aimais que les aventures furtives, les amours d'une nuit, les rencontres sans lendemain. (...) Longtemps j'ai vécu comme ça. Quand je suis sortie de prison j'ai eu un tel besoin de m'étourdir.» - ; après qu'elle ait renoué avec sa culture et soit devenu à trente-neuf ans, une interprète Allemand-Hébreu recherchée. Ce travail, elle en fait le support de sa quête éternelle et vaine, retrouver sa fille Paula qu'on lui a enlevée alors qu'elle n'avait qu'un an, qui a été confié à une famille d'accueil vivant en Israël.
«Si tu pouvais savoir combien j'aurais aimé parler avec toi en Hébreu, te parler et que tu me répondes, parce que te parler, je n'ai jamais cessé de le faire, en Allemand ou en Hébreu, du soir au matin, je te parlais, en silence ou à voix haute, dans la rue ou au milieu de ma cuisine.»
A la fin de la rédaction du cahier, Vera se suicide.

Le carnet, lui, écrit dans l'action, contient la transcription du déroulement des événements vécus, subis, voulus (?), par Vera, jeune, entre le 2 mars et le 19 juin 1944, et s'interrompt brusquement à cette date.
A l'hôpital juif de Berlin, où sa mère a été admise, elle rencontre celui qui, pour sauver ses parents de la déportation, va la convaincre de collaborer à la dénonciation de Juifs qui ont échappés aux rafles,.
«Et quand on s'est quittés en se donnant rendez-vous à la même heure, au même endroit, vendredi prochain, tu avais un si beau sourire que je n'ai pu m'empêcher de te sourire à mon tour, mais c'était un sourire d'adieu. C'était le sourire de la mort qui se réjouit d'avoir attrapé dans ses filets une nouvelle victime. C'était le sourire du monstre qu'en l'espace d'une journée j'étais devenue. Et avec qui je vais devoir apprendre à vivre.»
«Moi, j'ai l'impression que je me bat à ma façon. En restant en vie, en refusant d'accepter de devenir une de leurs victimes, je me conduis comme un être humain, pas comme une vache docile qu'on amène à l'abattoir. C'est devenu parfaitement clair ces derniers jours. Je vais me sauver.»

En inversant l'orde chronologique des écrits de Vera, l'auteur nous amène à comprendre le cheminement de sa pensée.
Vera adulte dit «J'étais mue par des forces que seul le temps, la lente décantation du temps, m'a permis de saisir et d'appréhender dans toute leur immense complexité.» ; alors que Vera jeune affirme « J'ai décidé que je n'aurais plus de remords. Je fais ce que je dois faire. C'est tout.»

Ce faisant, Laurent Sagalovitsch nous implique dans l'histoire, nous substitue à Vera. Une question : et moi qui aurai-je été ? traverse sans arrêt le roman, réminiscence de la citation de Valdimir Jankélévitch en exergue à la page 9.

La conclusion du récit appartient au narrateur. Il est Interrogé par son fils de onze ans, (l'âge auquel Vera a commencé à être confronté à la montée des violences nazies envers les Juifs), après qu'ils aient visité l'exposition, «La vie des Juifs à Berlin sous le Troisième Reich», consacré pour partie «...au rôle de chasseur joué par certains Juifs,...» :
«Sur le chemin du retour, Samuel, mon fils aîné alors âgé de onze ans, m'a demandé si ce qu'avait fait Vera était mal. J'ai réfléchi et j'ai fini par lui répondre que je ne savais pas. Aujourd'hui encore, je ne sais pas.»
Ces paroles ramènent à celles du procureur, gravées dans la mémoire de Vera :
«...qui donc peut se lever et dire avec la certitude la plus implacable, en toute conscience, moi, je sais qu'entre une vie déchue et une mort louable, j'aurais opté pour la mort, qui ?»

In memoriam :
Vera Kaplan : 1922 - 1998
Paula Kaplan : 1945 - 1995
Commenter  J’apprécie          130
Des morts contre sa vie, Vera Kaplan (Stella Goldschlag) a fait son choix, celui de survivre, mais à quel prix justement ? Ce roman est dérangeant, troublant, terrifiant certes, et à la fois très beau. Il fait partie de ces livres importants, qu'il faut lire ...
Le style d'écriture est fluide, accessible, ce qui allège un tant soit peu l'âpreté de cette histoire.
Victime ou bourreau ? La situation était tellement hors norme, alors comment peut-on se permettre de la juger ? Elle a dû faire des choix pour sauver ses parents dans un premier temps, puis elle-même. D'ailleurs, Laurent Sagalovitsch ne porte pas de jugement, il décortique, détaille les faits qui ont poussé Vera Kaplan à la trahison, explique sobrement le processus qui l'a conduite à passer du côté obscure, du côté de l'impensable, à vendre son âme au diable et à être finalement broyée par l'histoire.
C'est une histoire poignante, difficile à entendre parfois, car elle touche à la morale, elle ébranle l'histoire de l'humanité. Qu'aurions-nous fait à sa place ? J'aime beaucoup la conclusion du narrateur, le petit-fils de Vera, qui intervient en début et en fin du roman et qui conclut par ces mots :

" Née à une autre époque, à une tout autre époque, son existence se serait écoulée dans la banalité d'une vie normale - mais elle est née à Berlin en 1922. Dès le départ, elle n'avait aucune chance pour que son histoire se termine bien."

La présence de ce petit-fils amène d'autres réflexions : comment transmettre sa propre histoire à son enfant ? Lui transmettre ou garder le secret ? le poids de ce secret n'est-il pas trop lourd à porter ? Nous apprenons que Vera Kaplan a été séparée de sa fille alors qu'elle n'était encore qu'un bébé et qu'elle ne l'a jamais revue. Sa fille a vraisemblablement refusé tout contact avec elle; elle a vécu dans le déni absolu de l'origine de son existence.
Seules quelques pages nous confrontent à ces thèmes, elles suffisent pourtant à nous déranger, à nous interpeller.
C'est toute la force de ce court récit, écrit sans complaisance aucune : nous pousser à la réflexion, à nous faire notre propre jugement, si tant est qu'il nous faut en faire un, nous rappeler aussi, que, sans avoir vécu une période aussi horrible, nous ne pouvons pas certifier de ce que nous aurions fait...
Bravo Laurent Sagalovitsch !
Lien : https://seriallectrice.blogs..
Commenter  J’apprécie          120
Dès que j'ai tenu ce roman entre mes mains, j'ai su que j'allais l'aimer. D'ailleurs, je n'ai pas réussi à le lâcher avant la fin. Il y a de la poésie dans sa mise en page, sa couverture, c'est pur, sobre, délicat.
Le récit, inspiré d'une histoire vraie, est celle d'une femme qui n'a jamais voulu baisser la tête. Qui a toujours marché avec tenue et résistance. Qui n'a jamais accepté qu'on la brise absolument.
Le roman est vif, dynamique : on passe d'un narrateur à un autre, d'une lettre à un journal intime. Aucun mot ne déborde ; la plume est légère, douce, à la fois simple et raffinée.
On écoute Vera Kaplan et on est fasciné. Fasciné et horrifié, tout en étant incapable de la juger. Parce que son histoire est celle d'une femme animée d'une pulsion de vie si ancrée, si puissante, si acharnée, qu'elle en devient presque belle. Vera a voulu vivre. Et elle s'est donné les moyens pour ça.
Et à chaque page on se demande, tremblant : et moi, qu'aurais-je fait à sa place ? C'est indiscutable, il ne sert à rien d'essayer de se dérober, l'horreur tourne en boucle dans le cerveau : qu'aurais-je fait qu'aurais-je fait.
J'ai ressenti un vrai malaise à lire ce livre, mais un malaise intelligent, un malaise qui fait ressortir ce que l'on porte de plus bienveillant mais aussi de plus sombre en soi.
C'est également un livre sur la transmission et sur les dégâts que causent les plus grands secrets. Ce poids qu'on porte en soi et qu'on se transmet de générations en générations.
J'ai eu l'impression d'assister vraiment à la confession de Vera, d'être là, dans son appartement aux rideaux clos, assise dans un vieux fauteuil à écouter sa voix usée. Les jambes serrées, les mains crispées, le ventre démoli, je l'ai écoutée dans son insupportable désir de vivre, envers et contre tout, je l'ai écoutée dans son « non », ce « non » brut et magnifiquement atroce qu'elle a brandi avec défi. Non, vous ne m'aurez pas. Vous ne me briserez pas. Ils vivront. Je vivrai.
Alors Vera est-elle victime ou bourreau ? Marionnette ou monstre ? Est-ce vraiment le vrai but de ce roman ? Je ne crois pas. Et j'aurais presque envie de poser ma main sur l'épaule de Vera sans prononcer un seul mot parce qu'ils seraient tous tordus et bancals, simplement poser ma main sur son épaule et quitter la pièce avant de refermer doucement la porte de l'appartement.
C'est un véritable « choix de Sophie » qu'on lui a imposée, et il est alors impossible de s'offusquer ou d'être écœuré. Seules les victimes de Vera pourraient se permettre de l'être. Ce livre m'a rappelé « Les fleurs de soleil » de Simon Wiesenthal ou « le choix de Sophie » de William Styron comme je l'ai mentionné plus haut. Alors il m'a peut-être manqué quelques pages de plus pour me bouleverser autant que ces deux autres chefs-d’œuvre et me poursuivre encore des années après ma lecture. Mais j'ai aimé la finesse d'écriture de Laurent Sagalovitsch, l'audace du thème et cette pudeur avec laquelle il a gravé sur papier le destin « exceptionnel » de cette femme. Par la construction du texte, l'auteur n'émet aucun jugement et cette impartialité est pour moi la grande puissance de ce roman.
Après, c'est vraiment le plan psychologique du texte qui m'apparaît comme le plus essentiel : au départ, Vera hésite, imagine tous les moyens possibles pour se dérober à son dilemme. Et puis, une fois le choix fait, elle ne se supporte plus, elle se méprise, elle se dégoûte. Nous sommes malgré tout témoins de quelques actes d'une grande beauté . Mais au fur et à mesure, Vera se transforme, se glace, se blinde. Elle semble accepter ce qu'elle est devenue. Mais n'est-ce pas une admirable défense de son esprit pour supporter le pire ? Pour ne pas se supprimer instantanément ?
On sent beaucoup de souillure chez cette femme, malgré son désir de n'en rien laisser paraître, malgré son orgueil désarmant, on la sent profondément abîmée, salie, brisée. D'ailleurs, serait-elle allée jusqu'au suicide si elle s'était vraiment pardonnée ? Ce jugement qu'il nous est impossible de faire, elle s'en charge très bien elle-même.
J'avoue, j'ai éprouvé de la compassion pour cette femme. Pas de la sympathie mais une certaine forme de compréhension. Bien sûr qu'on ne la comprend pas absolument, c'est infaisable, mais on s'approche de ce qu'elle a pu ressentir, subir et supporter le reste de sa vie. Et on tourne les pages en se demandant sans cesse ce qu'on aurait fait si on avait eu la possibilité de sauver les personnes que l'on aime le plus au monde, à n'importe quel prix, tout en sachant que la réponse, au final, n'est – et ne sera – jamais la bonne.
Je ne sais pas si c'est un roman lumineux mais c'est un roman qui déséquilibre, qui embarrasse, et qui rend plus humble aussi.
Pour moi, les actes de Vera sont condensés dans les dernières lignes du livre, stupéfiantes de justesse : « Les destins extraordinaires sont le fait d'époques extraordinaires. Si celui de ma grand-mère l'a été, c'est qu'elle a vécu à une époque extraordinaire. Elle n'a pas agi comme elle l'entendait, mais comme l'époque réclamait qu'elle agisse. Née à une autre époque, à une tout autre époque, son existence se serait écoulée dans la banalité d'une vie normale – mais elle est née à Berlin en 1922. Dès le départ, elle n'avait aucune chance pour que son histoire se termine bien. »
Bien sûr, ces propos n'absolvent rien mais ils éclairent, dénoncent et éveillent.
Et si j'étais née à Berlin en 1922 ? Je ne veux même pas y penser. Je crois que ce n'est pas le cœur qui soudain révèle sa qualité de criminel, mais que c'est l'Histoire qui façonne, sculpte et dresse les tortionnaires. Personne ne naît bourreau, mais les différentes époques de l'Histoire sont douées pour les créer.
Nous ne pouvons ni l'innocenter ni la condamner. Vera est née à Berlin en 1922 : il n'y a pour moi rien d'autre à dire.
Merci à Babelio et aux éditions Buchet-Chastel pour cette saisissante lecture et l'une des critiques les plus difficiles que j'ai jamais eu à faire.
Commenter  J’apprécie          112




Lecteurs (183) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1725 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}