Je tiens à remercier non seulement Babelio mais surtout l'auteur lui-même, Eric Sagan, pour l'envoi de ce livre auto-édité.
Ce livre est en réalité une lettre destinée à un certain Hervé, l'homme dont le narrateur est amoureux. Nous ne savons pas grand chose de lui si ce n'est qu'il est tombé sur un cahier qu'il n'aurait pas dû voir. Son propriétaire (l'auteur de ce livre) entreprend alors de lui écrire une lettre afin de lui expliquer le contenu de ce cahier, et surtout pour lui permettre de comprendre. Nous y retrouvons donc un récit de la vie de l'auteur, jusqu'à ses vingt-quatre ans. Nous apprenons à connaître sa famille, à commencer par ce père qu'il respecte tout autant qu'il craint, et par cette mère dépeinte comme repliée sur elle-même, presque transparente. Un frère est mentionné, mais ne revient pas par la suite. Nous suivons Eric à travers ses premières années d'école, ces camarades auxquels il ne parvient pas à s'intégrer, sa maladresse avec les autres de son âge mais aussi avec ses propres parents dont il ne sait pas comment accepter la tendresse et encore moins la rendre. Nous suivons le narrateur à travers ses années collège puis lycée, assistons à ses premiers émois provoqués par une fille mais aussi ceux causés par un garçon. Il y a ses peurs, son aversion pour le sport, ses tentatives, ses espoirs, presque son désespoir en un certain sens, surtout lorsqu'il est question de Michel. Parallèlement il y a sa découverte de l'univers informatique qui finalement lui semble plus accueillant que celui des humains, mais aussi les premiers dessins animés japonais qui l'ont fait pleurer. Cette lettre retrace dans les grandes lignes le début de la vie de l'auteur jusqu'à Michel et les évènements qu'ils ont vécu ensemble.
Contrairement à ce que laisse présager le résumé, il ne s'agit donc pas de l'histoire d'une rencontre. Et je pense honnêtement que c'est ce qui fait qu'il me reste un goût d'inachevé. J'ai aimé suivre l'auteur à travers ses souvenirs d'enfance. J'ai souri, je me suis sentie parfois peinée pour lui, je me suis retrouvée dans sa peur et son incapacité à comprendre les autres et à s'en faire accepter. L'auteur est touchant, on ne peut pas le nier, notamment dans sa jeunesse, même si parfois un peu maladroit dans son écriture. On ressent sans peine sa nostalgie lorsqu'il parle de ses étés chez ses grands-parents ou encore de ses regrets face à ce frère qu'il n'a pas cherché à connaître réellement. L'auteur parvient, avec des souvenirs et des anecdotes simples, à expliquer qu'on ne choisit pas les personnes dont on tombe amoureux. Je n'ai nullement besoin d'être convaincue sur ce sujet – ce serait même tout le contraire – mais il serait intéressant d'en faire lire certains passages à cette flopée d'homophobes qui peuple cette planète.
Ma critique sera néanmoins en demi teinte et ce pour deux raisons. La première, c'est qu'en refermant le livre je me suis retrouvée avec une montagne de questions. Je suis du genre à vouloir tout savoir, tout comprendre, et le fait que le récit ait été tronqué à ce point m'a vraiment frustrée. J'avais l'impression qu'on rentrait enfin dans le vif du sujet que tombait déjà la dernière lettre, celle qui clôture toute cette histoire qu'a du vivre l'auteur pendant vingt-quatre ans et dont on ne saura absolument. Mais justement, c'est cette histoire que j'aurais voulu lire, moi. Je veux savoir comment a réagi Hervé, comment il en est venu à accepter les sentiments du narrateur, lui qui à l'origine était hétéro, mais aussi comment un psychologue a pu en venir à vouloir utiliser cette lettre pour aider l'un de ses patients. J'aurais voulu lire les premiers effleurements de doigts, les premières discussions, les premières découvertes. J'ai le sentiment d'avoir lu un prologue et un épilogue mais il me manque toute la substance même de ce récit que m'avait promis le résumé. Avec le recul je comprends ce choix et cette logique bien évidement (il ne pouvait pas écrire à Hervé quelque chose qui ne s'est pas encore passé) mais je pense sincèrement que si je n'avais pas lu la quatrième de couverture, je n'aurais pas ressenti ce manque. Sans oublier que cette lettre aurait pu se finir moins brutalement, continuer sur quelques années encore. Parce que même si le narrateur ne peut évidemment pas nous raconter son histoire avec Hervé, son récit aurait pu aller jusqu'à leur rencontre, jusqu'à ce fameux jour où Hervé à trouvé le cahier qui a déclenché l'écriture même de cette lettre. J'ai eu l'impression de lire une tentative de justification, presque comme si l'auteur s'excusait péniblement d'être gay, comme s'il fallait absolument trouver une raison à tout ça.
La deuxième raison est le jugement de l'auteur sur certaines personnes. Je ne sais pas s'il a été victime ou non de discrimination à cause de son homosexualité mais l'image qu'il a des filles et des femmes m'a dérangé au point de me faire sortir de l'histoire. En tant que femme je me suis sentie blessée face aux propos du narrateur qui voit les adolescentes de sa classe comme frivoles et portées uniquement sur les futilités telles que les vêtements ou le maquillage. Je veux bien admettre que certaines le soient mais de là à faire une généralité ? Plus loin l'auteur nous dit "j'ai même fini par admettre qu'une femme n'est pas forcément moins intelligente qu'un homme, c'est dire". Pour moi le "c'est dire" est de trop parce qu'il sous-entend que c'est un exploit, donc révèle encore un peu plus à quel point l'auteur méprisait les femmes. Tout comme le "forcément" d'ailleurs. Depuis quand l'intelligence se mesure-t-elle en fonction du genre de l'individu ? Moi j'appelle ça être misogyne. Sans parler de l'aversion qu'il éprouve pour ces gays qui dans leur façon d'être sont plus spectaculaires, plus féminins que masculins. Lui qui veut faire comprendre à Hervé que l'on est comme on est, se permet de juger les autres pour ce qu'ils sont.
Un livre qui reste intéressant à lire néanmoins, jolie petite tranche de vie dont l'auteur nous dévoile les bons comme les mauvais côtés avec sincérité. Ce livre n'a cependant rien de révolutionnaire. J'ai presque envie de dire, rien d'original. J'ai peut-être déjà trop lu d'histoires sur le sujet pour être véritablement touchée par celle d'Eric Sagan. J'admets que le récit est émouvant à certains moments mais définitivement pas "poignant" ou "à couper le souffle" comme j'ai pu le lire sur la toile.
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