Il va la finir cette putain de cigarette ?
Une heure du mat. Fin de la deuxième ronde de nuit. D’ici quelques minutes, toutes les infirmières de l’hôpital sombreront dans leur fauteuil de repos. Valérie connaît le rituel par cœur, elle attends son heure, l’heure d’agir incognito.
Je n’arrive pas à me retourner. Mes paupières sont si lourdes. Comment ouvrir les yeux ? La ouate m’enveloppe à nouveau. Les voix s’éloignent, puis disparaissent ; c’est forcément un rêve. Toujours pas d’images dans ce rêve.
Les sons laissent la place aux odeurs de propre, de désinfectant, de savon, de formol. C’est la première fois que je fais un rêve uniquement olfactif, bizarre.
Inutile de lutter. La pesanteur d’une immense couette m’enveloppe, me réchauffe et me rassure, je m’abandonne à nouveau au sommeil.
Les voix me sont familières : …Bientôt trois ans et nous… … refaire des… mais la famille… … nouvelles de ton épouse qui……. Sondages pas encourageants… … devait bien arriver…
J’entends des voix feutrées qui se rapprochent puis s’éloignent pour revenir heurter ma conscience.
S’agit-il d’un rêve ?
Mon réveil. Il faudrait que je regarde mon réveil.
Je n’ai aucune envie de bouger, d’ouvrir les yeux. Je suis tellement bien. Mon corps, mon esprit, sont engourdis.
Bien au chaud, je m’enfonce dans un épais nuage de ouate.
Le réveil me laisse tranquille.
Je ressens la lourdeur de mes paupières, de ma tête puis de mon cou, de mes épaules, de mes bras.
Complètement détendu, je me laisse aller, je devine mon ventre qui se soulève au rythme régulier de ma respiration. C’est au tour de mes hanches, de mes cuisses, de mes jambes de me donner cette sensation d’abandon.
Arrivé aux mollets, je m’enfonce un peu plus, inexorablement, je me rendors.