Citations sur Ta main sur ma bouche (26)
J'ai trouvé des milliards d'excuses à cette raclure parce que c'est ton ami, c'est votre ami, celui de toute cette belle bande d'ordures. Toute cette joyeuse bande qui ne jure que par l'amour, l'amitié. Cette bande qui sent la libido et la frustration. Tes potes foireux. Dans leurs mariages qui puent l'ennui. Et toi, ça aurait trop chamboulé ta petite vie de réalisateur merdique. Tu avais tellement peur de perdre Mathieu et par ricochet ton boulot. Ça t'impliquait trop. Tu as préféré fermer les yeux, pour ne surtout pas perdre tes copinages de merde, ton petit confort de merde.
Je pense au bonheur quotidien de mes parents. Je me dis parfois que je voudrais être dans la peau de mon père, qui passe ses journées à rien glander. Juste à bouquiner ses Pléiade. À papoter avec ses copains. À voyager. À penser à lui quoi ! À rien d’autre qu’à sa gueule. Et je pense à ma mère dont le plus grand souci dans la vie, c’est de faire retirer les trois varices qu’elle a sur les jambes. Et là, moi, je me fais chier à toujours stresser. Oppressé. À foutre en l’air les plus belles années de ma vie. Je me dis que quelque part, j’ai loupé un truc. Je voudrais connaître cette sensation de paix intérieure. De sérénité. Est-ce que ça existe vraiment finalement ?
Je ne sais pas quoi faire, ni quoi dire. Pas les armes. Pas les mots. Je voudrais avoir les bons mots. Mais rien ne sort.
J’aime l’insouciance de Niels. Avec lui, on se sent presque le droit de tout faire. Il a au moins trente-cinq ans et il en paraît dix-huit tellement il s’en fout des codes. J’adore ce sentiment de liberté. Peut-être que c’est ça le truc spécial de Niels. Une faculté à faire ce qui lui plaît et à se moquer totalement du regard des autres.
Niels adore me donner des noms d’animaux. Avec lui, j’ai presque l’impression d’être un zoo à moi toute seule. Il me pose au sol et me sourit avec cet air taquin qu’il a souvent. Cet air de dire qu’il me kiffe vraiment lui aussi. Ça me flatte bien sûr. Je me tourne vers la voiture pour chercher Chloé du regard mais je ne la vois pas. Max et Zoé me font des grimaces depuis l’arrière. Non, pas de Chloé dans la voiture.
Les trentenaires sont beaux je trouve. Avec leurs doutes et leurs failles. À mon âge, on a tendance à avoir trop de convictions. Moi, en tout cas, je sais que j’en ai trop. Je suis comme figée dans mes jugements parfois. C’est plus fort que moi. J’ai beau essayer de mettre plus de nuances ou de distance, je suis souvent comme aveuglée par mes émotions.
J’ai eu tellement de chance qu’il m’ait choisie pour ce clip. En fait, la danse m’a sauvée. Sans la danse, je serais toujours coincée chez mes parents. Et puis Édouard serait jamais sorti avec une fille comme moi avant. Mutique et en colère. Handicapée sociale, disaient mes profs. Si j’avais pas fait de la danse, je sais pas ce que j’aurais fait. Je serais peut-être restée à zoner ou alors j’aurais fini comme ma mère, au foyer… au service des désirs d’un connard. Ou plutôt dans l’attente du désir d’un connard. Insupportable.
On a pris une habitude avec Marie. On ne commence jamais un débrief sans notre café et notre clope. Comme si pour bien s’écouter, pour mieux se comprendre, il fallait impérativement respecter ce rituel. Je sors une cigarette de mon paquet. Je tâte les poches de mon jean. Et merde, Ali m’a encore tiré mon Zippo.
C’est fou de ne pas prendre mon boulot autant au sérieux. Je sais que Marie n’est pas une grande fan de la pub parce que pour elle, c’est de l’incitation à l’épuisement des ressources, mais j’aimerais bien qu’elle me respecte.
J’ai peur d’être trop en retenue, pas assez rentre-dedans. En fait, dès que je me lâche, j’ai l’impression que j’y vais trop fort. Alors que quand je me retiens au moins j’assume ce que je raconte. À moins que je lui donne mes différentes versions ? Non mais c’est pas possible de faire ça. Je vais lui donner mon texte en lui disant que je l’ai rêvé avant de l’écrire. Et que dans mon rêve, elle en faisait une chanson. Je sais qu’elle sera touchée. Elle le lira à voix basse. Elle sera troublée, parce qu’elle y entendra l’écho de son premier tube. J’aimerais tellement qu’elle veuille en faire une chanson.