Lumière

Face au grand stress d'un diagnostic de cancer, il est normal que vous passiez par des étapes difficiles, de sidération, mais elles ne dureront pas.
Votre corps et votre esprit vont apprendre à organiser leur défense.
Vous devez projeter toute votre énergie dans la guérison.

J'ai fumé trop et trop longtemps, sans jamais vouloir comprendre que le cancer finirait sûrement par me tomber dessus. J'avais onze ans quand j'ai commencé. J'empruntais le vice des grands, pour combler mon ennui et l'absence de mon père.
À cet âge, la mort paraît presque irréelle. J'avais l'assurance d'être invulnérable, comme tous les fumeurs que je côtoie encore aujourd'hui et qui considèrent le spectre de la maladie avec autant de morgue que d'inconséquence. Nous aurions pourtant plus de chances de survie à la roulette russe : une balle logée dans une des chambres du barillet laisse cinq chances de survie pour six coups tirés. Le tabac se montre plus cynique : un fumeur sur deux développe un jour un cancer mais la peine est différée. Combien sommes-nous, chaque jour, à lire sur notre paquet ce terrible « Fumer tue » encadré proprement en noir sur fond blanc, avant d'ouvrir, impassibles, le blister ? Fumer tue, oui, mais jamais dans l'urgence. La maladie sait attendre, c'est là toute sa force.

--Promis mon fils .À partir d'aujourd'hui ,je serai un grand--père acceptable pour Thomas et Myriem.
--Tom et Myriam.
--Je déconne .Tu crois que ton pater est déjà sénile ?
--Je sais que tu plaisantais ,je te fais une piqûre de rappel au cas où....
Je l'ai regardé, goguenard.Ça me fait un bien fou qu'il soit là. Il m'a pris la main,c'était étrange. On s'est regardés un bon moment en silence,pendant lequel j'ai repassé en mémoire les moments de ma vie avec lui.Les coups de gueule,les rares moments de vraie complicité. Je lui ai dit 《 je t'aime》 avec les yeux.( Page139).

La poêle nous a réunis autour de la table.Les rires ont repris.Je parle au compte-gouttes mais personne ne s'en offusque.Il y a quelques semaines ,transparente et grise,je n'étais plus qu' un phasme fondu dans la grisaille des murs de mon quartier.Aujourd'hui,tous les amis d'Olivier m'invitent avec prévenance et simplicité à la discussion, sensibles à ma présence. Nous partageons à même le plat,sur des morceaux rompus de pain acidulé et compact,le sang caramélisé des tomates,dans la plus simple fraternité. Je me sens étrangement bien,libérée de mes raideurs.Pour la première fois depuis le départ de Léo, je sens mon corps vibrer à nouveau du plaisir brut de manger,le do de mon retour à la chair.(Page 90/91).

Pour s'accomplir, il faut savoir parfois courir de grands risques.

Tout à l'heure, quand je t'ai ouvert ma porte, ton silence m'a frappé par sa douleur. Celui que nous venons de partager était au contraire une respiration. Un répit. Je suis heureux que tu te sentes détendue, c'est un premier pas. Tu ne t'aimes pas assez Ambre et tu cries en silence: ta maigreur, la manière dont tu t'excuses d'occuper l'espace, tes mots au compte-gouttes. Ici, personne ne te fera le moindre mal.

Le rire est médecin. Une composante primitive de nous-mêmes, identificatoire, qui offre cette capacité miraculeuse et lumineuse de réinjecter de la vie de manière réflexe.

Franchir avec grâce et équilibre la ligne ultime, le regard ciblé sur le point de mire, en dépit de la peur et de la solitude. Ne plus reculer et jusqu'au dernier pas, prendre le temps malgré tout de parenthèses immobiles où se sentir vivre. Avoir encore le souci du bonheur au moment où l'univers se rétrécit