Luly a été un véritable fléau pour l'école française ; après avoir supplanté Perrin et Cambert qui durent s'exiler en Angleterre, il a régné sans partage
pendant sa longue carrière, ne laissant de place à personne auprès de lui, et si Marc-Antoine Charpentier a pu se glisser dans son ombre c'est qu'il était son gendre et son protégé. Or il ne devait pas manquer en France de musiciens de talent, condamnés à l'inaction et à l'obscurité ; et l'on sait que pour les réalisations à cinq parties de son orchestre, si purement écrites, Lully avait des collaborateurs : il n'aurait pu suffire seul à cet énorme travail.
Malheureusement pour Listz, pianiste prodigieux, tirant de l'instrument des effets inconnus, le transformant de fond en comble comme Paganini avait transformé le violon, il ne semblait pas qu'il pût s évader d'une aussi puissante spécialité.
Rameau, notre grand compositeur du XVIIIe siècle, dont les oeuvres ont tenu longtemps une si grande place sur notre scène française, était presque oublié : quelques pièces pour clavecin, le délicieux choeur En ces doux asiles, c'est à peu près tout ce que l'on connaissait de lui ; son oeuvre entier était à peu près inédit.
En premier lieu, il faut le dire bien haut : en Art, la difficulté vaincue est une beauté. Théophile Gautier a proclamé cette vérité dans des vers immortels ; après un pareil témoignage, la cause est entendue.
L'heure de la justice est enfin venue ; à l'occasion du centenaire de la naissance de Liszt, de grands festivals se sont organisés où l'on a entendu ses œuvres dans des exécutions grandioses ; il n'est plus permis de dire que l'auteur de Christus, de Sainte-Elisabeth, de la Messe de Gran, des symphonies Dante et Faust, des Poèmes symphoniques, écrivait de la musique de pianiste; et l'on peut parler du merveilleux virtuose sans risquer de faire tort au génial compositeur.