À l'école, on ne me parla peu de
Saint-Simon, pas plus que des pamphlétaires du XVIIIe siècle. Les redécouvrir à l'âge de la retraite est savoureux. Bonne idée donc que celle d'extraire des
mémoires de
Saint-Simon le portrait de Monsieur de Lauzun, beau-frère du chroniqueur. Ce sont ces extraits qui constituent
le Roman de Lauzun (titre qui n'a pas été donné par l'auteur des
Mémoires). Il y a 7 854 personnages dans les
Mémoires ("Ce vaste continent" comme le dit
Philippe Solers). Ici, nous n'en verrons qu'un.
La lecture de
Saint-Simon est, assez curieusement, plus difficile d'accès pour moi que ne l'est celle de Madame de Sévigné bien que cette dernière fût son aînée d'un demi-siècle. Cela tient sans doute à la tournure des phrases et à l'emploi de certaines expressions dont l'usage a disparu au cours des trois cents ans qui nous séparent. Il faut reconnaître et goûter le plaisir du suspense que l'on apprécie de nos jours dans un roman et qui, chez
Saint-Simon se tient souvent dans la phase elle-même : sa chute vient répondre à notre attente, ou nous surprendre. le récit est tantôt fait sur le ton de la confidence, tantôt sur celui de l'exposé objectif ou de l'aimable conversation ; on passe d'un portrait souvent sévère à une anecdote amusante. Bref on ne se lasse pas des infinies variations de forme d'écriture par lesquelles nous fait passer Monsieur de
Saint-Simon et on reste admiratif devant la critique qu'il fait à la fin de ses
Mémoires de son propre style :
"Dirais-je enfin un mot du style, de sa négligence, de répétitions trop prochaines des mêmes mots, quelquefois de synonymes trop multipliés, surtout de l'obscurité qui naît souvent de la longueur des phrases, peut-être de quelques répétitions ? J'ai senti ces défauts ; je n'ai pu les éviter, emporté toujours par la matière, et peu attentif à la manière de la rendre, sinon pour la bien expliquer. Je ne fus jamais un sujet académique; je n'ai pu me défaire d'écrire rapidement."
Que n'eût-il écrit encore plus rapidement !