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Critique de NMTB


Monsieur de Saint-Simon était un jeune homme bien fait de petite taille, ayant fort tôt embrassé une carrière militaire, son regard était doux, noir, pénétrant, un visage agréable que déparait à peine un nez tordu. Il avait de l'ambition, beaucoup d'esprit, des saillies plaisantes, sans toujours maîtriser son désir d'exhaustivité et, confus, il s'engageait parfois dans de longues dissertations qui, sans lui faire perdre le fil, l'emmenait loin de son sujet principal. Il lui arrivait aussi de radoter sur d'anciens faits d'armes ennuyeux. Son sens aigu de l'observation lui permettait de pénétrer toutes les arcanes de l'étiquette et les règles minutieuses de bienséance qui prévalaient à la cour. Doué d'une mémoire prodigieuse, il connaissait toutes les généalogies complexes des grandes familles européennes où se mêlaient consanguinité et bâtardise (Saint-Simon reprochait souvent à Louis XIV de favoriser ses enfants illégitimes), il avait lui-même un grand amour pour sa maison et ses parents. le souvenir de son père, fait duc par Louis XIII, lui était particulièrement cher. Il était l'unique héritier mâle de ce père qui le conçut fort âgé d'un second lit. Il fut choyé par sa mère qui prit grand soin de son éducation mais se retrouvait après la mort de son mari sans appui dans le monde. Soucieuse de l'avenir, elle craignait plus que tout une mésalliance de son fils. Heureusement, le désormais duc de Saint-Simon n'était point galant et ressentait trop la fierté de son nom pour se laisser entraîner dans une passion amoureuse qui eût été une impasse à sa carrière. Une anecdote mérite d'être relevée à ce sujet sur le prétendant un peu présomptueux qu'il fût. A la recherche du meilleur parti, il ambitionna dans un premier temps de s'introduire dans la famille du duc de Beauvilliers, s'adressa à lui pour courtiser l'une de ses filles, tenta tout pour le convaincre et, en désespoir de cause, lui avoua qu'il ne se sentait « point capable de vivre heureux avec une autre qu'avec sa fille », fille qu'il ne connaissait pas et n'avait jamais vu ! le duc de Beauvilliers, dont il resta proche, déclina poliment, et Saint-Simon se tourna alors vers la famille de Lorges et ses filles, l'aînée plutôt que la cadette, avec qui il se maria et réussit à vivre heureux, malgré tout.
Au reste, le duc de Saint-Simon n'était pas trop bavard sur sa vie intime, préférant relater celle des autres. Dans cet étrange petit monde qu'était la cour de Versailles, où tout était réglé dans les moindres détails et où la vie intime se limitait au strict minimum, les ragots allaient bon train et Saint-Simon en était friand, il les rapportait sans toujours bien les distinguer des faits. D'ailleurs, il n'était pas qu'un observateur de ce petit monde mais aussi un acteur, avec son tempérament, ses affinités et ses dégoûts, et il ne cherchait pas du tout à atteindre une impossible objectivité. Avec sa manière très particulière de brosser les portraits et les caractères, lapidairement, défauts et qualités enchevêtrés, il cherchait surtout à dévoiler les mesquineries et les petites intrigues des courtisans.
Imprégné de morale, il restait discret sur la religion, ne s'immisçant jamais dans les querelles qui agitaient la fin du dix-septième siècle, et elles étaient nombreuses, entre la petite crise religieuse de Louis XIV sous l'influence de Mme de Maintenon et du père de la Chaise son confesseur, la révocation de l'édit de Nantes, l'accession au pouvoir des protestants en Angleterre, les jansénistes, les quiétistes, les polémiques et les affrontements ne manquaient pas. Toutefois, sans bigoterie ni ostentation, il ne cachait pas sa profonde admiration pour Armand-Jean de Rancé, l'abbé de la Trappe, qui était pour lui une sorte de directeur de conscience, un homme intègre jusqu'à l'austérité. Aussi, contrairement à Louis XIV, Saint-Simon semblait éprouver de la sympathie pour les jansénistes et n'hésitait pas à dénoncer les manigances et les intrigues des jésuites.
Au niveau de la politique extérieure, cette fin de siècle était dominée par la grande rivalité de la France et du Saint-Empire. Entre la guerre de la ligue d'Augsbourg et la guerre de succession d'Espagne qui se dessinait, la paix signée par le traité de Ryswick ressemblait plutôt à une longue mais fragile trêve.
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