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Citations sur Mémoires, tome III : 1707-1710 (suivi de) Additions au .. (11)

Finot, son médecin, et le nôtre de tout temps et de plus notre ami, ne savait que devenir avec lui. Ce qui l'embarrassa le plus, à ce qu'il nous a confié plus d'une fois, fut que M. le Prince ne voulut plus rien prendre, dit qu'il était mort, et pour toute raison que les morts ne mangeaient point. Si fallait-il pourtant qu'il prit quelque nourriture ou qu'il mourût véritablement. Jamais on ne put lui persuader qu'il vivait, et que, par conséquent, il fallait qu'il mangeât. Enfin, Finot et un autre médecin qui le voyait le plus ordinairement avec lui, s'avisèrent de convenir, qu'il était mort, mais de lui soutenir qu'il y avait des morts qui mangeaient. Ils offrirent de lui en produire, et en effet ils lui amenèrent quelques gens sûrs et bien recordés qu'il ne connaissait point et qui firent les morts tout comme lui, mais qui mangeaient. Cette adresse le détermina, mais il ne voulait manger qu'avec eux et avec Finot. Moyennant cela, il mangea très-bien, et cette fantaisie dura assez longtemps, dont l'assiduité désespérait Finot, qui toutefois mourait de rire en nous racontant ce qui se passait, et les propos de l'autre monde qui se tenaient à ces repas. Il vécut encore longtemps après.
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Alors il lui conta [le roi à Maréchal, son chirurgien et confident] que l'extrême besoin de ses affaires l'avait forcé à de furieux impôts ; que l'état où elles se trouvaient réduites le mettait dans la nécessité de les augmenter très-considérablement ; que, outre la compassion, les scrupules de prendre ainsi les biens de tout le monde l’avaient fort tourmenté ; qu'à la fin il s'en était ouvert au P. Tellier [son confesseur], qui lui avait demandé quelques jours à y penser, et qu'il était revenu avec une consultation des plus habiles docteurs de Sorbonne qui décidait nettement que tous les biens de ses sujets étaient à lui en propre, et que, quand il les prenait, il ne prenait que ce qui lui appartenait ; qu'il avouait que cette décision l'avait mis fort au large, ôté tous ses scrupules et lui avait rendu le calme et la tranquillité qu'il avait perdue. Maréchal fut si étonné, si éperdu d'entendre ce récit, qu'il ne put proférer un seul mot. Heureusement pour lui le roi le quitta dès qu'il le lui eut fait, et Maréchal resta quelque temps seul en même place ne sachant presque où il en était. Cette anecdote qu'il me conta peu de jours après et dont il était presque encore dans le premier effroi, n'a pas besoin de commentaire ; elle montre, sans qu'on ait besoin de le dire, ce qu'est un roi livré à un pareil confesseur, et qui ne parle qu'à lui, et ce que devient un État livré en de telles mains.
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Ceux qui nous aimaient le moins, les plus envieux et les plus jaloux, ceux qui craignaient le plus que cette place ne nous portât à d'autres et qui avaient le plus cabalé pour y en mettre d'autres, tout se déchaîna en applaudissements, en éloges, en marques d'attachement et d'amitié, avec tant d'excès que nous ne pouvions cesser de chercher ce qui nous était arrivé, ni d'admirer qu'une si médiocre place fît tant remuer les gens de toutes les sortes pour nous accabler de tout ce qu'ils ne pensaient point, et de ce dont aussi ils ne pouvaient raisonnablement croire qu'ils nous pussent persuader. Mais telle est la misère d'une cour débellée.
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On ne peut se dissimuler qu'elles [les personnes royales] ne se crussent une espèce tout à fait à part du reste des hommes, continuellement induits en cette douce erreur par les empressements, les hommages, la crainte, l'espèce d'adoration qui leur étaient prodigués par tout le reste des hommes, une ivresse de cour uniquement [appliquée] à tout sacrifier pour plaire, surtout occupée à étudier, à deviner, à prévenir leurs goûts, et au mépris de la raison et souvent de plus encore, à s'immoler à eux par toutes sortes de flatteries, de bassesses et d'abandon.
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Dieu, qui permet les défauts et les vices dans les hommes et qui défend la calomnie et même la médisance, leur a cependant donné des yeux pour voir et des oreilles pour entendre.
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Brissac, peu d'années avant sa retraite, fit un étrange tour aux dames. C'était un homme droit qui ne pouvait souffrir le faux. Il voyait avec impatience toutes les tribunes bordées de dames l'hiver au salut les jeudis et les dimanches où le roi ne manquait guère d'assister, et presque aucune ne s'y trouvait quand on savait de bonne heure qu'il n'y viendrait pas; et sous prétexte de lire dans leurs heures, elles avaient toutes de petites bougies devant elles pour les faire connaître et remarquer. Un soir que le roi devait aller au salut, et qu'on faisait à la chapelle la prière de tous les soirs qui était suivie du salut, quand il y en avait, tous les gardes postés et toutes les dames placées, arrive le major vers la fin de la prière, qui, paraissant à la tribune vide du roi, lève son bâton et crie tout haut: « Gardes du roi, retirez-vous, rentrez dans vos salles; le roi ne viendra pas. » Aussitôt les gardes obéissent, murmures tout bas entre les femmes, les petites bougies s'éteignent, et les voilà toutes parties excepté la duchesse de Guiche, Mme de Dangeau et une ou deux autres qui demeurèrent. Brissac avait posté des brigadiers aux débouchés de la chapelle pour arrêter les gardes, qui leur firent reprendre leurs postes, sitôt que les dames furent assez loin pour ne pouvoir pas s'en douter. Là-dessus arrive le roi qui, bien étonné de ne point voir de dames remplir les tribunes, demanda par quelle aventuré il n'y avait personne. Au sortir du salut, Brissac lui conta ce qu'il avait fait, non sans s'espacer sur la piété des dames de la cour. Le roi en rit beaucoup, et tout ce qui l'accompagnait. L'histoire s'en répandit incontinent après; toutes ces femmes auraient voulu l'étrangler.
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A la fin le roi, arrivant tout auprès du bassin, regarda ce qui était là de plus principal, et sans adresser la parole à personne, dit d'un air de dépit ces seules paroles « La duchesse de Bourgogne est blessée. » [Elle était l’épouse de son petit-fils, mère de Louis XV, « Blessée » signifie qu’elle fait une fausse-couche] Voilà M. de La Rochefoucauld à s'exclamer, M. de Bouillon, le duc de Tresmes et le maréchal de Boufflers à répéter à basse note, puis M. de La Rochefoucauld à se récrier plus fort que c'était le plus grand malheur du monde, et que s'étant déjà blessée d'autres fois, elle n'en aurait peut-être plus. « Eh! quand cela serait, interrompit le roi tout d'un coup avec colère, qui jusque-là n'avait dit mot, qu'est-ce que cela me ferait? Est-ce qu'elle n'a pas déjà un fils? et quand il mourrait, est-ce que le duc de Berry n'est pas en âge de se marier et d'en avoir? et que m'importe qui me succède des uns ou des autres ? Ne sont-ce pas également mes petits-fils? » Et tout de suite avec impétuosité : « Dieu merci, elle est blessée, puisqu'elle avait à l'être, et je ne serai plus contrarié dans mes voyages et dans tout ce que j'ai envie de faire par les représentations des médecins et les raisonnements des matrones. J'irai et viendrai à ma fantaisie et on me laissera en repos. » Un silence à entendre une fourmi marcher succéda à cette espèce de sortie. On baissait les yeux, à peine osait-on respirer. Chacun demeura stupéfait […] J'examinais, moi, tous les personnages, des yeux et des oreilles, et je me sus gré d'avoir jugé depuis longtemps que le roi n'aimait et ne comptait que lui, et était à soi-même sa fin dernière.
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Quoique cette lettre [du cardinal de Bouillon au Roi] contienne autant de sottises, d'impudence et de folie que de mots, on ne peut s'empêcher d'en faire quelque analyse. Premièrement, il faut avoir bonne haleine et bonne mémoire pour aller jusqu'au bout de la première phrase, et travailler pour démêler les continuels entrelacements de ses parenthèses, et de son sens si suspendu. Dans cette phrase, autant de faux et de vent que d'insolence.
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Parmi ceux qui devaient être de la suite du voyage, M. le duc d'Orléans nomma Fontpertuis. À ce nom, voilà le Roi qui prend un air austère : "Comment, mon neveu, lui dit le Roi, Fontpertuis, le fils de cette janséniste, de cette folle qui a couru M. Arnauld partout ! Je ne veux point de cet homme-là avec vous. – Ma foi, Sire, lui répondit le duc d'Orléans, je ne sais pas ce qu'a fait la mère ; mais, pour le fils, il n'a garde d'être janséniste et je vous en réponds, car il ne croit pas en Dieu. – Est-il possible, mon neveu ? répliqua le Roi en se radoucissant. – Rien de plus certain, Sire, reprit M. d'Orléans, je puis vous en assurer. – Puisque cela est, dit le Roi, il n'y a point de mal : vous pouvez le mener." Cette scène, car on ne peut lui donner d'autre nom, se passa le matin, et, l'après-dînée même, M. le duc d'Orléans me la rendit, pâmant de rire, mot pour mot, telle que je l'écris.
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Croire Mme de Maintenon toute-puissante, on avait raison ; mais la croire telle sans art et sans contours, ce n’était pas connaître le roi ni la cour. Jamais prince ne fut plus jaloux que lui de son indépendance et de n'être point gouverné, et jamais pas un ne le fut davantage. Mais, pour le gouverner, il ne fallait pas qu'il pût le soupçonner et c'est pour cela que Mme de Maintenon avait besoin d'un ministre dans un entier abandon à elle, et auquel elle se pût parfaitement fier. Par lui, elle faisait tout ce que le roi croyait faire, et qu'il aurait refusé par jalousie d'être gouverné si elle y eût paru.
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