Citations sur Les notes de la mousson (20)
Les flammes s'élevaient déjà moins haut quand le camion s’enfuit., dans le silence retrouvé et dans la nuit.
Les vaches, sacrées et nonchalantes, traînaient le pas pour aller dormir ailleurs, secouant la tête comme pour chasser un mauvais rêve.
J'ai senti que ma vie s'écoulait dans le ruisseau de la mousson qui traversait la cour. Je suis perdue, Mamy, je veux partir d'ici et te retrouver. Je flotte au bras de mon mari et je passe à côté de tout, même de mon fil qui est si joyeux.
Si j'avais un don, si j'avais été musicienne, sais-tu ce que j'aurais ecrit ? J'aurais capturé les notes de la mousson, ses crépitements, son feulement, le tempo du clapotis et le silence qui rôde autour.
"Un fantôme, c'est ce qu'est devenue Angèle au fil des jours. Elle erre en se souvenant d'un autre temps, lumineux, rythmé par les soirées pleines, quand les poèmes susurrés servaient à bercer une enfant ; là-bas, les mots avaient un autre goût, la nourriture embrasait son palais et les jours défilaient en couleur".
Le sentiment de gâchis lui monte souvent à la gorge, c'est un poison lent.
Elle sait la force des mots, justement, et c'est pour cela qu'elle s'y accroche si souvent. Elle se blottit dedans par manque de bras ouverts, par crainte du silence. Elle y exerce à voix haute des sentiments jamais convoqués, les vers la retiennent comme des lianes. Sa carcasse est tellement lasse, mutique à tout plaisir, inutile malgré sa santé de fer, Angèle se sent vieillir. Et elle a peur, de la folie et du vide.
Plic, plac, ploc, il connaît maintenant sa leçon sur le bout des doigts. Son autre vie l'attend, l'école, les amis et la ville, Kanou laisse la porte de la cour grande ouverte, cela n'a plus d'importance. il n'aura pas croisé son père ce matin, ni sa mère, après tout il est grand. Il se sent courageux et part avec ces nuages menaçants derrière lui, un flot de questions lancées comme des rubans, et la tendresse de la vieille Ahmma en bandoulière.
Kanou perçoit les premiers bruits de la maison: les gamelles qui claquent, l'eau qui coule, celle qui bout en sifflant. Il reconnait, un peu plus sourds, le refrain monotone des vendeurs de rue et les klaxons des rickshaws. Bientot les odeurs de la cuisine fendront le plancher,idlis, sambar,tchai.La voix douce de la vieille servante, Ahmma commencera à fredonner une comptine. Ahma, le fantome enchantè de cette maison, le parfum de la cardamone annonce toujours ses apparitions.
Kanou se demande, un peu confus dans ses pensées d'enfant, comment ses parents ont pu s'aimer, et si l'amour des grands peut continuer de battre au milieu de tant de différences ... Une statue et un papillon, voilà à quoi ils ressemblent.
Sa culpabilité lui pendrait au cou, lourde chaîne d'esclave, et l'abandon des recherches lui claquerait au visage au moment de quitter l'Inde. Les silences résonnent longtemps et portent loin.