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Citations sur Travailleuses, travailleurs ! Les Pères de l'Eglise et .. (8)

Les chrétiens de I'Antiquité s'intéressent (comme les juifs) à l'économie, parce que leur Dieu (comme celui des iuifs) se soucie plus du sort concret des humains que des hommages qui lui sont rendus. Au lieu du contrat que les polythéistes concluent avec leurs dieux pour une relation à deux termes, le chrétien (comme le juif) se situe dans un schéma triangulaire: Dieu, lui-même, ses semblables.
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Si ces contradictions restent latentes, au lieu de faire l'objet d'une dénonciation explicite, c'est sans doute pour deux raisons principales. D'abord, le but de tous ces auteurs reste exclusivement religieux, sans se prolonger en un programme social : ils veulent annoncer un message de salut, édifier des croyants, non réformer une société. Ensuite, les premiers chrétiens, comme l'immense majorité de leurs contemporains, ne peuvent pas croire à la possibilité d'une société sans esclavage: ils sont trop accoutumés à voir autour d'eux l'omni- présente réalité du travail servile, et l'extrême rareté des progrès techniques. Dans de telles conditions, ces textes du Nouveau Testament ne sont subversifs que potentiellement. Les chrétiens de l'Antiquité (et des époques ultérieures) peuvent y trouver soit des prétextes au conformisme social soit une incitation à des réformes.
Mais nous pourrions aussi invoquer une troisième raison: tous les documents éudiés jusqu'ici, qu'ils proviennent du Nouveau Testament ou d'ouvrages des débuts de la période patristique, voient les esclaves dans la perspective d'une théologie de la rédemption, d'une sotériologie, et pensent à la seule vie ecclésiale. Ce qui compte pour leurs auteurs, cest de proclamer un message de salut et d'en tirer les conséquences communautaires, non de réfléchir sur l'ordre de la création ou de bâtir les fondations d'une société chrétienne. C'est à l'âge d'or des Pères de I'Église (c'est-à-dire au IV° siècle et à la première moitié du V°) qu'il faut demander une réflexion sur l'esclavage en termes proprement anthropologiques.
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Au total, il faut nuancer le lieu commun selon lequel le travail en général, prétendument méprisé par la civilisation gréco-romaine, devrait au christianisme des Dremiers siècles sa réhabilitation historique. Ce qu'ont entrepris des théologiens comme Ambroise, c'est de défendre la dignité des travailleurs à gages contre le dédain de l'aristocratie foncière. Cela ne les conduisait pas seulement à critiquer des valeurs sociales, mais aussi à s'opposer à une conception globale de l'existence humaine. Le désir d'autarcie économique, ancré dans la psychologie des possédants, et la recherche de la pleine indépendance individuelle (autarkeia), chère à la tradition philosophique, convergeaient dans l'exaltation de l'autosuffisance comme condition de bonheur, de sagesse, d'accomplissement de soi. En définissant le chrétien comme un «salarié du Christ», l'évêque de Milan place l'expérience personnelle de la dépendance au centre de la nouvelle religion. D'une manière analogue, son disciple Augustin, lorsqu'il déclare que le cceur de l'homme reste sans repos jusqu'à ce qu'il repose en Dieu, récuse implicitement toutes les aspirations philosophiques à la tranquillité de l'âme. Ces deux auteurs défendent une conception de l'être humain comme fondamentalement dépendant, comme aspirant profondément à un au-delà de lui-même.
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Le lieu commun de la réhabilitation chrétienne du travail est donc un héritage des controverses du XIXeme siècle. Il ressemble plus à un argument apologétique qu'à un résultat de la recherche historique. Il est l'arme employée par des intellectuels catholigues -en premier lieu, Henri Wallon - pour laver leur religion de l'accusation de ne pas avoir exigé, dès ses débuts, l'abolition de l'esclavage et, plus généralement, de ne pas avoir assez contribué à améliorer la condition des humbles.
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Voilà une remarque capitale, rappelant une évidence tellement simple qu'elle en est presque toujours oubliée. Les écrits du Nouveau Testament adressent des préceptes moraux aux aux maîtres et aux esclaves, mais sans jamais les assortir de la moindre réflexion générale sur Il'institution esclavagiste, ni sur le caractère supposé des esclaves ou sur le tempérament des maitres. L'esclavage y est toujours envisagé comme une réalité de fait; il n'y est jamais justifié au plan théorique. En d'autres termes, s'il n'a pas condamné le système esclavagiste, le christianisme primitif ne la pas légitimé non plus. Il n'a, du reste, pas regardé le système en tant que tel, mais seulement les individus qui vivaient quotidiennement dar ce système.
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L'Antiquité nous a donc légué deux courants: l'un qui magnifie les prouesses techniques de l'être humain en général; l'autre qui, dans la vie concrète, méprise les humbles travailleurs. C'est ce dernier que les historiens soulignent, jusqu'à y voir une caractéristique propre à la civilisation gréco-romaine. Beaucoup ajoutent que le christianisme naissant aurait accompli une révolution des valeurs, en inventant la dignité du travail. Pourtant, les documents cités plus haut permettent d'entrevoir une réalité plus complexe: la ligne de partage entre exaltation ou dédain des activités manuelles traverse la culture païenne comme la tradition patristique.
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Comme le judaïsme dont il provient, le christianisme est ce que Max Weber appelle une «religion éthique», c'est-à-dire une religion dans laquelle les actes bons ou mauvais du point de vue religieux ne se limitent pas au seul domaine du culte. La morale religieuse y existe comme autre chose qu'un ensemble de prescriptions rituelles. C'est une morale applicable à la totalité des activités humaines, en particulier aux rela- tions des êtres humains entre eux.
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L'application à la vie chrétienne du vocabulaire de l'infériorité sociale constitue ce que nous pouvons appeler une spiritualité de la dépendance. Les croyants utilisent le lexique séculier de la dépendance socio-économique pour définir les relations qu'ils entretiennent avec leur Dieu, pour exprimer en images concrètes une certaine forme de piété individuelle. Il reste alors à savoir si, de cette dernière, les prédicateurs ont tiré une morale. Les métaphores sont-elles restées des artifices du langage, ou bien ont-elles eu un impact sur réalités ?
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