Redon a saisi la puissance fantastique du réel - comme le faisait d'ailleurs aussi certains écrivains naturalistes.
Dans ses écrits l'artiste n'a cessé de réfuter avec force une interprétation "idéiste", "littéraire" ou "illustrative" ou même simplement "poétique" de son œuvre, et a insisté sur le rôle du réel, de la nature et de la vérité avant la construction de son imaginaire.
Au début des années 1880, Georges Seurat exécute ses séries de noirs. Si les deux artistes ont eu une place centrale sans la rénovation du dessin français dans les années 1880, leurs voies furent différentes, en dépit de cette appellation commune de noirs.
Comme dans le pastel, le fusain est à la fois le trait, le dessin, la couleur même, ce qui est très différent des crayons noirs rehaussés de couleur ou coloriés de Jean François Millet par exemple.
Le fusain pour Redon est une matière colorée.
Redon a plusieurs fois commenté dans ses écrits et lettres l'idée suivante: l'enjeu n'est pas le blanc et noir, mais le clair obscur. L'artiste a interprété l'ombre et la lumière du maitre néerlandais comme une expression immatérielle, spirituelle.
Dans les fusains de la maturité, les préoccupations du clair obscur sont toujours au centre de sa quête, telle qu'il l'avait traduite dans ses écrits quelques années plus tôt.
Au XIXème siècle, le fusain est une technique privilégiée pour la copie de tableaux, notamment ceux de Leonard de Vinci dont elle peut rendre en l'équivalence le sfumato et le dégradé atmosphérique des paysages.
Si l'univers artistique de Redon n'a rien de commun avec ces mouvements académiques ou naturalistes, sa technique en elle même, qui a été étudiée de façon très approfondie dans sa relation avec le fusain contemporain par Harriet K. Stratis lors que l'exposition organisée par l'art Institute of Chicago en 1994, demeure caractéristique de tout fusiniste, conventionnelle même.
Redon a lui même commenté sa redécouverte du fusain dans une lettre à Edmond Picard de juin 1894 publiée par l'art moderne la même année sous le titre de "confidences d'artistes": "vers 1875, tout m'arriva sous le crayon, sous le fusain, cette poudre volatile, impalpable, fugitive sous la main. Et c'est alors que ce moyen, parce qu'il m'exprimait mieux me resta.".