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Citations sur Graine de Jivaro (14)

Terrorisée, Laure rebrousse chemin. Après un temps, elle respire. Enfin, ses pensées se ressoudent. Toutefois, il n’y a pas lieu de pavoiser. Il lui a suffi d’une zone désolée, inhabitable pour abandonner sa quête. Néanmoins, des cailloux roulants lui tordent les chevilles, des ampoules lui font des brûlures vives, sa fatigue met à mal son ardeur et son inspiration. En outre, c’est curieux, dans sa marche inversée, tout lui paraît étranger. Vallons et collines prennent un malin plaisir à rabâcher. Que sont devenues les beautés naturelles si bien vantées dans les livres ? Le vent glacial les fait oublier. Au ciel, le soleil est près d’éteindre sa lampe. Avec l’inquiétude du voyageur, Laure se raccroche au sentier, unique espace qui la retient.
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Le verrou tiré, elle avoue sa lassitude. Assez de sacrifices, assez de sentiments. Le doute n’est plus permis, l’injustice est flagrante. C’est l’œuvre souterraine d’un monstre. De toute évidence, Mathilde s’est jouée d’Antoine le lourdaud. Cette visite précipite son destin. Pour elle, le moment est venu de couper les ponts, de délaisser tout un passé d’intrigues. Sa période d’incubation vient de prendre fin. Son avenir s’entrouvre. Fenêtre ouverte, la jeune fille reçoit en plein visage des bouffées de lointain. Segundo lui revient alors lancinant, éblouissant comme une trouée de lumière. Proche de rendre l’âme, le soleil rend une lumière basse de soupirail. En un sublime dégradé de rose, une écharpe soyeuse flotte sur l’arrondi moelleux des dômes. Comme elle aime ce paysage à l’instant de le quitter ! Sa destinée n’est-elle pas de renaître ailleurs ? Le passé aboli, sa passion lui ouvre un univers. Déjà, elle se voit déplier sa carte, tracer sa route des yeux avant de s’avancer vers une autre vie.
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Au cours du ballet de l’aspirateur, les réflexions de Laure oscillent : « Suis-je enfermée ici ou ai-je inventé mon isolement ? Dois-je m’en aller ou attendre encore ? » A l’époussetage, une angoisse la tient, un malaise sans nom qui la fait se heurter à l’écueil des bibelots. En astiquant une théière miniature, l’image de Segundo lui revient. De son lieu éloigné, son héros de roman, son Graal libérateur rejoint un temps son fil d’existence. Mais aimer un Indien, est-ce envisageable ? Adhérer à un univers opposé au sien, n’est-ce pas source de dangers ? A dire vrai, l’aventure ne la tente pas. Tabler sur un mystère ouvre la voie à l’incertitude. A l’inverse, son sort est assuré à Chavignac. La sagesse provinciale est capable de l’assister. Adaptée à un cercle de vie restreint, elle ne souffre pas d’évoluer dans un milieu fermé. Un tour de jardin est un vrai dérivatif. Ailleurs existe un monde étrange et inaccessible comme un rêve.
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Mal à l’aise, Laure s’enfuit au salon. A son entrée, tout lui paraît inhospitalier, les Cupidons renfrognés du mur, les fauteuils accroupis, la blancheur spectrale de la lumière. Une inquiétude la rend fébrile : manger y a-t-elle songé aujourd’hui ? Demain, dans l’Eveil de la Haute-Loire, on lira sans doute : « Un Jivaro lâché en plein champ » ou bien : « Un poncho contre un quignon de pain » ou encore : « Sur la piste d’un affamé. » Vite, il lui faut quitter ce lieu rongé de malveillance et rejoindre Segundo.
Non, ici en fait rien n’a changé. Sa cage réelle est l’habitude. Celle-ci exerce son pouvoir, résorbe sa pensée et l’assèche jusqu’à l’oubli. Il lui revient de s’ajuster au déjà vu et de se retrouver la même. Pour sa part, l’Indien est sur une autre piste, hors de son champ quotidien, un endroit déplacé. Pour elle, poser le pas ailleurs, c’est se perdre. En vérité, il serait hasardeux de fuir le Velay, même si son départ ne priverait pas les siens, à en juger par la gaieté qui règne en son absence. Qu’espérer en cas de conflit ? Aucune protection. Qu’attendre ? Le quotidien est une robe usagée à enfiler.
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Dans l’enfer d’une grotte sacrée, il souffle un air flamboyant. Un sort funeste la revêt de sang. Là vivent les oiseaux de feu à l’ardent plumage de flamme. Leur retraite est la solitude, leur univers les ténèbres. Au crépuscule résonnent leurs cris si stridents que l’Indien effrayé invoque ses ancêtres. Parfois, l’un d’eux chemine vers la grotte, portant au creux de sa paume le portrait de l’aimée disparue. A genoux, il implore son retour du monde du sommeil. Lorsque tournoient les oiseaux sanglants, il frémit car en échange, ils exigent la mort d’un proche. Dès lors, quand un être revient, un autre entame l’ultime voyage.
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Là où elle est née, sait-elle seulement rompre l’ennui des heures ? Ainsi que retombe la poussière, le piétinement cyclique du temps fait écho à la routine. Lasse d’en subir l’emprise, ne pourrait-elle explorer un espace nouveau ? Quelle idée d’écarter l’idée d’un voyage ! Ici, vit-elle vraiment ? De plus, dans ce trou provincial, nul ne la retient. Destitué, le passé où évoluait son père. L’inconnu, elle apprendra à en tourner les pages. Ah ! s’écouler sur des trottoirs nouveaux, échapper aux murs étouffants, fuir les couloirs nus, les chambres lugubres et l’horizon borné d’une salle de bains bleu électrique, soustraire du froid ses mains rougies, calleuses en hiver à force de scier des bûches, se délester de la naphtaline nauséeuse jusqu’au printemps tardif, lâcher sa margelle fictive pour quitter le Velay, tout délaisser comme on quitte un plâtre et se réveiller changée. Cesser enfin de passer à côté de la vie !
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Un sentier en lacets grimpe parmi les pins. Arrivé en haut, un pèlerin reprend haleine et hume le parfum tonique des résineux. Puis il gravit des yeux les monts du Velay. Façonnés par la poussière des vents, minés par le climat, ces anciens géants ont vu fondre les glaciers. À présent, ses dômes endormis ne crachent plus de feu. Certains de ses cratères abritent des lacs profonds. Minés, déchiquetés, rabotés jusqu’à la moelle, d’autres se sont mués en buttes chétives à force d’usure.
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Tirer le verrou, s’abstraire. Assise à son bureau d’enfant, le moment est venu de laisser s’écouler le temps inusable des rêves. Pour leur part, montres et horloges seront rouillées un jour. Certes, le Jivaro ne loge pas ici mais Laure en est imprégnée. Impossible de l’ôter de sa mémoire. Ainsi qu’une aube pure, cet être l’a touchée au plus profond. Depuis leur séparation, sa joie est restée en suspens. Segundo non loin de se changer en amour sans futur, en image sans objet et enfin en impression. Entité évanouie, plus rien à espérer. Peut-on retenir l’insaisissable ? Avant de se séparer de l’Indien, en vain Laure a-t-elle scruté son regard obscur. Au fond se cachait un monde insondable, vertigineux. Sans contredit, cet être perçoit autrement la vie, ses rites sont étranges. Ah ! plus sûr, trouver un creux pour s’enfoncer, une porte secrète qui la mène hors du monde. Et une fois la lampe éteinte, étendue par une nuit lasse, guetter l’oubli du sommeil.
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Ce constat la ramène en arrière. Plus que sa petitesse, elle réalise la fragilité de sa rencontre. De sa mémoire jaillit le profil pur, la grâce élancée, le col de la chemise ouverte. Images liées à certains éléments impénétrables. Folies à se rappeler jusqu’à exaspération. Toutefois, Segundo Amoroso, est-ce un nom ? Surprenant, il cache un abîme inexploré.
En chemin, il naît en elle une sensation de frustration. Le risque est de le voir se muer en obsession. Que provoque un amour insatisfait ? Un désir inassouvi. Hélas ! sa faim s’éteindra peu à peu comme une bougie, mirage plus que réalité. A moins que le lichen du temps ne vienne l’anéantir. Malgré tout, il survivra en elle un autre manque, celui de son père, sa profonde, sa vraie privation. Peut-on perdre ce qui vit en soi ?
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Le petit déjeuner expédié, Honorine harnachée de gris rince les bols. Emballée d’un tablier délavé, Mathilde s’accroche à son balai. Mal fagotées, mère et fille s’offrent une tenue neuve par année bissextile. Quel savant contraste au premier étage ! Bichonné, lustré, étrillé, lotionné, Léonard interroge son miroir. Son front large de demi-chauve contredit ses idées bornées. Sa bouche mince traduit son fond de pingrerie. Un nœud de cravate étrangle son cou de volatile. Court sur pattes le maigrichon se réduit à peu d’espace, symbole de son existence.
Un moment après, l’escalier descendu au sifflet militaire, l’avorton pointe son nez à la cuisine :
« Quelle belle journée ! » lance-t-il à l’adresse d’Honorine qui s’apprête à partir. « Cours toujours, mon lapin ! » songe celle-ci en aparté. Ce matin, sa mauvaise humeur s’est cristallisée autour de son mal de ventre détestable.
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