Dans une petite commune comme il en existe tant d'autres, la vie d'une famille va se retrouver fortement impactée par l'arrivée d'un équatorien qui va rebattre les cartes et brouiller les pistes. Dans ce quasi-huis clos communal, le talent de
Martine SALUCCI va exploser et faire vivre les habitants avec une générosité rare que seuls
GIONO ou RAMUZ, en leur temps, pouvaient nous offrir. Ils sont tous exécrables, détestables, vaniteux, orgueilleux, envieux et si petits dans leurs défauts, si grands dans leurs existences fortement délimitées et si colorés dans leurs complexités. Car, oui, ils sont d'une grande complexité. Théodore, le père, si courageux dans sa tête se révèle finalement paresseux dans ses actions. Honorine, cette mère obscure et revêche, Mathilde, l'aînée désinvolte et cruelle, Léonard, le gendre désabusé et amer, et même Laure, la cadette soumise et naïve sont tous des personnalités à plusieurs facettes qui ne proposent que des questions sans réponses. Que vient faire, dans cette équation à plusieurs inconnues, Segundo Pablo Amoroso ? L'indien catholique va jouer du mystère, de l'attirance physique et surtout de l'extrême nouveauté de son intrusion pour ébranler les convictions et nuancer les certitudes.
Le miracle agit, grâce à une plume excellemment bien maîtrisée et un sens de la profondeur peu commun. Nous sommes à la fois révoltés, suspicieux, interrogatifs et surtout curieux de voir ou cette fable va nous mener, comme les rats du village de Hamelin qui suivent le joueur de flûte des frères Grimm. Mystère ! le final ouvre la porte d'un vide sidéral, qui pourrait laisser perplexe si la vérité n'était pas ailleurs. Où est-elle ? Dans l'attitude d'un bourg qui a vécu sa vie au rythme du coeur de ses habitants ? Dans la perspective que ce que l'on croit ne soit finalement que mensonge ?
Lire sera toujours interpréter. Ne dit-on pas que nous lisons les émotions exprimées par un visage ?
Proust ne lisait-il pas dans le coeur d'Elstir quand il interprétait ses peintures ? le talent est indéniable quand il nous porte à ouvrir les yeux dans une autre direction.