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Critique de SZRAMOWO


A propos des Charmettes, se termine ainsi :
"Voyageurs, allez aux Charmettes, n'écrivez rien sur le livret, cueillez un brin de pervenche, et ne voyez là que les ombres de Jean-Jacques et de la belle Louise, se promenant tête à tête dans un des plus beaux pays du monde, ne songeant plus guère à Claude Anet, ne songeant pas encore à Vintzenried, enfin ne prévoyant ni Thérèse, ni la gloire, ni la misère, ni la persécution, ni les curieux, ni les ingrats, ni les insulteurs."
Cet article est paru dans la revue des deux mondes en 1863, à une époque ou les auteurs d'articles pouvaient s'appeler Georges Sand et non pas Pauline Camille...suivez mon regard...
La célèbre berrichonne, y confesse avoir gardé pour Jean-Jacques Rousseau un attachement sans faille : "fidèle comme au père qui m'a engendré, car s'il ne m'a pas légué son génie, il m'a transmis, comme à tous les artistes de mon temps, l'amour de la nature, l'enthousiasme du vrai, le mépris de la vie factice et le dégoût des vanités du monde."
C'est en effet aux Charmettes, au coeur de la campagne, sur les hauteurs de Chambéry, que le jeune Jean-Jacques Rousseau vit auprès de Madame de Warens, entre 1736 et 1742.
Pour faire son pélerinage, ignorant tout de l'usage du GPS, George Sand n'hésite pas à faire maints détours : "Entre plusieurs raisons qui de Toulon me faisaient revenir à Nohant par Chambéry, — ce qui n'est pas précisément la route, — le désir de faire mon pèlerinage à cette illustre maisonnette avait pesé beaucoup dans ma résolution, et pourtant j'approchais du sanctuaire avec un peu de souci. Je ne savais pas si je retrouverais là ce que j'y venais chercher..."
Trouvera-t-elle ce qu'elle venait chercher ? Oui et non serait-on tenté de répondre bien qu'elle ne soit pas Normande :
"ce qui n'a pas changé, c'est le soudain mouvement de la colline qu'il faut gravir...c'est le caractère doucement mystérieux de cette région couverte et enfermée qui semble inviter aux plaisirs de la rêverie et aux charmes de l'intimité."
Elle perçoit déjà au loin le promeneur solitaire tout à ses rêves, elle le hèle, elle lui fait un signe de la main ! Va-t-il répondre ?
"C'était le 31 mai 1861, par une chaleur tropicale (...) j'avais oublié Jean-Jacques, et, jouissant du monde extérieur pour mon propre compte, (...)"
Elle ne retrouve pas Jean-Jacques mais, "la même pervenche que lui fit observer Mme de Warens pour la première fois vit toujours le long du chemin"
Hélas, la visite de George Sand est polluée par la présence de M****, un catholique furieux l'interpelle, qui reproche à Rousseau de manquer à ses "devoirs de la paternité par exemple. Je suis curieux, je l'avoue, de voir comment votre philosophie disculpera M. Rousseau sur ce point."
Elle réagit, mais ses arguments sont plus rationnels que moraux :
" A votre tour, monsieur, vous plaidez avec chaleur, et moi je ne fais pas de réserves en vous donnant raison. Si Rousseau n'a pas cru être le père des enfans de Thérèse, il a été presque aussi coupable de ne pas le dire qu'il l'eût été en les abandonnant sans cette excuse."
Sur le chemin du retour George Sand glose sur la culpabilité de Rousseau et le souvenir qu'en gardera la postérité. Elle est soudain très loin des rêveries du promeneur solitaire rattrappé par la vrai vie. Mais son amour du philosophe la coudira à excuser l'homme au détriment de la femme :
"Acceptons donc Mme de Warens et n'acceptons pas Thérèse. Retirons notre pardon à celle qui rendit le philosophe ridicule et odieux en apparence; accordons-le tout entier à celle qui lui fit de si belles années et qui ne le trompa jamais."
Un article très contemporain sur la philosophie et la vie au détour d'une visite des Charmettes...
Lecture à recommander.
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