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Critique de Laureneb


Encore une intéressante découverte grâce à Babelio !
Il y a plusieurs romans dans cette oeuvre : elle commence comme un roman gothique très noir, rare chez George Sand. Je n'ai trouvé dans ses écrits que dans la fin de Lélia une telle violence et une telle angoisse en tant que lectrice. L'action commence dans un donjon féodal qu'on a du mal à dater dans le temps : le seigneur s'y comporte comme un véritable meneur de bande du Moyen-Âge, fidèle à son surnom de "Coupe-Jarret". La nuit est noire, les ripailles, les beuveries et les orgies s'enchaînent, on jure et on insulte, l'orage tonne, les loups crient, et les femmes ne sont que des proies pour les désirs des hommes. Edmée est en danger, la pulsion de viol est perceptible chez Bernard, ce qui en fait vraiment un personnage masculin à part dans l'oeuvre de Sand - on est loin du Germain de la Mare au diable par exemple qui est presque un saint... Non, Bernard fait peur, d'autant qu'il n'a pas de limite, il n'a pas été "policé" par la société.
C'est là le deuxième roman dans le roman, un roman d'apprentissage, un roman de formation. Edmée signifie "riche protectrice" d'un point de vue étymologique - j'ai cherché. Et c'est ce qu'elle est pour Bernard, une formatrice dévouée, comme une soeur ou comme une mère. C'est la mise en acte, en pratique, de l'Emile de Rousseau que lisent passionnément Edmée et l'abbé : il faut éduquer Bernard, non pour en faire un pédant - pas besoin du latin, une instruction longue et trop théorique, non pour en faire un homme du monde - il ne s'y sent pas à l'aise parmi les mondains hypocrites, mais pour développer son bon coeur. Il y a implicitement toute une théorie sur l'inné et l'acquis : quelle est la part de la nature ou la part du milieu dans la formation d'un caractère et d'une personnalité ? Bernard développe son intelligence mais surtout raffine ses sentiments au contact de personnes qui sont des modèles, qu'il admire. Cependant, on retrouve une forme d'ambiguïté : Bernard ne veut pas d'une mère ou d'une soeur, il cherche une amante. On retrouve un type de relation qui est souvent présent dans les écrits de George Sand, écrits de fiction ou en partie autobiographique : certes, Edmée n'est pas plus âgée que Bernard comme beaucoup de personnages féminins chez George Sand, mais elle est plus sage que lui et elle lui enseigne ce qu'elle sait.
Voici le troisième roman dans le roman, le roman sentimental. Autant dire que celui-ci est assez prévisible, d'autant que l'on sait dès le début comment le récit de Bernard devenu âgé va finir et comporte de nombreuses longueurs, avec, encore une fois, des torrents de larmes ; les personnages admirent la Nouvelle Héloïse, ceci explique cela...
Quelques traces diffuses de roman historique avec la participation de Bernard à la Guerre d'indépendance américaine décrite très rapidement ou avec les conséquences - très minimes - de la Révolution sur les personnages. George Sand développe surtout sur la peinture intellectuelle, philosophique et morale d'une époque, la fin de l'Ancien Régime,avec la diffusion des idées des Lumières, idées d'égalité et d'humanisme. Tout cela restant teinté d'une morale chrétienne, une des dernières paroles de Bernard étant d'ailleurs "aimez-vous les uns les autres".
Encore un mot sur deux personnages que j'ai trouvé particulièrement intéressant, Patience le philosophe proche de la nature, et Marcasse, le chasseur de taupes au grand coeur.
Décidément, moins George Sand est fleur bleue, plus je l'apprécie.
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