Attendre un bus le week-end en Irlande revenait, et revient toujours, à attendre un miracle.
La tempête était à son apogée. Si,comme le prétendent certaines mythologies,c'était un acte d'amour entre les dieux du ciel et les dieux de la terre,alors ils atteignaient le troisième acte d'une partie de jambes en l'air historique.L'illustre mère de la guerre,un cumulonimbus titanesque de plusieurs miles de haut,était posée sur la côte .Les éclairs se faufilaient entres ses failles,tels de grands fouets qui venaient frapper l'océan et les falaises.La mer se soulevait,meurtrie,lançant ses troupes vers le ciel,comme des griffes d'écume qui auraient voulu chasser une armée de guêpes .(p297)
- La folie, c'est de vivre sa vie comme si elle n'allait jamais s’arrêter, Peter Harper. Apprécie-là. Accepte-là. N'aie pas peur et elle te donnera tout ce que tu attends.
La tempête, baptisée Lucifer par un agent du service de météorologie amateur de style biblique, était annoncée depuis plusieurs jours. Elle allait être carrément exceptionnelle, même pour Donegal, alors attention : on risquait de voir voler les tuiles ou les poteaux électriques. Le type de Radio Costa nous avertissait toutes les soixante minutes : " Remplissez le réservoir de vos groupes électrogènes. Des produits dans le congélateur ? Des boites de haricots a la tomate ? En quantité suffisante ? N'oubliez pas non plus d'acheter des bougies et des allumettes. Et pour ceux qui vivent tout près de la cote, amarrez bien vos barques. Si possible, mettez les voiliers en cale sèche pour la nuit."
Ce matin-la, on annonçait des vents de cinquante-cinq nœuds et il était recommandé d’éviter de prendre la route dès la mi-journée. Il fallait s'attendre a des fortes pluies et des inondations à l’intérieur des terres. Quand aux maisons du littoral, tout le monde se préparait à une nuit de tous les diables !
J'ai entendu dire que certains écrivains appellent ça le tunnel. Quelque chose qui s'ouvre, par magie, dans leur tête et leur permet de voyager vers un lieu ou les histoires, les faits, et leurs personnages se révèlent avec clarté. Alors l’écrivain n'a plu qu'a devenir chroniqueur de ce qu'il voit. Il écrit ou tape sur son clavier aussi rapidement que possible pour ne perdre aucun détail, avant que la porte ne se referme. Il regarde ses personnages, leurs expressions, sent ce qu'ils ressentent et les observe évoluer dans leur quête. Lui, il les suit, comme un espion, pour ensuite nous le raconter.
La source d'inspiration n'est pas très différente pour un musicien. Dans mon cas, je dirais que ça "vient du ciel", ne me demandez pas pourquoi, j'ai toujours pensé que "cela" venait du ciel, comme une révélation. Une mélodie, tout le monde peut la voir, mais très peu savent la saisir. Comme pour attraper un papillon farouche, nous, les musiciens, avons un filet dans la tête. Il y a des filets, plus ou moins grands, plus ou moins précis, mais quoi qu'il en soit, nous sommes tous motivés par le même but : capturer cette mélodie, ce soupir magique dont nous "pressentons" l'existence autour de nous, le maitriser et, comme une vielle relique, restaurer chacun de ses infimes et merveilleux détails que seul un être suprême a été capable de concevoir.
La tempête était à son apogée. Si, comme le prétendent certaines mythologies, c’était un acte d’amour entre les dieux du ciel et les dieux de la terre, alors ils atteignaient le troisième acte d’une partie de jambes en l’air historique.
Il aurait fallu que je fume un sacré joint, ou que je m’amuse avec un truc genre mescaline, pour percevoir tout cela avec autant de précision. C’était aussi proche que possible de la meilleure définition du réel.
Créer est un acte de confiance absolue.
Après avoir maudit tous les démons et farfadets d'Irlande d'une telle guigne, j'ai laissé l'engin tomber sur la route pour l'installer à l'envers, roues en haut.
On est à Donegal ici, on peut dormir les portes ouvertes.