AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Ambages


« Les couleurs viennent du coeur, les pensées du souvenir, les mots de la passion. »

Un livre assez impressionnant. Il ébouriffe dès les premières pages. La narratrice, Modesta, raconte une grande partie de sa vie, ses drames, ses rencontres, ses ''enfants'', ses coups de coeur, qu'ils soient sentimentaux, littéraires, idéologiques. On sent la présence, au travers de cette histoire qui s'étale sur plusieurs décennies, de la pensée de l'auteur, Goliarda Sapienza, son histoire personnelle, ses combats, ses rêves et espoirs durant toutes ces années difficiles qu'a connues l'Italie.

Elle y parle un peu de sa mère, Maria Giudice :
« - Vous ne connaissez pas Angelica Balabanoff ? Je croyais que vous la connaissiez, c'est une grande amie de Maria Giudice.
Non, je en l'ai pas connue. Elle est belle comme Maria ? »

Elle y parle de l'amour :
« ...parce que les sens suivent l'intelligence et inversement, il me semble qu'on tombe amoureux parce qu'avec le temps on se lasse de soi-même et on veut entrer en un autre. (...) entrer en un « autre » inconnu pour le connaître, le faire sien, comme un livre, un paysage. Et puis, quand on l'a absorbé, qu'on s'est nourri de lui jusqu'à ce qu'il soit devenu une part de nous-même, on recommence à s'ennuyer. Tu lirais toujours le même livre, toi ? »

Elle y parle de la mort :
« Il est temps de se remuer, de lutter de tous ses muscles et de toutes ses pensées dans cette partie d'échecs avec la Certa qui attend. Et chaque année volée, gagnée, chaque heure arrachée à l'échiquier du temps, devient éternelle dans cette partie finale. Réfléchis, Modesta, peut-être que vieillir de façon différente n'est qu'un acte révolutionnaire de plus... »

Elle y parle de la Sicile, du langage, de son évolution :
« - Et comment devrais-je les appeler ? de ces noms méprisants que leur donnent les étrangers ?
- Velluta... Cela faisait si longtemps que je ne l'avais pas entendu ! Notre langage se perd, Mattia, et il laissera beaucoup de regrets dans cette île. Tuzzu disait : ''Les couleurs viennent du coeur, les pensées du souvenir, les mots de la passion.'' »

Elle y parle du temps :
« Mais l'avenir n'existe pas, ou du moins l'inquiétude pour l'avenir n'existe pas pour moi. Je sais que seulement jour après jour, heure après heure il deviendra présent. Et dans ce présent que nous avons eu – et avons – tu m'as donné bonheur, conceptions nouvelles, tu m'as fait grandir mentalement et puis... »

Elle n'hésite pas à nous interpeller, nous lecteurs :
« Nina est curieuse comme vous l'êtes, vous qui lisez. Excusez-moi, le fait est que vous lisez chez vous, et peut-être êtes-vous dans un temps de paix, tandis que je vis dans un temps de guerre. »

Alors, je lui laisse la parole : « Raconte, Modesta, raconte. »

J'ai apprécié cette lecture. L'art de la joie est un roman qui parle de liberté avant tout : « Une grande liberté d'esprit et de mouvement ! Comment as-tu fais pour conquérir tant de liberté ? » Et il m'est apparu que c'est un travail long et difficile pour le faire dans le respect des autres. Modesta, bien évidemment en voyant cette photo de couverture, Modesta ne pouvait qu'avoir les traits de Goliarda Sapienza, magnifique ! Toutefois, Modesta n'est pas un personnage qui m'a enflammé (un peu trop parfaite pour moi -même quand elle reconnaît ses petitesses-) mais le livre tient sur la longueur -notamment la petite voix de Tuzzu, qui revient chanter des vérités toutes simples et si belles à l'oreille de Modesta toute sa vie alors qu'elle ne l'aura croisé que quelques temps dans sa toute jeunesse- et j'admire ce travail. Il y a de très belles phrases.

A un moment j'ai pensé au roman Les hauts de Hurle-Vent. D'une part parce que j'ai eu la même difficulté à retenir l'enchevêtrement familial avec des prénoms récurrents et des personnages vivants tous dans cette grande maison. Et puis, quelque chose m'a conduit à ce petit parallèle, vers la fin du roman, sans doute le personnage de Catherine me revenait en mémoire alors que je lisais chez Sapienza «Il faut mettre de la distance avec ceux qu'on aime, la distance clarifie presque plus que la mort.» Mais je ne saurais l'expliqué plus. Une association d'idées. Deux romans, deux femmes écrivains...

C'est également un roman d'apprentissage. Si je dois en retenir un seul, je choisis celui du jardinier, Mimmo : « tu m'as appris à rire et personne ne me retirera ton enseignement.»
Commenter  J’apprécie          852



Ont apprécié cette critique (57)voir plus




{* *}