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Critique de folivier


"L'histoire est terminée, il n'y aura rien d'autre à raconter".... C'est ainsi que se termine le dernier roman de José Saramago. Dernière phrase intrigante et très émouvante lorsque l'on sait que quelques mois plus tard Saramago partait pour toujours. Prémonition d'un vieil homme pressentant sa fin proche ? Lucidité de l'écrivain sur son dernier roman ? Alors pourquoi Saramago a t-il choisit comme sujet de ce dernier texte la Bible, Dieu et sa relation aux hommes, ou plutôt l'inverse ? José Saramago était un athée convaincu et militant et tous ses textes sont des métaphores de nos sociétés occidentales, des critiques grinçantes de notre monde. Il faut donc replacer ce dernier roman dans ce contexte.
José Saramago, revisite la bible et ses étapes les plus marquantes et les plus sanglantes pour décrire un monde remplit de peur, d'angoisse, de colère. Tous ces évènements peuvent être lu comme les métaphores des malheurs qui depuis la nuit des temps terrorisent l'homme : la nature qui détruit (le feu de Sodome, le déluge), les maladies et la déchéance (Job), les pulsions destructrices de l'homme (les guerres et les massacres, Jericho, les meurtres, Caïn, Abraham). Pour survivre a cet univers violent et incompréhensible, pour lui donner sens, tous ces évènements sont attribués à la volonté d'un Dieu, cruel, égoïste, vengeur et sans compassion, jouant avec cynisme de sa création, l'homme.
Caïn, condamné par Dieu à errer sans fin sur la terre pour avoir tué son frère Abel, va parcourir un continuum de présent passant de la reine Lilith, à Abraham, se retrouvant au Mont Sinaï avec Moïse, durant la construction de la tour de Babel, puis lors de la destruction de Sodome, ou lors des massacres de Jericho et de toutes les villes de Palestine pour finir avec Noé et son arche. Caïn va être emporté dans un cauchemar qui lui fait découvrir la vrai nature de Dieu. Ou plutôt la vrai nature de l'homme qui a inventé ce Dieu, qui a créé ce seigneur tout puissant pour donner sens au monde, et tel un docteur Frankestein perdant la maîtrise de sa créature, l'homme devient le jouet de ce Dieu et subit le joug de sa loi.
"d'où provient l'idée extravagante que dieu du seul fait qu'il est dieu doive régenter la vie intime de ses fidèles en établissant des règles, des prohibitions, des interdits et autres fariboles du même tonneau" (pg 166 Ed Point Seuil)
Puisque pour tuer Dieu il faut détruire son créateur, puisque ce Dieu n'est qu'invention, alors Saramago par sa liberté de créateur (par la littérature et la métaphore) va permettre à Caïn d'être présent lorsque Dieu déclenche le déluge pour détruire sa création puisque qu'il considère l'homme comme mauvais, corrompu et uniquement attiré par le mal. Seul Noé et sa famille seront sauvés pour créer la nouvelle humanité. Caïn va embarqué et tuer la famille de Noé pour se retrouver dans un tête à tête éternel avec Dieu.
"C'est simple, j'ai tué abel parce que je ne pouvais pas te tuer toi, mais dans mon intention tu es mort" (pg 38 Ed Point Seuil)
"Moi je n'ai fait que tuer un frère et le seigneur m'a châtié, j'aimerai bien voir maintenant qui châtiera le seigneur pour tous ces morts" (pg 106 Ed Point Seuil)
Saramago pose à toute les pages du roman cette éternelle question sur la relation de l'homme à Dieu qui est finalement la relation de l'homme à lui-même confronté à sa capacité à répandre le mal, la souffrance, la terreur et l'horreur et face à sa volonté de vivre et d'aimer. La fin du roman est peut-être la réponse : il n'y en a pas, comme Caïn condamné à une éternelle errance, nous somme condamné à un éternel questionnement solitaire face à nous même et notre liberté d'agir
Comme a son habitude, Saramago avec son style si particulier, manie l'humour, la dérision, les anachronismes avec énormément de talent. Ce roman, assez court, est bourré de gags assez désopilant : c'est en fait Caïn, arrivé par hasard sur les lieux, qui retient le bras d'Abraham prêt à sacrifier son fils Isaac l'archange arrivant en retard après avoir eu des problèmes de coordination dans ses battements d'ailes ! Avant le déluge Dieu vérifie le système hydraulique de la planète !
Un roman très dense (chaque page pourrait être citée), très noir. Un texte qui prend de la densité au fil des pages et au fur et à mesure que l'on comprend où Saramago veut nous amener. Un roman dont la petite musique assez sombre continu à me poursuivre. le dernier roman de José Saramago qui l'air de rien nous oblige à s'arrêter sur l'histoire de l'humanité, ce que nous sommes devenu et ce que nous avons fait de notre monde.
"Que je sache nous ne nous sommes jamais demandé ici s'il nous méritions ou non la vie, dit caïn, Si vous aviez pensé à vous le demander vous ne seriez peut-être pas sur le point de disparaître de la face de la terre." (pg 165 Ed Point Seuil)
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