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Critique de marilyngillaizeau


J'ai lu, par curiosité d'écriture contemporaine, ce second roman de Galien Sarde, un auteur dont je ne manquerai pas de lire le précédent roman et de suivre les futurs écrits : j'ai vécu au final – comme si j'avais grimpé dans un bus dont la destination était laissée au hasard –, une escapade originale, menée incontestablement par une plume de choix.

Trafic, roman épuré de 135 pages pouvant se lire d'une traite, est un court thriller doublement attrayant (forme et fond) dont le titre se révèle multisens.

J'en ai relevé trois.

Non sans originalité (style et fond), j'ai été balancée à partir de l'incipit (un embouteillage provoqué par un accident) entre un film, les réminiscences d'un autre accident non survenu, Vincent & Manon, les deux protagonistes dont les moeurs et les sentiments sont quelque peu atypiques. Et des billets verts ! (deuxième sens du mot « trafic » : la source dudit « pactole »), ceci au rythme d'une tension dirigée par une plume fort plaisante, fleurant bon les beaux mots, joliment et savamment tournés (chose relativement rare aujourd'hui).

Et selon une épure stylistique haut de gamme – part aussi importante du roman contribuant au plaisir de la lecture – magnifiquement réussie.

La fin est exaltante, et le chapitre 13, l'avant-dernier, carrément excellent !

Subjectivement, hélas, sur le plan humain, mon oeil féminin (âgé) a été déçu, non attiré par les personnages peu réalistes ni convaincants qui m'ont laissée de marbre froid : une « pulsion désirante… » obsessionnelle… tristement intéressée.

Des protagonistes aux moeurs et sentiments quelque peu atypiques.

Vincent, un jeune homme actif qui réussit bien dans sa carrière, protagoniste n° 1, a rencontré Manon (n° 2) à Paris, il y a quatre mois – où précisément, comment, quelle idylle ont-ils partagée ?

Le roman est muet, nous plongeant immédiatement – et pour le tout peut-on dire – dans l'attraction sur lui provoquée par Manon (citations sur mon site)

… et le film qu'elle a tourné juste avant leur rencontre, attraction concomitante à l'urgence soudaine de Vincent de changer d'air, s'accrochant « parasitairement » aux facilités offertes par le train de vie de Manon, dans un milieu arrosé où les fêtes et les verres se succèdent…

Pulsion désirante, soit, mais Amour où es-tu ?

Vincent tente de se disculper (détails sur mon site).

De Manon, présentée dans une parité qui s'effritera vite – tout tournant autour de la « pulsion » de Vincent, objet de démonstration du livre –, on ne connaîtra, en dehors de sa plastique et de son attrait rayonnants décrits par Vincent, qu'un être misérablement froid, plus préoccupé d'expédients… (détails sur mon site).

Quels sont ses sentiments, au moins pour Vincent ? On ne le saura pas…

Un seul passage me l'a rendue véritablement humaine :

« Après un regard à l'une des fenêtres, où la nuit prenait corps, Manon se leva calmement, fit quelques pas en direction de la zone la plus sombre du salon où, mains dans le dos et yeux levés vers les moulures du plafond, elle s'appuya contre la double porte vitrée pour respirer. »

De manière tout aussi épurée, l'histoire nous dit peu de choses sur les protagonistes (qui m'ont été d'emblée antipathiques) : j'ai appréhendé Vincent comme un mâle égoïste, et Manon, une calculatrice froide dont le comportement fournira, dans l'épilogue, le 3e sens du mot « trafic » – à tout le moins nous le laissera interpréter – déboulant dans l'oralité du mot : « trafiquer » ou « traficoter ».

Peut-être y-a-t-il là un phénomène générationnel qui a interféré ? Ou n'est-ce, tout simplement, parce que je suis une fan invétérée de Duras : « à Calcutta, non, à aucun moment à Calcutta la nourriture ne se confond avec la poussière, les choses triées avec précision, l'esprit n'est plus là pour le faire, autre chose trie pour lui ce qui se présente. » (Le Vice-Consul).

Cet avis sur le fond du livre (qui vaut la peine d'en débattre) est totalement subjectif. Je n'ai également fourni que quelques extraits (le choix était large) qui attestent néanmoins d'une plume talentueuse, méritant manifestement d'être suivie. Assurément lirai-je Échec & mat, son premier roman encensé, publié chez le même éditeur.

À suivre…


Lien : https://zoegilles.net/trafic..
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