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Cycle indien tome 2 sur 5
EAN : 9782070298440
224 pages
Gallimard (10/11/1977)
3.56/5   192 notes
Résumé :
Qui est le vice-consul ? Pourquoi tirait-il de son balcon dans la direction des jardins de Shalimar où se réfugient les lépreux et les chiens de Lahore ? Pourquoi adjurait-il la mort de fondre sur Lahore ? Un roman de l'extrême misère : celle de l'Inde, mais aussi celle du cœur, débordant de culpabilité.
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Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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Elle me hante toujours, la pauvresse qui, de Battambangh à Calcutta, étire sa silhouette à la Giacometti le long des bords du Gange, en appelant son enfant mort.

Le Vice-Consul, c'est pour moi l'histoire d'une passion et d'un remords.

Une passion pour Duras, depuis ma découverte du Vice-Consul, à 20 ans, jusqu'à... Emilie L. qui signa le debut du désamour.

Et un remords...parce que je n'ai jamais rendu le livre à l'ami, aujourd'hui disparu, qui me l'avait prêté en me recommandant vigoureusement de le lui rendre...

De cette lecture date aussi mon amour fasciné et horrifié pour l'Inde, ma tendresse pour les personnages frappés de déraison ou de désespoir- quand ce ne sont pas les deux- auxquels Duras se plaît à fredonner sa petite mélodie "Chanson, toi qui ne veux rien dire..."et qu'elle happe insidieusement, comme le serpent Kaa le petit Mowgli, dans ses anneaux romanesques d'où ils ressortent de loin en loin, de roman en film, et de film en pièce de théâtre : la beĺle Anne-Marie Stretter, la folle du Gange, le Vice-Consul de Lahore...silhouettes à la fois familières et mystérieuses.

Un beau roman, plein d'odeurs pestilentielles et suaves, plein de torpeur et de désir , plein d'images.

Que je n'ose rouvrir, de peur d'y voir un nom qui n'est pas le mien sur la page de garde mais surtout de peur que s'évapore et se dissolve, dans nos nuits trop froides, la chaude magie de ce nocturne indien..

A J.P. B. . dans l'espoir qu'il me pardonne mon larcin...promis, je m'engage à me faire subtiliser ce livre à mon tour, pour lui faire un nouvel adepte!
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Ce roman, paru en janvier 1966 fut écrit laborieusement à partir de 1962. Plusieurs fois au point mort, il a été repris et modifié fortement par l'auteure, avant d'aboutir au résultat final. Il sera adapté au théâtre sous le titre d'India Song en 1973, puis toujours sous ce titre transformé en film en 1975. C'est peut-être le film de Duras le plus connu, grâce sans doute à l'obsédante musique de Carlos D'Alessio. Nous retrouvons dans ce roman des personnages entrevus dans le ravissement de Lol V. Stein, Anne-Marie Stretter et Michael Richard (dont le nom se transforme légèrement du Richardson d'origine).

Le livre est un objet complexe, plusieurs narrations, narrateurs potentiels, voix, se mêlent dans une sorte de polyphonie. Une jeune fille enceinte chassée de chez elle, qui marche, qui traverse des pays, qui vit le fond de la misère et du malheur, débute le récit, et reviendra encore, jusqu'à devenir une mendiante chauve, lançant une mélopée lancinante à Calcutta, à proximité de la résidence du consul de France. Mais il y a aussi les habitants et habitués de la résidence du consul, tous sous l'emprise, sous la fascination, sous le charme indicible d'Anne-Marie Stretter, la femme du consul. Femme fatale, sur laquelle circulent des histoires, presque des mythes se construisent, sorte de sphinge, qui garde ses mystères, elle attire et fait fantasmer les hommes. Et puis il y a le Vice-consul du titre, reprouvé qui aurait commis des choses terribles à Lahore, il est en attente que l'on décide de son sort, mis au ban de la société européenne. Anne-Marie Stretter l'invite à une de ses soirées, une communication étrange semble s'établir entre eux. Et il y a tous les hommes qui circulent autour de la femme du consul, dont Peter Morgan, qui écrit l'histoire de la mendiante, au point que l'on ne sait pas si ce que nous avons lu à son sujet est le récit du vécu de cette femme, où le récit inventé par Morgan à son sujet. Où peut-être un mélange des deux, sans qui nous puissions savoir où se situe la frontière entre les deux.

Dans une Inde rêvée, dans une chaleur moite, qui provoque une sorte d'état second, Marguerite Duras construit un labyrinthe fascinant, dans lequel on croise des personnages incertains, qui livrent par bribes, des morceaux de leur être le plus profond, presque malgré eux. Des correspondances étranges, jamais explicitées surgissent, comme entre la mendiantes et Anne-Marie, ou entre Anne-Marie et le Vice-consul. L'insupportable douleur du monde, l'impossible acceptation du malheur, mais aussi la force déchirante du désir, la séparation irrémédiable d'avec les autres, l'enfermement dans des conventions auxquelles on ne peut échapper, les thèmes, les trames s'entremêlent, au point qu'il est difficile de les identifier. Comme dans un morceau de musique où les notes se mêlent pour former un motif qui est un tout. Il faut se laisser porter, sans essayer de tout comprendre, s'abandonner au charme, à la magie des mots, pour faire ce voyage dans un lieu, qui est nulle part et partout, dans l'imaginaire, et au fond de chacun. Si on y arrive, ce sera un moment inoubliable.
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Ce roman de Duras ne peut laisser indifférent. de premier abord, très abscons. On suit l'errance de cette pauvre fille, enceinte, chassée de chez elle. Peu à peu, le récit se construit. La rencontre entre deux mondes. La misère d'un côté et le petit monde très circonscrit de la diplomatie. Comme un îlot incongru, inconvenant, dans cette misère ambiante. Ce monde miniature où chacun s'épie, se jauge, devient le symbole de la décadence occidentale, dont le vice-consul de France à Lahore est le catalyseur de tous les maux, de toutes les turpitudes. On ne saura jamais d'ailleurs qui est vraiment ce personnage du vice-consul. Il est pourtant celui qui assume pleinement le malaise d'être plongé dans cet univers indien, de pauvreté. Il ne supporte pas de côtoyer cette misère, la mort sous ses fenêtres. Les autres, ses pairs, ne comprennent pas son acte, cette perte d'identité. Eux qui se complaisent dans les plaisirs illusoires que leur offrent leurs conditions de diplomates. L'Inde, pour eux, se limite aux réceptions à l'ambassade et à l'excursion au « Prince of Wales » dans le delta. Je me demande si le delta avec les marécages et la confusion entre les îles et l'eau du fleuve et de la mer, n'est pas une allégorie de leur perte de repères. Duras épingle, à travers ce roman, l'univers colonial, qu'elle connaît bien. L'angoisse est palpable, omniprésente. Toutes les actions de ce petit monde sont mues pour conjurer cette angoisse, la refouler. On ne veut pas voir la réalité.
Le texte de Duras est cependant réellement déroutant. Elle triture la syntaxe. Les phrases sont rarement abouties. le dialogue entre les personnages reste souvent en suspend. Pas toujours facile pour le lecteur de s'y retrouver. On se perd entre les personnages, souvent. Un mal-être certain s'installe, étouffant. La folie menace. Mais c'est à ce prix que Duras nous fait comprendre les discordances humaines.
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Un texte d'une grande force.
"Le Vice-Consul" de Marguerite Duras, c'est l'histoire d'un homme, Jean-Marc de H., rapatrié de Lahore d'où il a commis un acte de folie : tirer au pistolet sur des lépreux et les chiens des jardins de Shalimar. Mais pas seulement, c'est aussi l'histoire de personnages qui se croisent, des silhouettes familières dans l'oeuvre de Duras qui interrogent sur l'identité, la misère, le bonheur, la folie…
Le décor est l'ambassade de France à Calcutta où nous retrouvons Anne-Marie Stretter, la femme de l'ambassadeur qui hypnotise tous les Européens en poste à Calcutta et, à l'opposé sur l'échelle sociale, la petite mendiante chassée par sa mère de Savannakhet, au Laos, silhouette squelettique malgré son gros ventre et sa honte, qui marche jusqu'à Calcutta et sème un peu de sa raison à chacun de ses pas. La silhouette de la mendiante décharnée par la faim, dépouillée de son identité, de sa mémoire et même de son langage, hante l'oeuvre de Marguerite Duras.
Ce roman fait partie de ce que l'on désigne souvent comme le « cycle indien » de Marguerite Duras, ensemble de trois romans (Le ravissement de Lol V. Stein 1964, le Vice-Consul 1966, l'amour 1971) et trois films (La femme du Gange 1974, India song 1975, Son nom de Venise dans Calcutta désert 1976).
Dans "Le Vice-Consul", les personnages sont en perdition. Et Marguerite Duras excelle dans ce roman bouleversant qu'elle a écrit à un moment de sa vie où elle-même était en souffrance. Sa prose est fracturée et le rythme lancinant mène l'émotion à son comble.
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Pour moi, le roman le plus ardu, énigmatique et abscons de Duras.
Lu en une journée, je n'ai pu le lâcher, pourtant, ce fut une lecture difficile, mais belle, tellement belle...
Je suis d'accord avec une amie Babelienne qui dit très justement que c'est une écriture poétique. Surréaliste mais poétique.
D'ailleurs, je n'arrive pas à me séparer des livres de Duras, à chacun, il faut que, coûte que coûte, je le termine vite, vite, comme une respiration, un battement de coeur, ma vie même. C'est comme cela, je ne me l'explique pas, c'est probablement dû au grand talent de cette auteure.
Ici, deux récits qui se rejoignent pourtant, celle de la mendiante qui vend son enfant à Anne-Marie Stretter (et oui, encore elle !), et la vie des grands bourgeois nommés à Calcutta, ambassadeurs, leurs femmes, les chargés de mission, bref toute la clique fortunée de cette ville aux odeurs de pourriture, de lauriers-roses fanés, d'une pestilence tenace et envoûtante.
Mais surtout, il y a le vice-consul, malade, fou, qui a tiré sur les lépreux et les chiens errants de Lahore. Tout s'articulera autour de ce fait divers.
On ne peut résumer un livre pareil, tout part dans tous les sens, dans toutes les directions, les dialogues comme la narration (on dit). Les phrases sont décousues, le narrateur toujours présent, peut-être trop.
D'ailleurs, on dirait une pièce de théâtre, ce qui n'est pas surprenant connaissant le goût de Duras pour cet exercice.
On retrouve donc la mendiante de Un barrage contre le Pacifique, histoire vraie, terrible, un drame pour la petite Marguerite, à qui sa mère a confié cet enfant presque mort-né, et qu'elle n'a pas réussi à sauver. de cela, Marguerite ne pourra s'en remettre tout à fait.
Beaucoup de folies dans ce merveilleux roman, la mendiante mais également le vice-consul.
La scène longue du bal, nous ramène inexorablement vers La ravissement de Lol V. Stein, avec des scènes quasi-similaires, comme la ronde du désir autour de ce personnage féminin qu'affectionne tout particulièrement l'auteure. Une amie d'enfance ? Certainement. J'ai meme pensé à une relation homosexuelle tant Duras est hantée par ce personnage. Cela n'engage que moi bien sûr.
Les thèmes chers à Duras sont bien présents, la danse, le bal, l'adultère, le désir, le crépuscule (là encore, je pense toujours à l'état crépusculaire psychiatrique qui hante l'auteure dans beaucoup de ses livres), la misère, les pauvres autochtones, la haute-bourgeoisie, le thême du blanc et du noir, et enfin, la folie.
Aucun n'est heureux, mais aspire à l'être. Quoique...
J'ai lu que Duras l'avait écrit pendant une période très douloureuse de sa vie, et qu'elle avait fait l'ermite huit mois durant pour l'écrire, et cela ne m'étonne guère.
Ce livre est incroyable, mais surtout douloureux.
J'ai ressenti beaucoup d'empathie pour les personnages, enfermés, bouclés et prisonniers de leurs névroses, voire de leurs psychoses. Psychose de la mère ? C'est bien possible. Les échanges sans queue ni tête sont légions et il faut s'accrocher pour continuer.
En fait, le lecteur doit accepter de s'enliser et de se perdre dans le texte. C'est à cette seule condition qu'il pourra lire ce roman étrange fait d'étrangetés.
Mais quel style magnifique !
L'enfance de Duras transpire à chaque page.
Allez, c'est une lecture qui demande des efforts, mais au final, on en est heureux.
Et c'est bien le principal.


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Citations et extraits (45) Voir plus Ajouter une citation
On dit, on demande : Mais qu'a-t-il fait au juste ? Je ne suis jamais au courant.
- Il a fait le pire, mais comment le dire ?
- Le pire ? tuer ?
- Il tirait la nuit sur les jardins de Shalimar où se réfugient les lépreux et les chiens.
- Mais des lépreux ou des chiens, est-ce tuer que de tuer des lépreux ou des chiens ?
- Aussi bien des balles ont été trouvées dans les glaces de sa résidence à Lahore, vous savez.
- Les lépreux, de loin, avez-vous remarqué ? On les distingue mal du reste, alors...
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Il s'était produit un déchirement de l'air, sa jupe contre les arbres.[...]

Il est six heures. Elle montre une direction sous les nuages. Il y a une lumière livide. Elle dit : Le delta du Gange, c'est par là : là le ciel est un amoncellement fantastique de fourrages vert sombre.
Il dit qu'il est heureux. Elle ne répond pas. Il voit sa peau tachée de soleil, très pâle, il voit qu'elle a trop bu, il voit que dans ses yeux clairs le regard danse, s'affole, il voit tout à coup, voilà, c'est vrai, les larmes.
Que se passe-t-il ?
- Rien, dit-elle, c'est la lumière du jour, quand il y a du brouillard, elle est si pénible... [...]

Il marche dans Calcutta. Il pense aux larmes. Il la revoit pendant la réception, essaie de comprendre, frôle des explications, ne les approfondit pas. Il lui semble se souvenir que dans l'exil du regard de l'ambassadrice, depuis le commencement de la nuit il y avait des larmes qui attendaient le matin.
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- Est-ce que vous croyez qu'il est nécessaire de donner un coup de pouce aux circonstances pour que l'amour soit vécu ?
Le directeur ne comprend pas ce que veut dire le vice-consul.
- Est-ce que vous croyez qu'il faut aller au secours de l'amour pour qu'il se déclare, pour qu'on se retrouve un beau matin avec le sentiment d'aimer ?
Le directeur ne comprend pas encore.
- On prend quelque chose, poursuit le vice-consul, on le pose en principe devant soi et on lui donne son amour. Une femme serait la chose la plus simple.
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[ Incipit ]

Elle marche, écrit Peter Morgan.
Comment ne pas revenir ? Il faut se perdre. Je ne sais pas. Tu apprendras. Je voudrais une indication pour me perdre. Il faut être sans arrière-pensée, se disposer à ne plus reconnaître rien de ce qu'on connaît, diriger ses pas vers le point de l'horizon le plus hostile, sorte de vaste étendue de marécages que mille talus traversent en tous sens on ne voit pas pourquoi.
Elle le fait. Elle marche pendant des jours, suit les talus, les quitte, traverse l'eau, marche droit, tourne vers d'autres marécages plus loin, les traverse, les quitte pour d'autres encore.
C'est encore la plaine du Tonlé-Sap, elle reconnaît encore.
Il faut apprendre que le point de l'horizon qui vous porterait à le rejoindre n'est sans doute pas le plus hostile, même si on le juge ainsi, mais que c'est le point qu'on ne penserait pas à juger du tout qui l'est.
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Comment ne pas revenir ? Il faut se perdre. Je ne sais pas. Tu apprendras. Je voudrais une indication pour me perdre. Il faut être sans arrière-pensée, se disposer à ne plus reconnaître rien de ce qu'on connaît, diriger ses pas vers le point de l'horizon le plus hostile, sorte de vaste étendue de marécage que mille talus traversent en tous sens on ne voit pas pourquoi.
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