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Critique de dancingbrave


Voici un vrai VTLP* : le style d'écriture simple et le sujet font de ce roman d'aventure un texte captivant. Pas de degrés multiples de lecture mais de belles avancées d'idées, que je crois êtres originales et censées, laissent à réfléchir.
Au début du roman, nous sommes un peu déboussolés, croyant avoir mal lu ou mal interprété certaines situations ou la nature des personnages. J'avoue avoir fait plusieurs retours en arrière, voulus par notre malicieux écrivain, avant de commencer à comprendre que le roman allait être une sorte de valse de plus en plus rapide aboutissant au vertige complet autour de « l'éclat de Dieu ».
Il est impossible d'en dire plus sans dévoiler le coeur de l'intrigue, mais je ne me tairai pas avant de vous toucher deux mots de ce qui est, pour moi, la richesse de ce roman, un véritable questionnement philosophique ou métaphysique :
Pour Romain Sardou, l'homme ne peut comprendre son monde que par les limites de sa raison, c'est-à-dire dans l'espace et dans le temps. Dans l'espace car il doit acquérir un support d'apprentissage – un livre, un déplacement – et dans le temps car il lui faut assimiler successivement des notions qui formeront un tout. Ceci lui fera construire son umwelt et rien d'autre. Car dans le cas de l'homme cela se résume à définir des lois physiques ordonnant ce qu'il perçoit, y cherchant des équilibres, des harmonies qui le satisfont.

Mais pourtant cette satisfaction est bien orgueilleuse et voici quelques limites à notre entendement, des phénomènes difficilement interprétables par notre logique légiférante :

Car enfin si le monde est vraiment organisé en lois rigoureuses, ordonnées, harmonieuses, équilibrés, pourquoi le temps ne le pourrait-il pas, pourquoi ne pourrions nous pas prévoir « scientifiquement » l'avenir ?
Simplement parce que tout peut arriver ; mais n'est-ce pas plutôt que tout est arrivé et que tout arrivera ? Et que, de façon vertigineuse pour notre entendement, tout existe dans des multivers innombrables.

De même : Nous arrivons parfaitement à imaginer le temps et l'espace comme étant infinis ; la preuve en est que l'idée de la fin du temps ou de l'espace est elle beaucoup plus dure à concevoir et surtout plus inquiétante. Mais pourtant si temps et espace sont infinis, il existe autant, c'est-à-dire une infinité de chances que j'existe mais aussi autant - une infinité- que je n'existe pas. Ceci pour moi mais aussi pour chaque élément de l'Univers. Ainsi l'infini s'annihile-t-il lui-même : Tout ce qui justifie l'existence d'une chose est contrebalancé par un amas égal de raisons justifiant son inexistence. L'Infini se dévore lui-même. Mais pourtant j'existe bien !
L'Infini est bien une notion retorse que nous croyons concevoir et utilisons couramment sans en mesurer l'étrangeté et les pièges.
Si nous sommes bien là, c'est que nous nous trompons quelque part, bien sûr.
L'Infini se doit d'être limité ou « contracté » sur lui-même

A présent nommons l'Infini, Dieu. Simplement parce qu'il est plus commode d'attribuer une volonté à un Dieu qu'à une idée abstraite. Avant la « création », Dieu est en lui-même sans fin et intemporel. Rien ne peut exister en dehors de lui, ni vide, ni matière. D'ailleurs le dehors de lui-même n'existe pas
Il EST au sens définitif du terme. Il est TOUT. Il se trouve donc dans l'incapacité de créer quoi que ce soit ; Il ne peut rien produire en lui car cela est déjà. L'infini se dévore lui-même. Il doit donc avant tout « ménager » un « hors de lui », ce que nous nommions plus haut une « contraction ».
Ainsi le premier geste de Dieu n'a pas été créateur mais destructeur. Il crée un « vide », un espace extérieur à lui, dans lequel Créer. Dieu doit renoncer à sa plénitude.
Si nous reprenons le mot « Infini » nous comprenons qu'il faut nécessairement un repli, une contraction, une limite afin que notre Univers puisse exister ; une limite qui fasse que les paradoxes de Zénon n'en soient pas.

Et à la question du pourquoi Dieu a décidé de renoncer à sa plénitude, deux possibilités s'offrent : Les chrétiens avanceront que c'est l'abandon lié à l'Amour divin pour l'Homme ; Romain Sardou soutient que c'est pour les mêmes raisons que celles qui poussent les hommes qui sont à son image ; le besoin d'être aimé.
Gare au bûcher, monsieur Sardou !

Vos voyez, un beau roman d'aventure dans l'espace, dans le temps mais aussi dans nos propres certitudes et surtout nos propres incertitudes.

(* Vite, Tourne La Page !)

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