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Critique de motspourmots


"Je vais te donner un conseil : n'essaie jamais de dire de quoi parle un grand livre. Ou, si tu le fais, voici la seule réponse possible : rien. Un grand livre ne parle jamais que de rien, et pourtant, tout y est. Ne retombe plus jamais dans le piège de vouloir dire de quoi parle un livre dont tu sens qu'il est grand. Ce piège est celui que l'opinion te tend. Les gens veulent qu'un livre parle nécessairement de quelque chose. La vérité, Diégane, c'est que seul un livre médiocre ou mauvais ou banal parle de quelque chose. Un grand livre n'a pas de sujet et ne parle de rien, il cherche seulement à dire ou découvrir quelque chose, mais ce seulement est déjà tout, et ce quelque chose aussi est déjà tout".

Je vais tâcher de ne pas faire injure à l'auteur en tentant de parler du contenu de son roman pour évoquer en quoi cette lecture peut être riche, captivante, piquante, insolente, intelligente, enthousiasmante, stimulante... et bien d'autres choses encore. D'abord, il faut être conscient qu'au fil de ces quelques 450 pages il n'est question que de littérature, de la quête de l'écrivain à travers les âges, par-delà les frontières et à l'aune des drames de l'Histoire. L'auteur nous invite à une sorte de jeu de piste, mettant en scène Diegane Faye, un jeune écrivain sénégalais qui va se passionner 80 ans après, pour un livre publié en 1938 : le Labyrinthe de l'inhumain. L'auteur, T.C. Elimane a disparu mystérieusement après que son livre, d'abord encensé fut entaché d'un énorme scandale. Hypnotisé par sa lecture, Diegane se lance sur les traces d'Elimane et remonte le cours de l'histoire, entre la France et le Sénégal, en passant par l'Argentine sur fond de Shoah et de colonialisme. Rien que cette quête pleine de zigzags, de rencontres insolites et aux allures de conte teinté de magie suffirait à captiver. Mais il faut ajouter toute la verve stylistique et poétique de l'auteur, son humour, son regard acéré sur le petit monde de l'édition (qui nous vaut des pages délicieusement cruelles sur la critique "qui n'évalue plus les livres mais les recense"), l'intelligence de la construction et la portée de certaines saillies que l'on peut qualifier de brillantes (je vous passe le nombre de post-it qui ornent désormais mon exemplaire).

En plus d'offrir la lecture d'une réjouissante enquête littéraire à l'aune de la relation culturelle compliquée entre la France et l'Afrique, La plus secrète mémoire des hommes est une éblouissante déclaration d'amour à la littérature. Qui semble n'avoir été livrée que pour mieux se délecter du plaisir des mystères qui entourent l'acte d'écrire, et qui semblent impossibles à saisir alors même que l'on pense s'en approcher au plus près. Un conseil : laissez-vous promener par la plume et l'esprit malicieux de Mohamed Mbougar Sarr, laissez-vous entraîner dans ce somptueux labyrinthe de l'écrivain dont on ressort ébloui et heureux.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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